Intervention de Joëlle Simon

Réunion du mardi 28 janvier 2020 à 18h00
Mission d'information sur l'évaluation de la concrétisation des lois

Joëlle Simon, directrice générale adjointe en charge des affaires juridiques, éthiques et de gouvernance des entreprises du Medef :

Vous vous intéressez à la loi après sa publication mais pour nous, meilleures seront les conditions d'élaboration de la loi et mieux elle sera appliquée. En d'autres termes, plus elle sera claire et plus elle sera facile à appliquer pour ses destinataires. Nous avons beaucoup contribué, comme d'autres, à l'exercice de simplification et fait à cette occasion des propositions de réduction du stock, ainsi que des propositions relatives à l'élaboration de la loi. L'un des points essentiels mis en lumière par votre questionnaire est le rôle que peuvent jouer les représentants du monde économique dans l'élaboration de la loi. Nous avons eu l'occasion – et je trouve que c'est un très bon principe – d'expérimenter le principe du tandem, avec un élu et un représentant d'entreprise, dans le cadre de la préparation de la loi « plan d'action pour la croissance et la transformation de l'entreprise » (PACTE). Franchement, il m'apparaît que la préparation de cette loi a été exemplaire parce qu'elle a été précédée par ce long travail en tandems, avec de nombreuses auditions. En revanche, nous avons regretté l'absence de rapports rédigés par les différents tandems, hormis ceux gérés par la direction du Trésor.

Nous avons également expérimenté ce principe du tandem de manière positive lors du premier Conseil de la simplification, co-présidé par M. Thierry Mandon et M. Guillaume Poitrinal. Selon moi, cette association des destinataires des normes et de ceux qui les élaborent est une très bonne chose. À un moment donné, la volonté d'aller un peu plus loin s'est manifestée, mais je sais que le secrétaire général du Gouvernement est tout à fait opposé à cette proposition. Il s'agissait cependant de la première proposition du Conseil de la simplification, consistant à mettre en place un Comité « impact entreprises » composé d'experts du monde économique et social, afin d'évaluer les textes dès lors que ceux-ci auraient eu un impact sur l'entreprise et un impact social. Nous avions trouvé cette proposition intéressante, d'autant qu'elle est inspirée de ce qui se passe dans de nombreux pays européens. Dans ces conditions, nous n'avons pas bien compris les raisons d'une telle opposition, puisque les pays dans lesquels ce dispositif existe sont tout aussi démocratiques que la France. Nous avons néanmoins compris qu'en la matière, une fin de non-recevoir était opposée.

Vous vous interrogez sur la qualité de la consultation en amont : elle est extrêmement sérieuse, et quelquefois très longue. Je prendrai un exemple quelque peu extrême, mais qui a abouti à un texte de qualité, non reproductible dans tous les cas. Il s'agit de la réforme du code civil, plus spécifiquement du droit des obligations et du droit des contrats, qui a pris du temps. La réforme a eu lieu par ordonnance, mais un travail important a aussi été mené par le Parlement sur la loi de ratification, qui a permis d'améliorer le texte. Par conséquent pour des textes d'une telle importance, destinés à régir les relations entre les entreprises pendant longtemps, cette procédure est essentielle.

Le même exercice se reproduira dans le cadre de la réforme de la responsabilité civile dont vous aurez bientôt à connaître puisqu'en l'espèce, le législateur aura la main. Dans ce cas aussi, la discussion s'inscrira dans le temps long.

Quelquefois, nous sommes confrontés à des exemples un peu caricaturaux. Je citerai à ce titre la dernière réforme des procédures collectives, pour laquelle la Chancellerie nous a adressé un projet de loi la veille de Noël en nous demandant une réponse pour les premiers jours de janvier, sans exposé des motifs. Lorsque nous avons tenté de joindre la Chancellerie, nous avons constaté que ses représentants étaient tous en vacances. Nous avons tenu à répondre dans les délais, même s'il s'agissait d'une caricature de consultation.

En outre, une systématisation des consultations électroniques et une globalisation des réponses sont constatées. On a l'impression que ce procédé donne une marge de manœuvre à ses auteurs, mais il semble que cela se décide plutôt au niveau de la Commission européenne. On nous annonce que quatre cents réponses ont été reçues, sans nous dire que sur les trois cents réponses individuelles, deux représentaient la CPME et le Medef, qui représentent des centaines de milliers d'entreprises. Par conséquent, il est important de tenir compte du poids des avis formulés.

Le Gouvernement s'est exprimé par un communiqué en Conseil des ministres sur le fait que pour la loi PACTE, les très nombreux décrets avaient été presque tous publiés. Je citerai cependant l'exemple d'un dispositif pour lequel une absence de publication embarrasse beaucoup les entreprises : celui de la « transaction URSSAF ». Le texte date d'il y a cinq ans, mais le dispositif est toujours conditionné à la publication d'un arrêté permettant la mise en place de la transaction. Or, dans la mesure où le texte ne permet plus une transaction selon le code civil, la transaction avec l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) n'est plus possible pour les entreprises. Il s'agit d'un point sur lequel nous avons attiré l'attention du Gouvernement.

Le Medef s'efforce d'aider ses adhérents à comprendre la loi car les textes ne sont pas toujours faciles. Ainsi, sur l'encadrement des activités des représentants d'intérêt, mis en place par la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite loi « Sapin 2 ») également, nous avons tenu beaucoup de réunions et élaboré des guides d'application. Nous envoyons tous les ans à nos membres une information pour les inciter à respecter cette obligation.

Pour la procédure de signalement des alertes, également prévue par la loi « Sapin 2 », l'obligation s'applique à partir de cinquante salariés, ce que nous avions regretté et critiqué à l'époque. Ce seuil très bas a malheureusement été repris comme seuil européen, ce que nous regrettons. Nous avons élaboré un guide d'application pour permettre aux petites entreprises de mettre en place cette procédure de signalement.

De même, nous avons publié un guide, que nous adaptons régulièrement, pour aider les entreprises à mettre en place un dispositif de prévention de la corruption. À cet effet, nous continuons à entretenir des contacts réguliers avec les autorités.

Enfin sur l'association des salariés aux résultats, qui est l'un des points essentiels de la loi PACTE, nous avons mené une campagne d'information et de sensibilisation des entreprises. Nous sommes également très attentifs à développer la notion de raison d'être, c'est-à-dire le rôle des entreprises dans la société au-delà de leur seule activité économique. Dans notre comité de gouvernance, nous mettons actuellement en place des outils pour aider les entreprises qui le souhaitent à mettre en place une raison d'être, et à en évaluer les éventuelles conséquences juridiques. Nous avons procédé de même pour la protection des données.

Le test PME est pour le moment assez décevant. Sauf erreur de ma part, l'impact éventuel ne concernerait que les décrets, et les domaines choisis n'étaient pas les plus intéressants. En revanche – et nous pourrons vous communiquer notre contribution au Conseil d'Etat – nous estimons très positives les expérimentations puisqu'avec elles, la loi perd sa légitimité ab initio. Nous avons recensé des expérimentations très réussies en matière sociale, notamment l'extension de l'apprentissage au-delà de 30 ans. Nous suivons d'autres exemples d'expérimentations, notamment le revenu de solidarité active (RSA) généralisé.

S'agissant des études d'impact, je ne vous surprendrai pas en vous disant qu'elles sont souvent décevantes. Je ne fais pas partie des gens qui, chez nous, sont en train de lire l'étude d'impact de mille pages sur la loi « retraites », mais je m'abstiendrai de la commenter après ce que le Conseil d'Etat en a dit. Par ailleurs, il y a toujours des sur-transpositions de normes européennes malgré les engagements du Gouvernement. Il y en a quelques-unes dans la loi PACTE, alors que le ministre s'était engagé, la main sur le cœur, à ce que cette loi soit celle de la « non sur-transposition ».

Pardonnez-moi d'avoir été un peu longue, mais le sujet est très riche.

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