Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du lundi 1er mars 2021 à 14h30
Mission d'information sur l'évaluation de la concrétisation des lois

Amélie de Montchalin, ministre :

Certaines de vos questions relèvent de l'organisation de l'Assemblée nationale. J'avais pu prendre des positions à leur sujet à titre personnel lorsque j'étais députée mais, aujourd'hui, elles sont en dehors de mon champ de compétence. Je peux vous en parler de manière libre, mais je me contenterai d'avancer quelques pistes de réflexion.

En ce qui concerne les objectifs de résultat, les rapporteurs de tous les textes pourraient convenir entre eux, unis par une sorte de pacte sacré, d'exiger que le Gouvernement clarifie ses objectifs à travers des indicateurs de suivi. En l'absence d'une telle clarification, un amendement pourrait être voté en ce sens. De la même façon, toute demande de rapport devrait être accompagnée d'indicateurs actualisés, par exemple à des échéances de six, douze et dix-huit mois. Cela permettrait d'éviter que les rapports ne deviennent purement littéraires.

En tant que ministre du numérique de l'État, je constate que, trop souvent, les ministères choisissent des indicateurs qui leur sont favorables. Il serait préférable que ce choix soit fait par les parlementaires eux-mêmes. Cela n'exonère pas, madame la présidente, le Gouvernement de ses responsabilités en ce domaine.

Le projet de loi « 4D » est un projet de loi de clarification, qui contient également des dispositions de décentralisation, de déconcentration, de différenciation et de simplification. Son objectif est de rendre l'action publique plus efficace, à structure institutionnelle globalement constante. C'est important car, auparavant, face à un problème, on voulait changer le système, au lieu d'essayer d'améliorer les conditions d'efficacité du système existant. C´est ainsi que des cantons, des grandes et des petites régions ont été créés.

Les dispositions du projet de loi « 4D » en matière de simplification sont en cours d'examen par le Conseil d'État. L'une de ses dispositions concerne le partage des données entre les administrations : elle devrait favoriser l'interministérialité. Si les ministères n'ont pas une vision commune d'un problème, ils ne peuvent pas prendre en compte les externalités de leur action sur le périmètre des autres ministères.

Le pilotage par la donnée concerne aussi les préfets. Nous sommes en train de construire des tableaux de bord territoriaux qui leur permettront de suivre l'application de soixante-dix-huit réformes, au-delà donc des seules réformes suivies par le baromètre. Ce tableau créera des points de diagnostic partagés avec l'administration centrale à Paris. Sans un tel outil, il est très difficile pour un préfet de faire savoir qu'il rencontre une difficulté si celle-ci n'est pas visible à Paris et inversement.

L'évaluation des préfets sur leur capacité à produire des résultats dans des domaines qui sortent du strict périmètre du ministère de l'intérieur est aussi une manière de les intéresser à des dossiers pour lesquels ils ne sont pas les exécutants. Je pense à l'exemple de la fibre. Ce n'est pas la préfecture qui installe les câbles pour relier les foyers situés dans les montagnes des Hautes-Pyrénées, mais la préfecture est un des principaux financeurs d'un tel projet. Il ne s'agit pas de mettre les différents acteurs sous la tutelle du préfet, mais de permettre à celui-ci d'agir comme fédérateur afin de résoudre d'éventuels blocages liés par exemple à la disponibilité des fonds publics, au pilotage des collectivités ou à des problèmes de recrutement des opérateurs.

Vous m'avez interrogée sur la manière de faire du baromètre un outil remontant alimenté par le terrain. Je constate que certains chefs de projet départementaux ajustent les cibles qui ont été fixées par l'administration centrale – je pense par exemple au nombre de kilomètres de pistes cyclables – en fonction de la réalité du territoire. Cet ajustement se fait au cours de discussions politiques entre les différents échelons de décision et porte sur la cible plutôt que sur les moyens et la réalité de la situation. Ces échanges deviennent donc plus intéressants et opérationnels qu'une stricte discussion sur la réalité de la situation. La situation, c'est une donnée ; la cible, c'est une projection.

Madame Beaudouin-Hubiere, votre question sur les moyens du Parlement est en dehors de mon périmètre mais je constate, en tant que ministre de la fonction publique, et non de la fonction publique parlementaire, qui est indépendante, que les administrateurs de l'Assemblée nationale sont des juristes très performants pour évaluer la constitutionnalité et la valeur juridique de tel ou tel dispositif, mais il faudrait aussi qu'ils puissent accompagner les rapporteurs dans leur analyse des études d'impact et d'autres questions relatives à la mise en œuvre de la loi. Si un texte renvoie sa mise en œuvre à un décret, cela signifie que, au moment de son vote, cette mise en œuvre n'a pas été clarifiée. Cela devrait déclencher une alarme collective. De la même manière, il faut s'assurer, au cours de la navette parlementaire, que les conditions d'application du texte sont déjà définies, afin d'éviter qu'il ne contredise l'application d'une autre politique. C'était un combat de Laure de La Raudière dans le cadre des travaux du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN).

D'autres compétences, liées au numérique et au partage d'informations, pourraient aider les rapporteurs à améliorer, non seulement la qualité juridique des lois, mais aussi leur caractère opérationnel. J'essaye, en tant que ministre de la fonction publique, de faire en sorte que l'État recrute davantage de fonctionnaires détenant des compétences opérationnelles, dans le domaine des finances, du numérique ou des ressources humaines, et un peu moins de spécialistes de la norme et de la jurisprudence.

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