Les problématiques sont assez différentes : nous travaillons à la fois à Strasbourg et à Bruxelles, nous avons vingt-quatre langues officielles, nous venons de vingt-sept pays très diversement touchés par la crise du covid-19, nous n'avons pas eu d'état d'urgence ni de loi exceptionnelle à adopter, et nous ne contrôlons pas l'action d'un gouvernement.
Une session plénière était prévue en mars à Strasbourg, peu de temps après la découverte du cluster de Mulhouse. La décision d'annuler a très vite été prise – ces villes, depuis l'étranger, paraissent plus proches qu'elles ne le sont en réalité – et la question d'un retour à Strasbourg en septembre se pose.
Nous nous sommes demandé si notre devoir d'exemplarité devait nous pousser à nous rendre au Parlement européen ou au contraire à ne pas le faire. Même si nous avons clairement été dissuadés de venir à Bruxelles, notre président n'avait pas le pouvoir de l'interdire.
Nos travaux n'ont jamais été suspendus. Du matériel informatique complémentaire a été distribué, l'ensemble des assistants et des fonctionnaires a très vite été autorisé à télétravailler, et les réunions se sont poursuivies dans des conditions dégradées. Un système de traduction simultanée à distance en sept langues a vu le jour, ce qui constitue un exploit remarquable. Nous avons un système sécurisé de réunions audios et vidéos qui a très bien fonctionné malgré quelques problèmes de connexion.
En ce qui concerne les votes, nous n'avons pas eu recours aux groupes politiques, car leur composition est beaucoup plus diverse que dans les parlements nationaux. Le vote à distance a d'abord été organisé d'une manière assez rudimentaire, qui ne permettait pas d'aller vite : il fallait imprimer les feuilles de vote, cocher des cases, signer, scanner et renvoyer le document. On coche désormais les cases sur son ordinateur, mais le reste n'a pas changé. Un autre système, totalement électronique, est expérimenté en commission mais sa sécurisation fait l'objet de controverses. Instaurer dans l'urgence des systèmes d'une grande complexité technique n'est pas facile.
Le retour à Bruxelles est progressif. De nouvelles règles d'accès ont été adoptées, notamment le port obligatoire du masque et la prise de la température, mesure controversée mais recommandée par le service médical.
S'agissant des réunions plénières, le respect de la distanciation physique ne nous permet pas de siéger tous en même temps. Les débats sont retransmis sur un grand écran dans une deuxième salle, ce qui permet de réunir 600 députés en tout, mais un problème risque de se poser assez vite. Ne peuvent prendre la parole que les députés physiquement présents, ce qui a suscité beaucoup de débats.
Afin que nos travaux puissent reprendre comme avant, il faudra que les 705 députés, sans exception, aient l'autorisation de franchir les frontières, qu'ils estiment opportun de se déplacer, compte tenu de la situation sanitaire de leur pays ou de leur région, qu'ils aient un moyen de transport à leur disposition et qu'ils puissent être hébergés sur place dans des conditions sanitaires satisfaisantes.
Certains se demandent s'il est bien utile de venir siéger toutes les semaines en commission ou dans le cadre des groupes. Il y a une tentation de pérenniser le travail à distance dans certains cas. Je trouve que cela ferait courir des risques à la vie parlementaire.