Je commencerai par rappeler rapidement la méthode que nous avons suivie. Nous avons débuté par des réunions tous les quinze jours : des réunions thématiques, mais aussi avec chacun des groupes politiques, ce qui a débouché en début de processus sur une soixantaine d'idées qui ont ensuite alimenté nos travaux. J'ai présenté en juillet un premier rapport qui a été commenté par certains d'entre vous, puis une deuxième version en septembre. La toute dernière version qui vous a été transmise comporte quelques ajustements mineurs.
En voici les quatre principales conclusions. Premièrement, nous sommes quasi unanimes à préférer conserver notre gouvernance actuelle plutôt que d'imaginer une gouvernance spécifique liée à un état de crise parlementaire. Après avoir évalué les différentes pistes possibles, nous avons donc clairement écarté le fameux « état d'urgence parlementaire » évoqué lors de nos travaux liminaires.
Deuxièmement, ce que j'ai appelé une « boîte à outils » doit mettre à la disposition de notre gouvernance des outils prédéfinis pouvant être activés en cas de crise. Nourrie notamment de la soixantaine d'idées dont je viens de parler, elle repose sur l'emploi spécifique d'outils que nous connaissons et utilisons déjà au quotidien.
En voici trois exemples : les questions écrites, moyennant leur recentrage sur le thème de la crise et un suivi plus actif des réponses du Gouvernement ; une sorte de vision à 360 degrés, pour tous les députés, de l'ensemble des actions de contrôle du Gouvernement, élément essentiel du travail parlementaire dans une période de crise où le recours aux ordonnances peut être substantiel ; enfin, et dès lors que les députés seraient empêchés de venir dans l'hémicycle par des raisons sanitaires, par exemple, le recours sur chaque texte à des contributions écrites que le rapporteur et le ministre seraient libres de mettre à profit.
Troisièmement, l'utilisation des outils numériques – qui figurent eux aussi dans la boîte à outils – doit être encadrée. L'objet de nos travaux était notamment de réfléchir à leur juste place dans une situation extrême. Le vote à distance doit ainsi préserver l'aspect solennel du vote, de même que la possibilité de contrôle démocratique direct : ainsi, le vote numérique devrait être public, pour que chaque député puisse vérifier sans délai que son intention de vote a bien été prise en considération ; cela pourrait simplifier le recours aux outils numériques et dissiper les soupçons dont ces derniers peuvent faire l'objet. Il s'agit donc de modifier le règlement de l'Assemblée nationale pour autoriser la conférence des présidents à activer ces outils, dans des circonstances exceptionnelles et de manière très encadrée – nous avons beaucoup travaillé à ce cadrage, notamment sur le fondement de vos contributions.
Le quatrième volet concerne l'ensemble des actions entreprises par les services de l'Assemblée, en lien avec les questeurs, pour préparer les crises d'après. Elles n'appellent pas nécessairement une validation par la conférence des présidents. Ainsi, si l'outil numérique doit devenir l'un des éléments utilisables en cas de crise, cela suppose de le sécuriser encore davantage ; les services y travaillent. Il faut aussi prévoir l'éventualité que le site du Palais-Bourbon soit rendu inopérant par un autre type de crise, à la suite d'une inondation, par exemple.
Je remercie l'ensemble des groupes politiques d'avoir consacré du temps à nos travaux. Il me semble que la proposition que nous vous soumettons représente un juste milieu entre ceux qui auraient voulu étendre l'usage des outils numériques, par exemple, jusque dans nos pratiques courantes et ceux qui souhaitaient que le groupe de travail se limite strictement à la question de la gestion en cas de crise, conformément à son mandat. Certains points doivent encore faire débat, notamment les modifications du règlement, qui nécessitent naturellement l'examen d'un texte en commission, puis dans l'hémicycle.