Vous parliez d'activité nomade concernant les bateaux. Pour autant, les flottes trouvent chacune leur équilibre dans tel ou tel endroit, et il n'est pas si aisé d'en changer. Il n'en demeure pas moins que, dans l'hypothèse où les navires français et européens devraient complètement sortir des eaux britanniques, ceux qui travaillent aujourd'hui dans la ZEE britannique disposent presque tous de droits de pêche dans une bonne part des eaux communautaires. La conséquence directe serait bien sûr la sortie des eaux britanniques. La deuxième serait que ces bateaux chercheront une activité ailleurs. Et ils ont tous des droits à le faire. Les zones qui atteignent aujourd'hui l'équilibre, je pense à Ouest-Irlande et Sud-Irlande, ou encore à Ouest-Bretagne où les pêches ont tendance à se régulariser, se verront complètement déstabilisées. En effet, tout ce flux dont vous avez vu l'intensité en mer Celtique et en Ouest-Écosse se retrouvera dans les zones disponibles. De même que les pêcheurs de Boulogne-sur-Mer qui pêchent pour une bonne part dans la partie nord de la Manche ont le droit de travailler dans la partie sud. C'est un droit qu'ils utiliseront nécessairement, déstabilisant d'autant les pêcheries qui y sont déjà. L'hypothèse la pire, dans laquelle nous nous ferions complètement exclure des eaux britanniques, produirait ce premier effet. Un deuxième effet prendra la forme d'une migration des pêcheries qui travaillent dans les eaux britanniques aujourd'hui et une déstabilisation de l'ensemble des autres pêcheries.
Je souhaite également attirer votre attention quant au fait que l'activité des bateaux est largement remontée vers le nord au cours des dernières années. Pour l'armement qui nous concerne, nous l'avons remontée de pratiquement deux degrés. Alors que nous travaillions au droit de l'Écosse, donc à l'est, nous sommes plutôt rendus à travailler au nord. La raison est que nous suivons le poisson. Faut-il y voir l'effet du réchauffement climatique ? Je ne me prononcerai pas sur ce point. En tout cas, je constate que les bateaux retrouvent du poisson plutôt vers le nord. Cela a des conséquences importantes en termes de quotes-parts. M. Gueudar-Delahaye évoquait tout à l'heure la tentation d'ores et déjà affirmée des Britanniques de récupérer pour leur compte les quotes-parts de quotas qui sont dans leurs eaux. Je pense qu'ils iront plus loin et qu'ils feront le constat que la division des quotas en zones ne correspond plus à la réalité de la présence du poisson. Pour citer cet exemple, alors qu'environ 40 % du quota de merlu se trouvent dans le golfe Gasconne, ce poisson représente moins de 10 % des captures. Et pour cause : le merlu se pêche massivement dans les eaux britanniques, précisément dans les eaux écossaises. C'est au nord des Shetland, là où l'on n'en voyait pas un seul il y a encore vingt ans, que l'on fait les plus grosses captures aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle, au-delà de ce qu'évoquait le directeur des pêches, je pense que les Britanniques réclameront plus que les quotes-parts attribuées dans ces eaux. C'est une réalité de présence de poissons probablement liée au réchauffement des eaux. Ce n'est pas une vue de l'esprit, puisqu'il s'est passé sensiblement la même chose avec le maquereau voilà quelques années. Les Irlandais et les Féroïens se sont octroyé un quota important de ce poisson au motif qu'il passait à présent dans leurs eaux. Je ne doute pas que les Britanniques seront tentés de faire de même.
En valeur, une part relativement importante des pêches sort des eaux britanniques. Elle est plus importante en valeur qu'en fréquentation, car ce sont de gros bateaux qui y travaillent et qui apportent le volume. Ce sont aussi ces bateaux qui apportent pour l'essentiel le poisson à travailler. Si le poisson côtier est principalement destiné à être vendu entier, sur des circuits relativement courts et à peu de valeur ajoutée, celui qui fait travailler les ateliers de marée dans les différents ports vient essentiellement des bateaux hauturiers. En dehors de la valeur intrinsèque du poisson, c'est le travail sur les ports qui permet la valorisation.
Enfin, vous avez évoqué la relative faiblesse de la part française, qui ne sera touchée qu'à hauteur de 19 % sur la valeur des captures. L'incidence sera bien plus importante sur la chaîne de valeur du poisson.