Intervention de Nicolas Ozanam

Réunion du jeudi 19 avril 2018 à 14h30
Mission d'information sur le suivi des négociations liées au brexit et l'avenir des relations de l'union européenne et de la france avec le royaume-uni

Nicolas Ozanam, délégué général de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS) :

Je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui. Le marché britannique est un marché important pour les exportations françaises de vins et spiritueux. C'est notre deuxième client. Nous exportons plus de 1,300 milliard d'euros de marchandises vers le Royaume-Uni, d'où nous importons près de 650 millions d'euros, principalement du whisky écossais. Je précise qu'un certain nombre d'entreprises ont des intérêts des deux côtés. Une partie de la valeur de ce qui est importé l'est au profit d'entreprises françaises ou européennes. C'est important, dans cette notion d'échanges.

Nous ne nourrissons globalement pas trop de craintes, dans un secteur tel que le nôtre, quant aux problématiques de dépassement de marché. En effet, s'agissant du vin, les règles d'origine reposent sur celle de l'entièrement obtenu. Des règles de portée équivalente existent aussi pour les spiritueux. Ainsi, le transit par le Royaume-Uni ne nationalise pas le produit et, à l'arrivée, ne modifie pas véritablement le tarif imposé sur le marché communautaire. Qui plus est, dans le domaine des spiritueux, nous avons totalement démantelé les droits de douane à l'importation sur le marché de l'Union européenne depuis plus d'une vingtaine d'années. Globalement, que l'on vienne d'un pays de l'Union, d'un pays qui a un accord avec elle ou d'ailleurs, l'on entre à droit zéro. Nous ne craignons donc pas fondamentalement de changement profond dans les flux avec à la sortie du Royaume-Uni.

Nos principales appréhensions viennent d'autres éléments, liés à la définition des produits et à l'environnement réglementaire. Il peut ne pas y avoir de problème le jour J, mais une divergence peut s'installer, et avec elle, un cortège de difficultés dans les échanges. Nous ressentons également des craintes assez fortes en matière de propriété intellectuelle, bien évidemment, sur la question des indications géographiques car les régimes juridiques sont très différents entre le Royaume-Uni et la France. Le fait que ce pays sorte de l'Union européenne peut changer complètement sa façon d'aborder les indications géographiques. Heureusement, quelques produits comme le whisky écossais sont très attachés à cette protection. Ils sont, d'une certaine façon, nos meilleurs avocats de l'autre côté de la Manche. Quoi qu'il en soit, la plus grande vigilance est de mise. Un autre point nous préoccupe, en l'occurrence le sort des marques. Dans le cadre de l'Union européenne, un certain nombre de dépôts de marques se sont faits sous le vocable de « marque européenne » auprès de l'Office des marques d'Alicante. Avec la sortie du Royaume-Uni et le passage d'une Union à vingt-sept, la question de leur devenir se pose, avec des risques pour les détenteurs de droits.

Un autre élément est matériellement préoccupant : comment gérerons-nous le flux ? Une chose est de fixer les conditions réglementaires pour qu'il soit aussi fluide que possible, avec le moins d'à-coups. Mais force est de constater que les mouvements de marchandises sont tout à fait considérables. Ils ne connaissaient jusqu'ici aucune contrainte particulière au moment du passage de la frontière, mais cette situation changera du jour au lendemain. Se pose donc un véritable problème pratique. Comment faire face à des flux de marchandises qui n'auront rien à voir, en termes de statut, avec ce qu'ils étaient auparavant ?

Le deuxième point qui touchera les opérateurs communautaires vient du fait que jusqu'à présent, vous expédiez au Royaume-Uni quasiment dans les mêmes conditions qu'à Lille. Mais, d'un seul coup, vous exporterez désormais vers un pays tiers, avec des savoir-faire qui ne sont pas nécessairement acquis par des entreprises qui commercent avec le Royaume-Uni. C'est un changement profond. Dans un secteur comme le nôtre, nous y sommes d'autant plus attentifs que nos exportations sont principalement le fait de petites et moyennes entreprises (PME) qui ne se sont pas toujours dotées d'infrastructures ou de moyens économiques et humains pour y faire face. Ce changement pourrait avoir une réelle incidence sur la relation commerciale entre les opérateurs, quelle que soit la bonne volonté réglementaire. Pour le moment, nous sommes un peu comme une poule devant un couteau... Nous avons identifié le sujet, mais nous ne savons vraiment pas comment y répondre. D'autant que globalement, le goulot d'étranglement est plus important pour les marchandises d'Europe continentale qui iront vers le Royaume-Uni. Et pour cause, elles n'auront qu'un seul point d'entrée tandis que les marchandises en provenance de ce pays en auront plusieurs.

Enfin, nous n'exportons pas en Irlande. Nous exportons au Royaume-Uni et, généralement, c'est l'importateur britannique qui couvre le marché irlandais. Cela changera du tout au tout, puisque notre importateur distributeur sur le marché irlandais devra désormais le faire depuis un pays tiers. Cette situation sera extrêmement complexe, et changera à la fois les contrats et la logistique. Pour le dire clairement, nous n'avons pas l'ombre d'une idée de la façon dont fonctionnera la frontière entre l'Irlande et le Royaume-Uni.

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