Je tiens à excuser M. Guillaume Roué, président d'INAPORC, qui ne peut pas être présent aujourd'hui. Le marché britannique est très important pour la filière porcine européenne, puisque le Royaume-Uni importe quasiment un milliard de tonnes de viande de porc, pour 2,7 milliards d'euros, contre 1,5 million pour la Chine. C'est colossal.
Par le passé, les Britanniques ont suivi une stratégie de montée en gamme de leur production et ont baissé leur taux d'auto-approvisionnement, qui représente aujourd'hui près de 50 %. Ils achètent désormais de façon massive auprès des principales filières européennes, à commencer par l'Allemagne, l'Espagne, les Pays-Bas et le Danemark. Sur le court terme, nous aurions donc tendance à ne pas durcir la négociation, au risque de nous couper d'un marché d'un million de tonnes pour les filières. Je rappelle que la fermeture des frontières russes a coûté très cher aux filières porcines européennes. Avant 2014, nous y exportions 700 000 tonnes. Sur le court terme, le marché britannique est donc très important.
L'autre crainte concerne l'évolution dans le temps. En France, 70 % des produits porcins sont des produits charcuterie, donc transformés. Ils sont fabriqués pour partie avec de la viande française, mais aussi à partir de viande importée d'autres pays. La part des produits de charcuterie est importante dans la plupart des pays européens, puisqu'elle représente plus de la moitié des produits porcins. Or plus les produits sont transformés, plus la garantie d'origine est importante. En France, une expérimentation est en cours jusqu'à fin 2018, pour garantir l'étiquetage de l'origine. Mais nous sentons une opposition de la Commission européenne à inscrire dans la législation l'obligation d'étiquetage de l'origine de la viande servant à la fabrication des produits transformés. Notre crainte est qu'à terme, si nous avons des accords très souples de libre-échange avec le Royaume-Uni, celui-ci ne devienne une plateforme pour les pays comme les États-Unis ou le Canada, très intéressés par le marché européen. Dans le cadre de l'accord économique et commercial global (CETA) avec le Canada, un accord de libre-échange de 80 000 tonnes a été signé pour les filières porcines. Il n'y en a pas avec les États-Unis. Mais le risque existe de voir se constituer, à moyen ou à long terme, un flux inversé du Royaume-Uni vers l'Europe.
Il faudra donc renégocier les contingents des accords de libre-échange historiques, CETA en tête, puis une interdépendance. Dans l'idéal, il faudrait que nous ayons une position souple vis-à-vis du Royaume-Uni sur le court terme. En revanche, si celui-ci signe des accords de libre-échange avec des pays tiers, qui plus est fortement producteurs de porcs – États-Unis, Canada, pays du MERCOSUR –, il faudrait prévoir des clauses de renégociation. En effet, si le Royaume-Uni devenait une plateforme de produits nord ou sud-américains, la donne en matière d'équilibre des flux commerciaux pourrait être totalement modifiée.