Intervention de Barbara Pompili

Réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 10h00
Mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate

Barbara Pompili, ministre de la transition écologique :

Alors députée, j'avais voté en faveur de la création de cette mission d'information commune, car sortir du glyphosate n'est pas une option mais une nécessité pour la santé humaine, l'environnement et la biodiversité. Or, bien que personne ne puisse plus ignorer les conséquences de l'utilisation de cet herbicide, il constitue toujours 30 % de ceux qui sont utilisés en France. Mon collègue Julien Denormandie et moi-même travaillons de concert à la sortie du glyphosate, et notre stratégie est cohérente avec le rapport d'étape rendu par votre mission en novembre 2019. Le travail que vous avez réalisé nous permet de progresser ensemble.

Je dis à nouveau la détermination totale du Gouvernement à interdire toute utilisation du glyphosate si une alternative existe. Ce disant, je ne montre personne du doigt, tout au contraire. Je sais les bouleversements que cela implique dans les manières de faire et les habitudes de milliers de nos concitoyens mais nous, ministres et députés, avons la responsabilité politique d'être à la hauteur du moment, de répondre aux attentes de nos concitoyens et d'engager le pays dans un autre modèle en accompagnant chaque filière.

Nos efforts commencent à payer : les usages non agricoles du glyphosate ont diminué des deux tiers depuis 2011 en raison des interdictions d'utilisation précitées. Nous allons amplifier ce mouvement en interdisant très prochainement son usage dans les campings, les terrains de sport et les copropriétés. Les usages agricoles se sont également amenuisés en 2019, année où les ventes de glyphosate ont été les plus basses depuis une décennie ; elles sont passées de 8 800 tonnes en 2017 à 6 100 tonnes. C'est mieux, mais nous devons faire plus, plus vite. C'est pourquoi l'intégralité des usages pour lesquels des alternatives existent seront prochainement interdits. Quels sont-ils ?

Le sujet faisant débat, nous devions écouter les scientifiques. Nous avons donc eu recours à l'expertise indépendante, transparente, précise et rigoureuse de l'ANSES et de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, l'INRAE. Leurs travaux ont démontré que le glyphosate peut être remplacé par le désherbage mécanique plutôt que par d'autres herbicides de synthèse. Nous ne laissons donc aucun agriculteur sans solution en interdisant certaines utilisations, par exemple entre les pieds de vigne ou dans les grandes cultures régulièrement labourées, et par rapport au début du quinquennat, l'utilisation du glyphosate sera réduite de moitié en 2021.

Même si je suis la première à souhaiter que l'on aille encore plus vite et encore plus loin, nous devons nous satisfaire que la France soit pionnière en Europe à ce sujet. Les premiers résultats sont là. C'est un premier pas, certes, mais nous allons dans le bon sens et il faut continuer. Les travaux de l'INRAE et de l'ANSES nous le disent : nous pouvons, filière par filière, enclencher une dynamique de transition vers des alternatives aux herbicides chimiques plus respectueuses de notre environnement et de nos écosystèmes. Voyez le réseau des fermes DEPHY : 78 % des exploitations d'arboriculture et 66 % des exploitations en viticulture ont déjà réduit de manière draconienne l'usage du glyphosate et l'ont parfois même supprimé sans dégrader leur résultat d'exploitation. Cela montre que la sortie du glyphosate est réaliste à condition d'accompagner le changement d'échelle. Le Gouvernement a défini plusieurs outils à cette fin.

Le premier est le centre de ressources en ligne qui vise à diffuser les alternatives existantes et à accompagner les agriculteurs dans la recherche des solutions les plus adaptées à leur situation. Il existe aussi un accompagnement financier : le plan de relance destine 135 millions d'euros à l'acquisition par les agriculteurs d'agroéquipements tels que le matériel de désherbage mécanique. Enfin, des outils incitatifs sont également prévus pour rémunérer les agriculteurs à raison des services environnementaux qu'ils rendent à la Nation ; 164 millions d'euros ont été provisionnés jusqu'en 2024 pour réduire l'usage d'herbicides dans les aires d'alimentation de captage d'eau potable, et une centaine de territoires ont déjà été déterminés par les agences de l'eau. Malgré cela, restent 50 % des usages pour lesquels la recherche d'alternatives est notre priorité. Aussi avons-nous lancé le programme prioritaire de recherche « Cultiver et protéger autrement », doté de 30 millions d'euros sur six ans ; il doit permettre l'émergence d'une agriculture sans pesticides conventionnels et sans glyphosate.

Parce que la transparence complète, qui évite bien des phantasmes, est l'une des conditions clés de la sortie du glyphosate, le Gouvernement a publié en accès libre l'intégralité des données territorialisées ; chacun peut donc savoir quelle quantité de cette substance a été achetée dans son département. C'est une bataille quotidienne que nous gagnerons avec toutes et tous, dans la confiance.

Il ne s'agit plus de savoir si ou quand on va sortir du glyphosate mais comment. Nous avons déjà parcouru la moitié du chemin ; la deuxième partie se fera en accompagnant les agriculteurs, filière par filière, afin de trouver des solutions adaptées à des situations pour lesquelles il n'existe pas d'alternative immédiate. J'y veillerai. Mais sortir du glyphosate doit aussi conduire à s'interroger sur la consommation globale d'herbicides de synthèse. Si nous voulons mettre au point un nouveau modèle moins dépendant des intrants chimiques, protecteur de la santé humaine et de la biodiversité, nous devons récompenser à leur juste valeur les efforts du secteur agricole en faveur de l'environnement. C'est l'enjeu de la prochaine politique agricole commune (PAC), outil de transition agroécologique assez massif pour permettre de changer d'échelle et de faire vivre cet autre modèle qui nous rassemble toutes et tous. Je sais que mon collègue M. Julien Denormandie partage cette ambition, et vous pouvez compter sur ma totale détermination.

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