Intervention de Julien Denormandie

Réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 10h00
Mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate

Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Je vous remercie également pour vos travaux, d'une importance considérable étant donné les enjeux. Notre approche politique est claire : sortir du glyphosate avec méthode et avec un accompagnement. La méthode consiste à trouver des alternatives non chimiques, car celles qui existent, outre qu'elles ne correspondent pas à ce que nous souhaitons, ne sont pas applicables ou ne remplissent pas leur office. Nous comptons donc interdire l'usage du glyphosate pour autant qu'il existe une alternative non chimique viable pour nos agriculteurs. Cette démarche déterminée et pragmatique permet de progresser. Elle suppose la transparence, à laquelle je sais votre mission très attachée et Mme Pompili l'a indiqué : toutes les données sont disponibles à tous, car il s'agit d'un débat de société.

Parce que nous devons agir avec raison, nous avons demandé à l'ANSES et à l'INRAE de définir les nouvelles autorisations de mise sur le marché (AMM). Elles viennent d'être publiées et comportent des restrictions d'usages ; sont ainsi définis, selon les modes de culture, les limites de l'utilisation du glyphosate, les cas où il ne doit plus être utilisé et les impasses techniques persistantes. Dans cette dernière rubrique, je classerai les cultures viticoles en forte pente, différentes arboricultures fruitières, certains modes de culture où des plantes indésirables vivaces pourraient perdurer. D'autre part, aucune alternative appropriée n'est actuellement disponible pour l'agriculture de conservation des sols.

Les AMM, qui définissent utilisations et dosages, sont délivrées par l'ANSES après qu'elle a déterminé s'il existe une alternative économiquement viable à l'usage du glyphosate. Vous aurez constaté que figure dans les résultats de son étude l'impact des diverses méthodes sur l'excédent brut d'exploitation (EBE) en fonction des modes de culture.

Lorsque des impasses techniques subsistent, nous souhaitons accompagner les agriculteurs – c'est la manière d'agir si l'on veut progresser. L'accompagnement consiste d'abord à allouer les moyens nécessaires à la recherche d'alternatives au glyphosate. Aussi avons-nous décidé, pour aller encore plus vite, de doter de 7 millions d'euros supplémentaires, dès le projet de loi de finances pour 2021, le plan de 30 millions sur six ans consacré à cette recherche. Je sais que le sujet vous importe, et c'est chose faite.

Vous avez reçu le préfet Pierre-Étienne Bisch, coordonnateur interministériel du plan d'actions sur les produits phytopharmaceutiques et du plan de sortie du glyphosate ; il a beaucoup fait avancer les choses. Nous allons maintenant préciser l'accompagnement des agriculteurs filière par filière, individualiser les solutions et accélérer la dynamique. Pour ce faire, nous avons nommé un chef de projet, l'ingénieur en chef M. Henri Durand. Il vient de prendre ses fonctions et il sera chargé d'accompagner la transition sur le plan opérationnel aux côtés du préfet Bisch.

Toute transition ayant un coût, l'accompagnement des agriculteurs doit aussi avoir un volet financier. Plus vite on parvient à régler la question de leur revenu, plus rapides sont les transitions. Nous avons l'opportunité du plan de relance, et Mme Pompili a mentionné la ligne de 135 millions d'euros consacrée dans ce plan à l'agroéquipement. Nous irons même plus loin : depuis des années, les viticulteurs réclament le bénéfice du crédit d'impôt alloué aux exploitations certifiées « haute valeur environnementale » (HVE) ; nous proposerons par un amendement au projet de loi de finances pour 2021 de faire droit à cette demande.

Enfin, ces questions ont une dimension communautaire plus large que le seul renouvellement de l'autorisation d'utilisation du glyphosate au niveau européen. Aussi avons‑nous poussé, au niveau européen, nos objectifs : la réduction des usages de produits phytopharmaceutiques de moitié d'ici 2025, et les objectifs figurant dans le plan Ecophyto II+ dont Mme Pompili et moi-même avons signé le week-end dernier le cahier des charges pour 2021. Ce plan, doté de 71 millions d'euros, dont 13 millions pour le réseau des fermes DEPHY, accompagne la transition. Mais pour que la concurrence au sein du marché unique soit loyale, la transition doit se faire au niveau communautaire. C'est l'enjeu du travail de conviction que nous menons à ce sujet au sein des conseils des ministres européens de l'environnement et de l'agriculture. Nous nous y efforcerons particulièrement au cours de la présidence française dans quelques mois mais nous avons été l'un des quatre pays moteurs de l'étude à remettre fin 2021 sur l'utilisation des pesticides – le glyphosate en particulier –, des alternatives et des risques liés à ces utilisations.

Notre approche traduit une vision ambitieuse, pragmatique et déterminée. Elle met en œuvre une méthode que Mme Pompili et moi-même portons ensemble. Il ne s'agit aucunement d'opposer économie, écologie et agriculture mais de faire bloc pour encourager une méthode qui prévoit et l'accompagnement de nos agriculteurs et un projet européen, puisque nous sommes dans un marché unique.

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