Intervention de Dominique Potier

Réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 10h00
Mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Mes compliments pour le travail fait, dont je ne mets pas en doute le sérieux. Je n'entends pas répéter encore ce que le groupe socialiste a dit tant de fois en séance publique sans être forcément entendu, mais puisqu'une perche m'est tendue je la prends : il faut avoir la franchise de dire que la mort des CEPP est actée. C'est une erreur politique majeure de cette législature, qui remonte à l'élection présidentielle, d'avoir séparé conseil et vente ; on la paye très cher, et le courage commande d'admettre non pas que la philosophie du dispositif a changé mais qu'il n'y a plus de CEPP.

Pour ce qui est des comités de suivi, mieux vaut réhabiliter Ecophyto II – puisque les réponses sont systémiques, les déverrouillages le seront aussi, tous les scientifiques et tous les praticiens le disent – que recréer de la comitologie par molécule et par plante. Je plaide en faveur d'une gouvernance réactivée et efficiente du plan Ecophyto II, en panne depuis trop longtemps.

Je vous mets en garde, monsieur le ministre de l'agriculture, sur l'utilisation des fonds d'accompagnement des agriculteurs, qui doit être juste. Beaucoup de paysans font de grands efforts : la polyculture, l'élevage, les rotations longues se sont depuis longtemps affranchis de la dépendance aux produits phytosanitaires. Je ne voudrais pas que de l'argent public aille inconsidérément à ceux qui crient le plus fort et qui ne sont pas forcément ceux qui ont le plus besoin d'être accompagnés. Un grand discernement s'impose en matière socio-économique dans la diffusion des moyens destinés à créer des substituts au glyphosate ; sinon, il y aura une sorte de double injustice à l'égard des agriculteurs qui ont adopté des pratiques agroécologiques pénalisantes en termes de main-d'œuvre, d'exigences et de travail. Un souci de justice doit fonder la distribution des aides.

Je salue le fait que vous mettiez enfin en œuvre une politique de certification HVE équivalente aux mesures agro-environnementales et climatiques « systèmes » (MAEC « systèmes ») – à condition qu'une réforme des HVE soit engagée. En effet, les décrets d'application et les règlements de ce dispositif sont très datés ; ils n'intègrent pas les émissions de carbone et le pourcentage d'intrants est lié au chiffre d'affaires, ce qui entraîne des distorsions inacceptables entre productions végétales. En bref, en même temps que le déploiement des crédits, une réforme urgente de la certification HVE est nécessaire pour qu'elle puisse enfin être dans la future PAC, au moins à titre expérimental, une alternative aux MAEC « systèmes » ou aux « eco-schemes ». Je souhaite que la France mette en œuvre la certification HVE comme une solution de subventionnement spécifique.

J'appelle votre attention sur le fait qu'un amendement voté pendant la législature précédente, permet d'avoir des crédits post-AMM pour vérifier l'impact des molécules autorisées sur l'environnement et sur la santé humaine après la mise sur le marché. Ces crédits sont certainement insuffisants ; en tout cas, comme les crédits « phyto-victimes », affectés sur la même ressource fiscale, ils sont mal gérés par l'ANSES, qui est la première à se définir comme un mauvais collecteur d'impôt auprès des opérateurs de l'agrochimie. Une taxe affectée à Bercy permettrait d'avoir une base fiscale plus juste pour permettre une contribution équitable des acteurs de l'agrochimie à la prévention et à la réparation. La question peut paraître technique mais elle n'a rien d'insignifiant.

Enfin, les perspectives européennes portent sur l'aspect réglementaire mais aussi sur la recherche, et je me dois de souligner la dynamique lancée autour de l'INRAE, qui réunit dix‑huit instituts à l'échelle européenne. Nous avons beaucoup à apprendre de nos voisins européens sur l'affranchissement de la dépendance à la phytopharmacie, notamment au glyphosate.

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