Intervention de Patrick Bernasconi

Réunion du mercredi 1er décembre 2021 à 14h10
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Patrick Bernasconi, ancien président du Conseil économique, social et environnemental :

Je suis heureux d'échanger sur ce sujet qui intéresse nombre de personnes dans notre pays et notamment celles qui disposent d'un mandat ou d'une responsabilité publique. Nombreux sont ceux qui s'interrogent sur le mal-être de notre démocratie.

La mission qui m'a été confiée par le Premier ministre traite de la participation citoyenne et des tirages au sort. L'intérêt porté à ce sujet n'est pas récent. En premier lieu, ce sont les collectivités locales qui ont tenté de mettre en place cette participation citoyenne. Ces initiatives ont parfois débouché sur de belles réussites. Les collectivités locales ont ainsi essayé de faire vivre un vivier de citoyens qui souhaitaient participer activement à la vie démocratique en mettant en œuvre un certain nombre d'outils. Ces formes de participation (tirages au sort, grands débats…) ont récemment pris une ampleur considérable. Elles existent au-delà des collectivités locales, du point de vue régional et national, sous différentes formes et par l'intervention de différentes institutions. Vous avez cité le CESE qui a mis en place des participations citoyennes à travers des pétitions, des plateformes participatives, des tirages au sort ou la convention citoyenne. Outre les actions du CESE, il est également question d'organiser des débats à travers la commission nationale du débat public (CNDP). La direction interministérielle de la transformation publique (DITP), avec son outil le centre interministériel de la participation citoyenne (CIPC), a également organisé des débats citoyens. Enfin, nous pouvons également citer la Cour des comptes qui a été récemment à l'origine d'un tirage au sort. Ce phénomène touche donc différentes strates de l'administration publique.

Ces formes de participation citoyenne gagnent également le monde syndical. Certains syndicats comme la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) s'ouvrent à ces nouveaux outils. En effet, leur utilisation leur permet de dépasser leur panel d'adhérents et de disposer ainsi d'un retour citoyen plus large afin d'enrichir leur réflexion.

Dans l'univers des entreprises, Jean-Paul Bailly, lorsqu'il était président du groupe La Poste, est le premier à avoir engagé une large consultation du public et donc des usagers, au début des années 2000. Cette consultation a constitué une très belle réussite et a contribué à moderniser La Poste. D'autres entreprises organisent désormais des débats pour mieux cerner les attentes de leurs salariés ou pour répondre à des problématiques et aux attentes de leurs clients.

Au sein des entreprises, les organisations syndicales et le patronat souhaitent élargir la consultation pour améliorer le dialogue social. Il reste à savoir comment enrichir ce dialogue social sans perturber les compétences des uns et des autres, comment mettre en place un processus positif et vertueux.

À l'étranger, ce sujet gagne également du terrain. C'est le cas en Belgique avec le Parlement de Bruxelles, aux Pays-Bas, au Danemark, au Canada, en Islande, ou encore en Irlande. Il existe, dans ces pays, de nombreux exercices de participation. Récemment, l'Europe a lancé un grand processus de participation citoyenne pour enrichir le débat de ses organes institutionnels.

Au regard de ces différentes concertations, il s'agit désormais d'étudier ces outils participatifs d'un point de vue local, régional et national. Nous souhaitons que cela débouche sur une large évaluation à partir de laquelle des propositions d'évolution seront envisagées pour permettre un meilleur encadrement. Nous cherchons également à comprendre comment ces outils pourraient aider la démocratie représentative. L'un des objectifs de ma mission est d'appréhender l'articulation entre cette démocratie participative et la démocratie représentative. Les deux doivent se compléter sans s'opposer. En effet, nous sommes parfois confrontés à des antagonismes et à des éléments contre-intuitifs qu'il est nécessaire de prendre en compte. Au travers de ces exemples de participation se pose la question d'un partage équitable des décisions afin que le législateur puisse opérer en toute indépendance et dans le respect des assemblées.

Ce sujet est vaste. Il est nécessaire d'y apporter des réponses précises. Lorsque vous interrogez les maires, ils vous disent que tout sujet abordé au sein de sa collectivité est fréquemment mis en cause par ses administrés. La décision doit être partagée. Comment engager les citoyens dans une décision ? D'un point de vue national, si vous souhaitez une véritable adhésion à un projet d'envergure, il est essentiel de savoir comment mettre en œuvre une démocratie participative qui soit suffisamment efficace pour permettre à la future loi d'être acceptée de tous.

En Irlande, des sujets aussi lourds que ceux concernant le mariage pour tous et l'avortement ont fait l'objet de conventions citoyennes. Ces dernières ont permis une avancée et un partage et ont abouti à un référendum.

Nous disposons de nombreux outils. D'un point de vue local, il en existe même peut-être trop. Une partie d'entre eux pourrait être simplifiée. D'un point de vue national, il existe les CESE, CNDT, CIPC… L'enjeu demeure de mutualiser ces outils dans un souci de complémentarité, de clarifier leurs rôles afin d'éclairer la représentation nationale. Une fois l'éclairage donné, il s'agira de savoir comment pourront s'effectuer les échanges entre la représentation nationale et la représentation participative.

Il existe deux principaux types de participation : les grands débats tels que celui organisé en France il y a deux ans ; et les conventions qui s'adressent à un public de citoyens tirés au sort et représentant un champ plus restreint, davantage délibératif. La convention citoyenne sur le climat a soulevé des interrogations. Était-il nécessaire d'aller aussi loin dans l'écriture des propositions retenues ? Ce travail n'était-il pas davantage du ressort des assemblées ? Peu de personnes condamnent l'exercice. Cependant, des améliorations sont possibles afin de disposer d'un outil servant la démocratie et non l'inverse.

Je ne peux pas évoquer avec vous les pistes concrètes sur lesquelles nous travaillons, dans le cadre de la mission qui m'a été confiée. Lorsqu'elle sera achevée, je pourrai vous présenter notre rapport. À ce stade, je ne peux que vous rappeler notre état d'esprit : œuvrer pour que cette démocratie participative alimente au mieux la démocratie représentative.

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