(Interprétation de l'anglais.) Suite à la crise financière de 2008, la confiance envers la politique traditionnelle s'est effondrée en Islande. Un nouveau parti a été créé en vue des élections municipales de 2010, le parti Besti Flokkurinn – « le meilleur parti » –, dirigé par le comédien Jόn Gnarr et reposant sur un mode d'organisation très innovant consistant à laisser les citoyens définir eux-mêmes le programme politique du parti via des plateformes d'échanges. La méthode s'est avérée payante : la participation a été très élevée, le parti Besti Flokkurinn a remporté les élections et Jόn Gnarr a été élu maire de Reykjavik pour quatre ans. Après l'élection, la plateforme Better Reykjavik a été intégrée à l'administration municipale, ce qui nous a permis d'adopter une approche plus créative.
Le projet Your Priorities de comités participatifs est distinct du processus de budget participatif que nous appelons My District. Les citoyens adressent leurs idées aux comités participatifs, suite à quoi les utilisateurs de la plateforme en débattent en présentant des arguments pour ou contre ; chaque mois, les idées ayant recueilli le plus grand nombre de votes sont soumises à l'examen des commissions du conseil municipal. C'est ainsi que les citoyens peuvent directement inscrire leurs propres priorités à l'ordre du jour de l'exécutif.
Nous constatons néanmoins que la participation à cette plateforme recule, et ce pour plusieurs raisons : pour des responsables politiques et pour une administration, il est certes essentiel mais très délicat de travailler en lien aussi étroit avec la « base ». Les citoyens exigent que nous apportions des réponses claires et lisibles à leurs projets, mais le système tel qu'il fonctionne ne permet guère aux responsables municipaux d'y répondre par oui ou par non, souvent parce qu'un groupe de travail s'est saisi de l'initiative en question ou parce qu'il n'est pas certain qu'elle puisse être financée. Si cette expérience nous a appris quelque chose, c'est précisément à trouver un langage commun qui ne soit ni une réponse simple par oui ou par non, inadaptée à l'administration, ni le langage habituel de l'administration, inadapté aux citoyens.
Au début, les comités ont été quelque peu submergés par l'avalanche des idées qui leur étaient soumises ; nous veillons désormais à ne leur adresser que les idées qui recueillent le plus grand soutien populaire, de sorte qu'ils aient le temps de les examiner de manière approfondie. La principale raison qui explique le recul de la participation, cependant, tient surtout au fait que le deuxième volet de notre projet, le mécanisme de budget participatif, mobilise l'essentiel de nos moyens humains et financiers bien plus que nous ne l'avions anticipé. C'est pourquoi nous avons été contraints, faute de temps, de consacrer moins de ressources à la plateforme participative.
En ce qui nous concerne, le projet de budget participatif a porté principalement sur l'environnement et la planification, en particulier les nouvelles constructions et l'entretien des bâtiments. La ville de Reykjavik se divise en dix districts. Les citoyens transmettent leurs projets de construction ou d'entretien qui, après examen par des experts de la ville, sont adressés aux dix comités de district à qui il appartient d'en retenir vingt-cinq au maximum par district afin qu'ils soient mis aux voix. Les comités de district veillent à ce que les projets soient répartis de manière équilibrée dans la ville, qu'ils soient de nature diverse et qu'ils s'adressent à toutes les classes d'âge. Le système de vote électronique est très sûr. L'an dernier, la participation a atteint 10,9 % de la population ; les résultats du vote sont contraignants et les projets sélectionnés doivent être réalisés.
Le budget participatif a suscité une participation croissante au fil des ans : il répond à un cycle annuel et nous y avons consacré des moyens plus importants, d'où les progrès accomplis. En 2012, lors du premier vote, la participation n'a guère dépassé 8 %, et elle a diminué au cours des deux années suivantes. Nous avons donc procédé à plusieurs changements : nous avons notamment remodelé le site internet pour l'adapter aux appareils mobiles et en étoffer les contenus visuels, et avons sollicité les conseils d'une agence de publicité. Nous nous sommes également efforcés de travailler en lien plus étroit avec les services municipaux répartis dans chaque district, afin d'être au plus près des besoins des citoyens. Les projets les plus populaires portaient souvent sur les cours d'école, les piscines publiques, la sécurité routière et d'autres équipements de grande taille ; c'est pourquoi il nous était difficile de traiter ces projets complexes dans les délais imposés. En outre, notre mode de publicité ne permettait pas d'atteindre les plus jeunes, les personnes âges et les immigrés. Cette année, nous avons donc recruté une jeune femme chargée d'aller rencontrer les gens là où ils se trouvent, dans les écoles, les maisons de retraite, les centres de la Croix-Rouge : ce fut une bonne idée que nous renouvellerons lors de l'appel à idées de l'année prochaine.
La principale leçon que nous tirons de ce projet est qu'il suppose des moyens importants que nous avions initialement sous-estimés. Nous avons donc recruté de nouveaux employés. Le budget participatif suscite aussi des critiques parmi les citoyens, notamment le fait que les projets d'entretien sont privilégiés par rapport aux nouvelles constructions et autres projets, mais rares sont ceux qui souhaitent in fine que ces projets ne soient pas financés. Même s'il s'agit de projets de petite ampleur, ils font une véritable différence dans les quartiers et n'auraient sans doute pas été réalisés sans le processus participatif, car ils sont au plus près des besoins des habitants.
C'est un projet évolutif par nature au sujet duquel nous ne cessons d'apprendre et de nous améliorer. Il présente d'innombrables petites difficultés mais nous nous employons à les résoudre. Dans la sphère administrative et politique, chacun convient qu'il est utile et qu'il faut continuer de le renforcer.