Intervention de Claire Landais

Réunion du jeudi 24 janvier 2019 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Claire Landais, secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) :

Merci beaucoup monsieur le président, monsieur le premier vice-président, mesdames et messieurs les parlementaires. Je ne suis pas forcément la mieux placée pour vous parler dans le détail des risques de captation, c'est pourquoi je suis accompagnée de représentants d'institutions qui sauront le faire mieux que moi, notamment MM. Thierry Matta et Guillaume Poupard, qui vous donneront des éléments précis sur les risques et les vulnérabilités.

Si vous me permettez, je voudrais d'abord vous remercier pour l'organisation de cette matinée, qui est précieuse à la fois pour le dialogue qui va pouvoir se nouer et de façon générale, pour la bonne collaboration qui existe traditionnellement entre nos deux institutions. Je suis à la tête du SGDSN depuis moins d'un an mais je comprends qu'il existe une tradition de discussion et de dialogue entre nous : drones, sécurité nucléaire, ZRR… Nous serons évidemment à votre disposition pour continuer cette coopération. Si vous en êtes d'accord et si vous êtes demandeur, je pourrai venir vous rendre compte de ce qui s'est passé sur la sécurité nucléaire depuis quelques mois ; c'est une offre de services que je fais volontiers à l'Office. Je voudrais indiquer dans quel état d'esprit nous arrivons ce matin en disant que, probablement, le SGDSN est parfois caricaturé, comme le sont les services de renseignement avec lesquels il travaille. Nous pouvons être vus comme parties prenantes d'un appareil « sécuritaire » avec tout ce que cela emporte, et suspects d'une certaine rigidité dans le rappel à l'ordre sur les menaces et les dangers. Or notre intention est de protéger, vous l'avez dit, contre ce qui se développe aujourd'hui, ce qui se renforce : le terrorisme, mais aussi le retour de la puissance des États, les risques de la prolifération, la guerre économique et toutes les tentations de captation de données stratégiques, de savoir-faire et de technologies.

Nous sommes bien sûr là pour le rappeler, pour le détecter, pour sensibiliser à cette menace. Nous sommes là aussi pour réfléchir à des modes de protection, et parfois les imposer. Mais je voudrais dire aussi que, et c'est mon sentiment depuis que je suis arrivée au SGDSN, nous sommes évidemment aussi conscients du besoin de conciliation des impératifs sécuritaires avec d'autres, qu'il s'agisse d'impératifs de modernité, de fluidité de l'information, d'ouverture, de transparence ou de dialogue. Donc nous sommes bien conscients que l'efficacité même des dispositifs de protection contre des menaces croissantes passe par une capacité à assurer cette conciliation entre certains impératifs de défense de nos intérêts fondamentaux – les intérêts fondamentaux de la nation, comme vous le savez, sont protégés par la Constitution et doivent donc faire l'objet de mesures et de certaines politiques de protection – mais aussi d'autres impératifs, qui eux aussi peuvent avoir un fondement constitutionnel et qui méritent évidemment d'être mis en balance avec les impératifs sécuritaires.

Je prends un peu de champ par rapport à la PPST, nous le vivons dans d'autres domaines, par exemple avec le secret de la défense nationale, qui est essentiel mais qui suscite curiosité et parfois fantasme. Nous devons être capables d'expliquer pourquoi le secret sert bien au « cœur du cœur » et n'est pas dévoyé. Nous devons faire attention à ne pas utiliser la classification de façon excessive, à savoir déclassifier et à pousser un peu les choses pour être capables de donner de l'information. Nous devons donc veiller à bien cantonner le secret dans le strict champ où il est légitime. C'est aussi le cas avec la politique de sécurité des activités d'importance vitale (SAIV) et la désignation d'opérateurs d'importance vitale (OIV), auxquels on impose des sujétions en termes de protection de leur activité parce que son interruption poserait de réelles difficultés. Les textes disent qu'il s'agit d'organismes dont la continuité de l'activité est essentielle à la vie de la nation. La désignation des OIV, et aujourd'hui aussi des opérateurs de services essentiels (OSE) dans le champ cybernétique, fait partie d'une politique pour laquelle nous savons être prudents quant à la façon dont nous imposons les choses. Je trouve que nous avons bien progressé ces dernières années dans le maniement d'outils réglementaires autoritaires, et parfois alternativement d'outils de sensibilisation, de conviction et de concertation, pour faire en sorte de concilier des impératifs qui parfois peuvent être contradictoires.

Vous me voyez venir, je pense que la PPST est évidemment un des champs dans lesquels une conciliation est nécessaire entre ce besoin de protection de savoir-faire et de technologies sensibles, et la liberté de la recherche, le besoin de communication entre chercheurs, le besoin d'échange, le fait que la connaissance grandit grâce au fait que, précisément, elle est partagée. Nous en sommes d'autant plus conscients que nous pouvons avoir un dialogue avec les chercheurs eux-mêmes, ceux qui sont à la tête des laboratoires et qui savent nous aider à concilier ces impératifs.

La première fois que j'ai lu les textes réglementaires relatifs à la PPST, je les ai trouvés assez peu classiques, presqu'imprécis. Je pense aujourd'hui que cette imprécision est précisément liée à l'objectif de souplesse, avec une certaine capacité d'adaptation du dispositif aux situations particulières. Ce dispositif a été rénové en 2012 dans un sens justement d'adaptabilité et de capacité à être aménagé en fonction des concertations qui peuvent être menées. C'est pour cela d'ailleurs qu'on trouve de la souplesse dans la désignation des secteurs à protéger en priorité, dans la désignation des technologies ou des savoir-faire particulièrement sensibles, ou dans la constitution des ZRR elles-mêmes. La concertation est présente dans cette caractérisation, dans cette identification des secteurs et des laboratoires. Ce dispositif s'applique notamment, et on y reviendra largement, aux laboratoires de recherche, mais pas seulement – aujourd'hui on compte moins de mille ZRR dans les six secteurs ministériels que le premier vice-président a indiqués –, puisque de nombreuses entreprises hébergent également des ZRR. Donc je crois que la souplesse est présente dans la conception même du dispositif.

Je remercie le préfet Inglebert, qui sera plus disert que moi sur la façon dont ce dispositif s'applique dans le champ du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI), avec une souplesse de mise en œuvre pour laquelle on peut encore mieux faire en simplification, en adaptation et en dialogue. Voilà le message que je voulais vous faire passer, et encore une fois je vous remercie pour cette audition. Il est certain que l'État n'a pas en propre toutes les capacités à intégrer par lui-même, par ses personnels – même si nous avons des ingénieurs, des scientifiques ou des personnes qui ont une culture économique – toute l'expertise permettant d'assurer cette conciliation. D'où le besoin d'échange, d'où l'existence dans le cas de la PPST d'un comité des experts avec des sous-commissions thématiques qui doivent être les lieux d'échanges et d'adaptabilité potentielle de ce régime.

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