Continuons avec les sciences de l'ingénieur en mécanique. M. Éric Arquis, professeur à l'École nationale supérieure de chimie, biologie et physique (ENSCBP) de Bordeaux INP, chercheur à l'Institut de mécanique et d'ingénierie de Bordeaux (I2M), président de l'association française de mécanique (AFM).- J'étais encore directeur d'une unité assez importante de 350 personnes dans le secteur des sciences pour l'ingénieur (SPI) il y a deux ans, avec de multiples tutelles. C'est assez important à prendre en considération dans l'examen des dossiers PPST-ZRR, puisqu'il y avait à la fois une université, deux écoles d'ingénieur, une école nationale et Bordeaux INP au niveau local, ainsi que le CNRS et l'INRA avec un statut d'unité sous contrat (USC). J'évoquerai également mon expérience de pilote de deux sous-comités SPI.
En tant que directeur d'unité, il y avait une certaine inquiétude au moment de la mise en place de la ZRR. Des bruits circulaient, inquiétants. Un changement d'attitude a eu lieu depuis. À une époque, j'ai senti que la mise en place de la ZRR était relativement autoritaire, ou technocratique. N'étaient fournis ni explications ni accompagnements. Même les tutelles étaient un peu hésitantes, et parfois, pardonnez ma trivialité, elles « refilaient la patate chaude » à une autre tutelle. Ceci a beaucoup évolué. Depuis quelques années, on a fait preuve de davantage de pédagogie. Personnellement, au niveau de mon unité, nous avions mis en place une démarche qualité en termes de management. Cette très importante unité avait des composantes assez différentes. J'ai expliqué à mes collègues que la ZRR s'apparentait à une démarche qualité, c'est-à-dire un chemin, parfois parsemé d'embûches, mais qu'il fallait prendre pour tendre vers une amélioration de la prise en considération des risques encourus.
La mise en place de ZRR correspond à des contraintes, que l'on a rappelées : tenir un registre des entrées, mettre en place des systèmes de contrôle électronique, ce qui n'était pas forcément le plus compliqué, ainsi qu'un certain nombre de procédures… Ce n'était pas très nouveau dans le cadre d'une UMR du CNRS, car ces procédures de demande d'accès existaient déjà. En tant qu'ERR, c'est quelque chose qui était parfaitement compris et accepté. Pour revenir au sujet des publications, il n'y n'a pas du tout de demande d'autorisation. De toute façon, compte tenu des travaux que nous menons très fréquemment avec des industriels, nos publications sont soumises à l'acceptation de ces derniers, au titre du risque de divulgation d'informations de type technologique et industriel. Ceci ne nous est pas apparu comme un facteur limitant dans nos collaborations. J'ajoute que c'est plutôt un aspect positif, dans la mesure où cela constitue une « carte de visite » importante, susceptible de rassurer les partenaires industriels, notamment ceux des secteurs de l'aéronautique et de l'énergie, où la compétition est très grande. C'est même en fait presque un tampon qui devient une nécessité pour contracter avec ces unités.
En ce qui concerne les collaborations internationales, pour l'instant je n'ai pas eu de retour négatif. Dans un cas, j'ai voulu inviter un collègue, d'une nationalité que je ne citerai pas ici, qui était déjà venu sans aucun problème travailler avec moi pendant de nombreuses années, une collaboration très productive, et de manière assez incompréhensible, c'est vrai qu'il a été récusé très temporairement. Je n'ai pas bien compris, je pense qu'il y avait peut‑être une erreur sur l'identité de la personne, une certaine confusion. Un an après, il a été autorisé de nouveau à venir. De temps en temps, il y a peut-être des petits couacs, mais c'est tout à fait admissible. En tant que pilote de sous-comités, dont mon collègue a rappelé les modes de fonctionnement, j'ajoute que la première étape me semble la plus importante : celle de la tenue des réunions de sensibilisation. Avant que les directeurs d'unité ne remplissent le fameux questionnaire, on leur explique les fondements généraux de la PPST et ce qu'ils doivent faire pour remplir au mieux ce questionnaire d'autoévaluation. Dans notre secteur, il y a une certaine méfiance au début, mais elle s'estompe assez rapidement. Certaines personnes découvrent même que leurs laboratoires sont vulnérables dans certains aspects.
Ensuite, dans le cadre de la mise en place des ZRR, il est vrai que lorsqu'on passe à certains détails beaucoup plus pratiques, un certain nombre de problèmes se posent, dont un qui n'a pas encore été évoqué : la coexistence dans les locaux de recherche avec des personnels de la formation. C'est notamment vrai dans les écoles d'ingénieur ou dans les laboratoires, qui servent aussi de lieu de formation. Cette perméabilité n'est pas toujours très facile à gérer ni compatible avec la mise en place d'un certain type de contrôle des accès. En conclusion, pour le secteur SPI, les relations partenariales fortes amènent à une prise de conscience marquée des risques de captation des savoirs théoriques et technologiques. Les contraintes induites par la PPST et leur traduction sous forme de la mise en place de ZRR ne sont certes pas acceptées de gaieté de cœur. Pour ce faire, une souplesse, une pédagogie et un accompagnement sont indispensables. Le contrôle des accès est important, et à mon avis, c'est l'instruction ab initio des dossiers des candidats entrant au laboratoire qui doit être privilégiée, peut-être plus que l'accès journalier. C'est une opinion très personnelle.