Intervention de Émilie Cariou

Réunion du jeudi 23 avril 2020 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Cariou, députée :

, a indiqué qu'elle avait souhaité que soit organisé un entretien avec l'IRSN sur les conséquences des incendies dans la région de Tchernobyl car, à l'instar de plusieurs associations comme la CRIIRAD et Greenpeace, l'Institut s'en était fait l'écho, en publiant des notes de situation.

L'accident survenu le 26 avril 1986 à l'occasion d'un essai de routine effectué sur l'un des quatre réacteurs de la centrale nucléaire de Tchernobyl a provoqué des émissions massives de radionucléides dans l'atmosphère qui se sont diffusées jusqu'en Europe de l'ouest. Autour de la centrale, une surface d'environ 200 000 km2 a été fortement contaminée, ce qui a conduit à la création de deux zones d'exclusion, en Ukraine et en Biélorussie. La zone évacuée reste pour l'essentiel inhabitée mais plusieurs centaines de personnes continuent à travailler à l'entretien de la centrale arrêtée et à la surveillance des installations de stockage et d'entreposage des déchets. Les radionucléides sont concentrés dans les dix premiers centimètres du sol ; ils sont absorbés en partie par les végétaux, puis retournent au sol lorsque ceux-ci meurent et se décomposent. Ce cycle se répétera pendant plusieurs milliers d'années.

Depuis 1986, la fréquence des incendies s'est accrue, notamment en raison de l'extension de la forêt due à l'abandon des activités agricoles dans la zone d'exclusion, et d'une augmentation des épisodes de sécheresse et de canicule. Ils sont essentiellement d'origine humaine et accidentelle.

Lorsqu'il a eu connaissance des incendies, l'IRSN a immédiatement gréé au niveau 1 son centre de crise, afin d'évaluer leurs conséquences en Ukraine et en France. Cette évaluation s'appuie sur des mesures et des données météorologiques. L'IRSN dispose du réseau d'alerte Teleray, constitué de 438 sondes mesurant en permanence les rayonnements gamma, et du réseau Opera-Air, constitué d'une cinquantaine de stations de collecte de poussières atmosphériques, dont une dizaine à haut débit (ces stations permettent de réaliser des mesures très précises, en accumulant par filtration les particules de l'air pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines). Des systèmes équivalents existent dans le reste de l'Europe, notamment en Ukraine. Les résultats des mesures effectuées par le réseau Opera-Air devraient être disponibles dans quelques jours ; l'IRSN s'attend à ce qu'ils soient proches de l'évaluation faite à partir de l'estimation du terme-source et de la modélisation météorologique, à savoir un débit de dose de l'ordre du micro-becquerel.

Les incendies déclarés à partir du 4 avril 2020 ont atteint la zone d'exclusion de Tchernobyl vers le 8 avril, en s'approchant à un kilomètre de la centrale nucléaire. Plus de 20 000 hectares de forêt ont déjà brûlé. Les incendies ont repris après un premier épisode pluvieux qui les avait réduits ; ils devraient prendre fin avec le deuxième épisode prévu en fin de semaine.

L'estimation par l'IRSN de l'impact dosimétrique des incendies conclut à leur innocuité pour les populations situées à proximité. Même pour les pompiers ukrainiens, la dose est négligeable en regard de celle directement reçue du sol. En France, l'impact résultant de l'inhalation de la radioactivité transportée par les masses d'air devrait être insignifiant.

L'IRSN a affirmé que les installations nucléaires situées dans la zone d'exclusion, que ce soit la centrale elle-même, avec ses quatre réacteurs à l'arrêt, ou les différents entreposages et stockages de déchets radioactifs, ne seraient pas mises en danger. Les précautions prises pour éviter que le feu n'atteigne ces installations sont de même nature que celles mises en œuvre dans le reste de l'Europe, c'est-à-dire le déboisement périphérique. L'IRSN ne dispose d'aucune information sur l'éventuelle présence à proximité de réserves d'eau supplémentaires.

Il convient de rappeler qu'un article scientifique publié en décembre 2014 dans la revue Environment International étudiait le risque d'incendie à proximité de la centrale nucléaire de Tchernobyl et cherchait à évaluer ses conséquences potentielles.

Les combustibles usés se trouvent actuellement dans une installation provisoire d'entreposage sous eau (une « piscine »), dénommée ISF-1 ; une installation de stockage à sec, dénommée ISF-2, doit prochainement les accueillir. La piscine ISF-1 n'est en effet plus aux normes et connaît des problèmes d'étanchéité.

L'évaluation faite par l'IRSN rejoint celles effectuées à l'étranger, notamment par l'autorité de sûreté ukrainienne, et aussi en partie celle de la CRIIRAD, même si cette association se pose des questions sur l'impact radiologique effectif des incendies pour les populations riveraines et la sûreté des installations nucléaires, ainsi que sur la prévention de ces incendies.

Sur un autre plan, l'entretien avec l'IRSN a aussi permis de constater que, malgré l'épidémie – une soixantaine de collaborateurs de l'IRSN ont été contaminés – et le confinement, l'Institut assure la continuité de l'expertise scientifique sur la sûreté nucléaire. L'IRSN a récemment publié plusieurs avis, dont l'un très attendu sur les réacteurs de 900 mégawatts, et des notes, notamment sur la situation à Tchernobyl, et il a maintenu ses relations avec l'Autorité de sûreté nucléaire et les exploitants. Seules les activités de recherche sont ralenties, pour leur partie expérimentale, car les études sur dossier peuvent se poursuivre.

Une quarantaine de personnes continuent à travailler sur site, pour les fonctions touchant à l'informatique et à la sécurité, pour poursuivre la production des dosimètres nécessaires aux personnels hospitaliers, ou pour contribuer aux travaux sur les solutions de filtration de virus, domaine dans lequel l'Institut possède une expertise.

Il est rassurant de voir que, malgré l'épidémie, la continuité du système français de contrôle de la sûreté des installations nucléaires est assurée, ce que devrait confirmer l'audition de l'Autorité de sûreté nucléaire, prévue le 28 mai prochain, pour la présentation de son rapport annuel.

L'IRSN suit de près la situation à Tchernobyl. Il faudra continuer à travailler avec les autorités ukrainiennes pour veiller à un entretien des forêts aux alentours de la centrale nucléaire et pour sécuriser encore davantage la zone.

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