Sur le réexamen de sûreté des réacteurs de 900 mégawatts, à ce stade nous n'envisageons pas de report sur la prise de décision générique prévue à la fin de l'année 2020 pour l'ensemble des réacteurs. Par conséquent, les études réalisées à distance et l'ensemble des discussions menées avec les commissaires de l'ASN nous ont permis d'avancer normalement. Nous envisageons une prise de position sur l'aspect générique à la fin de cette année. Cette prise de position est indépendante des mesures menées sur les sites, qui sont à la main d'EDF en fonction des capacités de mobilisation de ses équipes et des prestataires pour réaliser les opérations de modifications prévues au moment des arrêts. À ce stade, au vu des discussions avec EDF, nous n'entrevoyons pas de difficulté majeure quant au respect du calendrier des visites décennales. Néanmoins s'agissant de visites plus lourdes en termes d'enjeux, notamment pour les réacteurs de 900 mégawatts, il est important que le calendrier soit respecté d'autant que la limite de dix ans est fixée par la loi et dépend d'une directive européenne. Par conséquent, ce sujet des visites décennales nécessite une grande vigilance car nous n'avons pas la même facilité que pour les autres visites pour déplacer les opérations de contrôle.
Sur les conséquences de la flexibilité du mix énergétique, notre principal souci dans le contexte actuel est de marier les objectifs de sûreté nucléaire avec ceux de sécurité d'alimentation électrique. La crise du Covid‑19 aura inévitablement pour conséquence une baisse de la production électrique au moins pour l'hiver 2020-2021. Nous entendons donc attirer l'attention sur la nécessité de gérer cette période de telle manière que des marges pour la sûreté restent disponibles. En effet, si nous étions tenus de prendre une décision ponctuelle d'arrêt d'un réacteur parce qu'un défaut aurait été détecté, des marges sont nécessaires pour la production d'électricité. Cela étant, les réacteurs fonctionneront plutôt à un niveau supérieur à celui auquel ils fonctionneraient si la totalité des capacités d'énergie renouvelable était disponible. Ces réacteurs seront en effet moins nombreux connectés au réseau, du fait de la prolongation des arrêts et du nombre de travaux à réaliser.
Pour ce qui concerne l'EPR de Flamanville depuis la découverte d'un certain nombre d'anomalies sur le réacteur, il a été demandé à EDF d'étendre les investigations sur plusieurs circuits. C'est le résultat de ces investigations complémentaires qui a conduit à détecter l'absence de conformité d'un certain nombre de soudures. Ces soudures sont beaucoup plus accessibles. EDF s'est engagé dès à présent dans les opérations de qualification et de réparation de ces soudures. À ce stade, nous n'avons pas identifié de difficultés de planification par rapport au calendrier affiché par EDF.
En ce qui concerne le référentiel « grands chauds », lorsqu'en situation d'étiage sévère le cours d'eau est faible, la problématique qui se pose à l'exploitant nucléaire est celle du rejet, dont la dilution ne peut pas être assurée dans les mêmes conditions que la normale. Les sites nucléaires disposent à ce jour de capacités d'entreposage des rejets – notamment liquides – qui sont stockés en attendant que la situation évolue. Si la période d'étiage est trop longue, le réacteur se met à l'arrêt pour ne pas produire d'effluents. Ces procédures existent pour les rejets dans le milieu naturel, ce qui ne pose pas de problème en termes de gestion. En revanche, nous constatons que les évènements caniculaires sont de plus en plus longs et répétés, rendant difficile le maintien des conditions de fonctionnement à l'intérieur des bâtiments. Cette situation suppose la mise en place de systèmes de refroidissement d'air supplémentaires pour conserver l'opérabilité des équipements de sûreté. Tout ceci repose sur la révision de l'aléa, c'est-à-dire une réflexion au vu du contexte historique et des projections, sur le niveau de température enveloppe à laquelle chaque réacteur doit être préparé à résister. Telle est la fonction du référentiel « grands chauds », sur lequel nous avons demandé à EDF de travailler.
S'agissant des évènements de niveau 2 que j'ai signalés comme étant signes de recul de la rigueur d'exploitation en 2019, le franchissement de certaines barrières de sûreté pourtant bien connues des opérateurs, a été marquant. Ceci pose la question de la culture de la sûreté. Je prendrai l'exemple du franchissement de la ligne de défense sur la centrale nucléaire de Penly. L'exemple est ponctuel mais significatif d'une perte de repères de la part des intervenants. Lorsque des opérations de maintenance sont effectuées sur les tableaux électriques redondants entre voie A et voie B, commandant des systèmes de sûreté, la règle classique est de ne pas intervenir en même temps sur la voie A et la voie B. Lors d'un arrêt sur la centrale de Penly, l'intervention prévue sur l'un des deux tableaux électriques n'a pas pu être réalisée. Dans ce contexte, l'équipe du site a décidé de reporter cette intervention à l'arrêt suivant, à l'occasion duquel elle est intervenue sur les deux voies en même temps. Malheureusement, un certain nombre de composants installés sur les tableaux électriques se sont avérés défectueux. Les conséquences directes pour la sûreté ont été nulles, mais il y avait un risque que les deux tableaux électriques soient défaillants.
Finalement, le fait d'avoir volontairement franchi une barrière de sûreté connue, pose problème. C'est une question de culture de la sûreté et de compétence des intervenants, sur laquelle nous avons attiré l'attention.