Nous allons en effet vous présenter nos réflexions sur la recherche en biologie – santé, en nous appuyant notamment sur les travaux du groupe de l'Académie nationale de médecine chargé de réfléchir en amont de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), complétés par un certain nombre de points ayant trait aux textes produits durant cette crise de la Covid‑19.
Les membres du comité de recherche présents aujourd'hui sont Arnold Migus, ancien directeur général du CNRS, Patrick Berche, ancien doyen de l'hôpital Necker et directeur de l'Institut Pasteur de Lille, Patrice Debré, qui préside notamment le comité international de l'Académie, Christian Boitard, qui préside l'institut thématique multi-organismes de l'Inserm sur le métabolisme et la cardiologie, et Jean-François Allilaire, secrétaire perpétuel de l'académie, ainsi que Lionel Collet, ancien Professeur des universités – praticien hospitalier (PU-PH), directeur de recherche Inserm, connecté à distance. Nous avons par ailleurs bénéficié de la participation active de Patrick Couvreur et Bernard Nordlinger qui, retenus par d'autres obligations, ne peuvent être présents ce matin parmi nous.
La mission de ce groupe de travail de l'Académie nationale de médecine consistait à réfléchir sur la LPPR dans son champ de compétences, c'est-à-dire la recherche en biologie‑santé, et à faire des constats sur la situation actuelle du domaine, en termes d'impacts scientifique, médical et sociétal, sur l'évolution des moyens qui lui ont été attribués, ainsi que l'hétérogénéité des disciplines, et celles à renforcer. Il s'agissait également de dégager des propositions susceptibles d'être incluses dans la LPPR, concernant notamment la priorité stratégique à attribuer à la recherche en biologie‑santé et sa mise en œuvre concrète dans la loi, ainsi que la manière d'améliorer l'organisation du domaine de la recherche en biologie‑santé, avec une coordination à imposer aux divers financeurs et organismes au niveau national. Nous sommes également très attachés à la préservation de la liberté de création des chercheurs, qui est essentielle : l'administration de la recherche doit être au service des chercheurs, et leur liberté de création une priorité.
Je souhaiterais, pour introduire le débat, vous présenter quatre constats généraux sur la recherche en biologie‑santé.
Le premier, qui nous paraît essentiel, est la complexité croissante du système de recherche dans ce domaine. Des strates supplémentaires y sont en effet sans cesse ajoutées, si bien qu'en France nous sommes pénalisés, en biologie‑santé comme dans d'autres secteurs, par la complexité ainsi créée.
Le deuxième point concerne une gouvernance inadaptée des centres hospitaliers universitaires (CHU) et des hôpitaux, celle-ci restant très comptable, ainsi qu'une absence de gouvernance entre la médecine et la recherche dans les CHU.
Le troisième élément que nous souhaitons souligner concerne le défaut d'attractivité spécifique au domaine, avec un délitement, accentué ces dernières années, du recrutement des médecins et pharmaciens chercheurs.
Le quatrième constat est celui d'un déficit croissant du financement de la recherche en biologie‑santé. Je vous invite à consulter le document que nous avons produit à votre demande, et que nous allons expliciter plus avant, qui met clairement en évidence ce phénomène caractéristique de notre pays, qui s'est aggravé ces dernières années.
La complexité s'est donc développée au détriment de l'efficacité, avec notamment une prolifération des procédures administratives, aussi bien dans la gestion des projets de recherche que dans l'évaluation des laboratoires, ou dans les comités de protection des personnes.
On observe, en outre, une fragmentation organisationnelle entre les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST), les agences et les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), ainsi que l'existence d'une barrière étanche entre les recherches clinique et fondamentale. Pour prendre l'exemple de la Covid‑19, la recherche fondamentale permet de trouver les mécanismes par lesquels le virus agit, puis la recherche clinique de mettre en place des thérapeutiques et des vaccins. Recherches clinique et fondamentale doivent être associées, ce qui n'est pas toujours le cas aujourd'hui. Cette situation constitue un point de vigilance important.
Par ailleurs, il s'avère que l'évaluation est coûteuse et souvent inutile dans ses modalités. Celle d'un laboratoire de recherche compte jusqu'à six couches successives, conduisant dans 95 % des cas à la labellisation des équipes candidates, alors que dans d'autres domaines la procédure est menée par un seul comité d'évaluation.
Je vous propose d'aborder à présent la question du déficit croissant du financement public de la recherche en biologie – santé, qui correspondait à votre première demande. Je passe pour ce faire la parole à Arnold Migus, qui nous a fait bénéficier de ses compétences d'ancien directeur général du CNRS.