Intervention de Christian Boitard

Réunion du jeudi 18 juin 2020 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Christian Boitard :

Les difficultés et freins rencontrés au niveau national sont largement reproduits à l'échelon local. Par exemple, la France compte deux fois plus d'EPST et d'EPIC que la Grande-Bretagne, ainsi que 39 CHU tous dotés d'une mission de recherche. Or, nous considérons qu'il serait certainement nécessaire de concentrer davantage et de mieux organiser les fonds de recherche alloués dans ce cadre. Le chiffre est difficile à déterminer, mais il nous semblerait que 10 à 15 pôles de recherche hospitalo-universitaires permettraient de rompre avec cette dispersion.

Souvent, le niveau local reproduit également les schémas à l'œuvre à l'échelon national, avec la création de multiples conseils, comités et acteurs décisionnels, qui font qu'il n'existe pas d'unité de réflexion sur l'usage de l'argent investi par l'État dans la recherche, en tout cas dans le domaine de la biologie‑santé. Or, si l'on en croit les textes préalables portés à notre connaissance, le projet de loi souligne la nécessité d'une réflexion sur une gouvernance loco-régionale, ce qui est extrêmement important. Nous pensons qu'il faudrait assortir ceci, pour ce qui est de la recherche en biologie‑santé, d'un vrai pilotage scientifique, permettant une coordination des moyens, et une intégration de la recherche clinique avec la recherche amont, afin de créer un continuum. Cette coordination doit également permettre l'intégration des actions menées au niveau national et loco-régional.

De même, l'évaluation connaît au niveau local les mêmes biais qu'au niveau national. J'ai ainsi appartenu à des structures dans lesquelles j'ai été évalué la même année par trois ou quatre organismes différents, sur le même sujet. Je suis en outre toujours frappé que l'on réduise la science à des chiffres, par exemple au travers du système d'interrogation, de gestion et d'analyse des publications scientifiques (SIGAPS) ou du système d'information et de gestion de la recherche et des essais cliniques (SIGREC), qui, pour moi, n'ont guère de signification, et sont très loin de ce qu'est la connaissance. Une coordination loco-régionale pourrait sans doute remettre de l'ordre dans le processus d'évaluation, au regard de ce qu'est véritablement la recherche en biologie‑santé.

La future loi comporte par ailleurs une ouverture, fort intéressante à notre sens, aux tenure tracks, qui constitueraient probablement une avancée, et introduit ce faisant la notion très importante de durée. Faire aujourd'hui une réelle avancée en biologie‑santé prend en effet de six à huit ans. Je pense même que les six ans figurant dans la loi sont un peu courts. En outre, il faut repenser la formation des futurs hospitalo-universitaires. Je suis frappé par le fait que l'examen au classement national évalue les candidats sur la médecine, aucunement sur la biologie. Or, en médecine on ne prescrit pas simplement un sirop, mais un médicament ayant une cible moléculaire, qu'il faut connaître.

Cette future loi présente des ouvertures très importantes pour le pays. Il est ainsi question, dans l'article 23, de la création d'un comité territorial de la recherche « autour de chaque centre hospitalier universitaire ». « Lieu de l'animation et de la coordination territoriale de la recherche en santé entre les multiples partenaires locaux, incluant les collectivités territoriales », ce comité aurait vocation à coordonner, « sous la responsabilité du centre hospitalier et universitaire, la mise en œuvre de la politique de recherche clinique et de recherche en soins primaires ». Je trouve ce texte remarquable, mais j'estime qu'il faudrait probablement modifier certains aspects mineurs de cet article. Selon nous, il serait ainsi préférable d'indiquer à propos de ce comité qu' « il coordonne, sous la responsabilité de l'université ou des universités ayant conclu une convention avec le centre hospitalier régional, la mise en œuvre de la politique de recherche clinique et de recherche en soins primaires, en adéquation avec la recherche d'amont du site ». En effet, il n'existe pas, dans la gouvernance hospitalière actuelle, de compétence de recherche, en dehors d'un aspect financier auquel on ne saurait réduire l'activité de recherche. L'idée globale est de considérer la recherche comme un processus continu entre la recherche amont, la recherche appliquée, et le multi ou l'interdisciplinaire, qui prend une place de plus en plus importante en santé.

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