Lorsque j'étais à Stanford, voici quarante ans, j'avais repéré qu'ils n'embauchaient jamais comme professeur quelqu'un qui était déjà sur le site. Ils allaient recruter à Yale, à Harvard, considérant que cet apport extérieur était de nature à amplifier la compétence locale. En effet, recruter localement revient à recruter dans sa propre compétence, et ne permet pas un brassage des idées et un mélange culturel, qui sont l'essence de la recherche. Pour ce qui concerne la biologie‑santé, c'est-à-dire les hospitalo‑universitaires, certains pays autour de nous ont résolu cette question de façon assez simple. En Allemagne ou en Grande-Bretagne, tout changement de rang oblige à un changement d'endroit. C'est là l'une des clés du programme ATIP-Avenir, par lequel 57 % des chercheurs Inserm ayant une bourse ERC starting ou consolidator sont passés. Une règle de mobilité a été imposée à l'Inserm par le CNRS : au retour de l'étranger, à l'issue d'un post-doctorat, on ne peut revenir à l'endroit où l'on a fait sa thèse. Les pays alentours ont mis cette règle en œuvre de façon très simple : en Allemagne, tout assistant devenant professeur de médecine doit changer d'endroit. Il en va de même pour tout professeur de médecine s'apprêtant à prendre la tête d'un département. C'est vertueux, tout comme l'équilibre entre le local et le national, qui crée une concurrence tirant vers le haut, alors que nous essayons, au contraire, de fusionner en permanence les deux niveaux. Mettre en œuvre la mobilité n'est pas très compliqué : deux grands pays, qui sont devant nous dans la recherche biologique et médicale, à laquelle ils consacrent par ailleurs deux fois plus de moyens que la France, ont institué cette règle. Cette mesure consistant à lier changement de rang et mobilité géographique peut paraître dure et contraignante, mais elle est extrêmement efficace.