Intervention de Laure Darcos

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Laure Darcos, sénatrice :

J'ai trouvé ce travail vraiment passionnant, parce que nous nous sommes trop focalisés sur tous les autres aspects de la pandémie. Beaucoup de choses m'ont frappées dans ces notes, surtout, comme l'a dit Cédric Villani, la solitude dans la mort. Dans un premier temps, c'était la solitude dans la maladie, avec des gens en quarantaine. Mais la solitude dans la mort est absolument terrible, à la fois pour le mourant et pour les proches, dont le deuil est confisqué.

Hier, au Conseil départemental de l'Essonne, nous avons eu la chance de recevoir M. Aurélien Rousseau, directeur de l'agence régionale de santé (ARS) de l'Île-de-France. C'était la première fois qu'il venait en audition et acceptait de témoigner puisque, selon lui, la pandémie n'est pas totalement terminée. En Île-de-France, il a très vite compris, notamment dans les EHPAD et les hôpitaux, qu'il fallait accepter que les proches puissent venir au chevet des mourants, car le travail de deuil était nécessaire. Nous avons entendu certains religieux dire qu'ils avaient souvent remplacé les familles. Mais il était important, pour lui, de donner cette autorisation, peut-être de manière risquée pour ceux qui venaient auprès des mourants.

Pour ma part, j'ai reçu beaucoup de témoignages extrêmement frustrés par la rapidité, la brutalité des offices, où les gens ne pouvaient rester qu'un quart d'heure, sans accompagner jusqu'au bout la personne décédée. Cette brutalité est l'une des premières choses qui m'a surprise. J'ai aussi été étonnée au sujet de la crémation. Je prévoyais un basculement vers ce type de rite funéraire. La crémation symbolise totalement la purification par le feu, et donne l'impression que celui-ci fera disparaitre le virus. Pierre Ouzoulias a bien montré que ce n'était pas forcément le cas.

Je voudrais aussi souligner quelque chose hors du champ de cette étude – je pense que nous l'avons tous vécu en tant que parlementaires – c'est la confrontation des élus avec les morts. Certains maires ruraux sont aujourd'hui suivis psychologiquement, parce qu'ils ont dû clouer eux-mêmes des cercueils, souvent des cercueils de fortune de personnes mortes à leur domicile, ce qui amène au sujet de la dépendance et du maintien à domicile. Ces élus ont aussi besoin d'être accompagnés, car ils ont vécu une situation très compliquée, et resteront marqués à vie par l'accompagnement de ces mourants, ou par des constations de décès effectuées seuls, pour prévenir les contaminations.

Ces constatations de morts à domicile ont connu un retard considérable, les actes de décès restant majoritairement sous forme papier en France, ce qui semble invraisemblable en 2020. Ce thème serait probablement à creuser. La remontée des actes de décès en format papier à partir des mairies a pris plusieurs semaines et, en conséquence, nous n'avons probablement pas encore le nombre exact de morts à domicile.

Un autre point concernant l'accompagnement des personnes à risque porte sur l'équipement des EHPAD et hôpitaux en tablettes. Comme pour les écoles, le numérique est venu aux personnes âgées à l'occasion de cette crise, utilisé par certaines pour des visioconférences avec leurs proches. C'est un point positif.

Cependant, je pense que chacune d'entre elles avaient conscience que la barre était placée bas, en ce qui concerne l'âge à partir duquel on ne ferait pas beaucoup d'efforts pour les ranimer. Pour certaines personnes, à partir de 60 ou 65 ans, ce qui parait jeune aujourd'hui en regard de la longévité, on essayerait une fois de les ranimer, mais pas deux, pour se préoccuper des plus jeunes. Certaines personnes dans cette tranche d'âge en avaient conscience. La barre était extrêmement basse sur le plan médical. J'ai trouvé cela choquant. Cela a été dit par plusieurs personnes auditionnées.

Pour finir, sur les rites religieux, il était très intéressant de voir la différence entre les diverses religions. Le clergé catholique a en effet été très vexé de ne pas pouvoir rouvrir les établissements religieux et les églises plus tôt, estimant être assez responsable pour gérer la distanciation physique et sociale. Peut-être plus que pour les autres religions, le regroupement des fidèles est important. Pour Mgr Rougé, la confession par visioconférence n'est pas pour demain. Par contre, certaines prières ont eu lieu sur des réseaux sociaux qui se sont adaptés ou se font connaître pendant le confinement.

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