Intervention de Pierre Ouzoulias

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Pierre Ouzoulias, sénateur, rapporteur :

Cette note est deux fois plus longue que la précédente, car le sujet est sans doute plus difficile à appréhender. Dès que la notion de laïcité est évoquée, le débat en France s'anime. Nous nous sommes donc attachés à rechercher la formulation écrite la plus précise, mais aussi la plus distanciée possible. Nous nous sommes penchés sur le sujet parce que des tensions semblaient être apparues entre les représentants des cultes et les autorités sanitaires au sujet de l'interprétation, par les fidèles, des recommandations de ces dernières.

De manière générale, la réaction des représentants des cultes a témoigné de leur efficacité, de leur esprit de responsabilité et de leur pragmatisme. Ils ont, en effet, accompagné les fidèles qui affrontaient la nécessité de respecter les mesures sanitaires. En cela, leur action s'est révélée complémentaire de celle des pouvoirs publics. Elle a permis de mieux faire accepter des mesures sanitaires particulièrement drastiques.

Alors qu'outre-Atlantique des églises protestantes évangéliques s'y sont opposées de manière radicale, la France a, au contraire, fait la preuve qu'elle est un pays de tradition cartésienne et rationaliste. Les cultes eux-mêmes ont contribué à faire accepter le confinement à nos concitoyens pendant deux mois, car ce qui pesait sur les fidèles était une contrainte lourde et forte, y compris sur le plan psychologique.

Toutes les cérémonies collectives, telles que les messes, les prières du vendredi, ou le shabbat, ont été supprimées. Il en était de même des rites de passage, qu'il s'agisse des mariages, des baptêmes ou des rites funéraires. De plus, beaucoup de fêtes religieuses tombaient durant cette période : Pâques, Pessah, Aïd-el-Fitr, etc. Les trois communautés du livre ont été empêchées de célébrer ces fêtes essentielles. Mais elles l'ont accepté.

Des rites ont été célébrés grâce au recours aux outils numériques, tels que la télévision. Mais nous ne relevons en ce domaine aucune innovation liée à cette crise. Au contraire, les pratiques observées existaient déjà. Elles se sont seulement amplifiées. J'en veux pour exemple le rite catholique de la messe dominicale retransmise par la télévision. Mgr Rougé nous a indiqué que la pratique était déjà bien établie dans les paroisses de campagne, où les fidèles peinent de plus en plus à se déplacer. Le confinement n'a fait que renforcer pour eux l'intérêt de ces retransmissions. Aucun dispositif numérique n'a cependant été inventé à cette occasion, sauf dans certaines églises évangéliques.

Tous les cultes n'ont pas réagi exactement de la même façon. Cela tient autant à l'histoire de leurs relations avec l'État et avec la République qu'à la place du culte lui-même au sein de leur confession. Ainsi, les musulmans et les juifs ont très tôt fermé leurs lieux de culte, synagogues et mosquées, ces dernières dès le 2 ou 3 mars. Le Grand rabbin et le représentant du culte musulman se sont exprimés devant nous sur la question. Non sans humour, ce dernier a expliqué qu'il est toujours possible de trouver dans le Talmud des passages à appliquer à la situation du moment. Dans ce cas précis, des extraits ont servi à faire comprendre aux fidèles le primat de la vie et de l'autorité des docteurs, docteurs de la foi ou du corps. Certains, tel Avicenne, peuvent d'ailleurs être à la fois l'un et l'autre. Il faut ajouter que le Grand rabbin entretient un lien particulier avec les différentes communautés de fidèles. Il s'était encore rendu à Sarcelles le matin-même de son audition par l'Office. Son intervention personnelle a contribué à y faire accepter des mesures difficiles.

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