Je vais me borner aux trois religions du livre, parce que nous n'avons malheureusement pas pu aller au-delà. Sur les cultes eux-mêmes, ce qui est très important c'est que le lieu de culte n'a pas tout à fait les mêmes fonctions dans les trois religions du livre. Pour ce qui est des juifs, mais surtout des musulmans, il peut y avoir un culte dans d'autres lieux, notamment un culte familial. M. Mohammed Moussaoui, président de l'Union des mosquées de France (UMF), nous a précisé qu'à plusieurs reprises dans l'histoire les autorités religieuses ont demandé aux fidèles de ne pas se rendre à la mosquée. De même, le grand pèlerinage de La Mecque a été suspendu par les autorités religieuses, ce qui représente un acte politique et économique fort. Je suis désolé de les mettre au même niveau, mais quand vous cumulez cette décision à la baisse du prix du pétrole, c'est difficile à vivre économiquement pour un État comme l'Arabie Saoudite. De même, la relation d'un juif à la synagogue n'est pas du tout la même que celle d'un catholique à l'église. Pour certaines religions, fermer un lieu de culte pose moins de difficultés théologiques que de fermer une église. En revanche, la toilette funéraire est l'un des points ayant posé le plus de problèmes aux musulmans et aux juifs, car elle est absolument essentielle dans leur culture et leur religion. Sa suspension complète est sans doute ce qui a été le plus difficile à vivre et à imposer pour les imams et les rabbins. Par contre, l'interdiction absolue de la crémation pour les juifs et les musulmans a été, à notre connaissance, rigoureusement respectée, contrairement à ce qu'on a pu entendre. Pour les juifs, l'impossibilité d'être enterré en Israël a été vécue aussi comme une difficulté, s'agissant d'une tradition forte, notamment pour les personnes d'une certaine génération.
S'agissant des carrés confessionnels, avec une absolue neutralité, la notion n'existe pas en droit. Les cimetières sont gérés par les communes, suivant les critères de la loi de 1905. Il peut y avoir des signes religieux sur les tombes, de façon individuelle. Mais la capacité à rassembler les tombes des morts d'une seule confession dans un secteur constitue simplement une facilité accordée aux religions par les autorités municipales. M. Mohammed Moussaoui a rappelé qu'en Islam la tombe doit être perpétuelle. Or, il n'y a plus de concession perpétuelle dans nos cimetières. La transformation d'un bien communal en bien privé répond à des critères législatifs extrêmement rigoureux. Le maire n'a pas la liberté de céder à un individu même un mètre carré de terrain public.
Une réflexion sur les cimetières et les carrés confessionnels doit être menée. Dans les villes, le recours à la crémation est devenu très majoritaire, à hauteur de 80 à 85 %. Il y a peu d'inhumations. L'extension des cimetières ne se fait que par celle du carré musulman, si bien que l'on peut aisément imaginer que dans quelques années, il représentera les deux-tiers ou les trois-quarts de la surface du cimetière communal, ce qui peut poser problème. Les évolutions peuvent être rapides. En Suisse, où la crémation est choisie dans 90 à 95 % des cas, certains cimetières sont rendus au public, car ils ne sont plus utilisés. Les tombes sont encore là, on ne les déplace pas, mais les cimetières sont transformés en parcs, et les gens peuvent y circuler librement, car ils sont en grande partie désaffectés. Il n'y a pas de basculement massif vers la crémation dans toute la France, mais le fort taux de crémations dans l'Est de la France, ou dans les milieux urbains, pourrait entraîner une transformation de nos cimetières, et des conflits liés à l'usage de ceux-ci. L'extension des crémations pose aussi des problèmes d'infrastructures. Par exemple, la ville de Paris est insuffisamment dotée en crématorium, ce qui réduit les possibilités de choix des familles. Le foncier étant hors de prix, il est difficile de compter sur des initiatives privées pour offrir de nouveaux services funéraires adaptés aux attentes.