Il est toujours difficile pour moi d'évoquer la situation française. J'en ai été un peu distant, parfois agacé par le manque d'engagement des Français dans les affaires européennes, comme j'ai pu le répéter. Mon propos ne vise absolument pas à minimiser le rôle du HCÉRES, mais il est différent de demander à des gens de siéger au HCÉRES ou dans un panel de l'ERC chargé de décider de l'attribution de subventions significatives, dont on sait qu'elles jouissent aujourd'hui d'un certain prestige et d'un impact sur la carrière des lauréats. La mission du HCÉRES est d'un autre ordre, puisqu'il s'agit de donner des garanties sur la qualité du travail mené et des conseils sur des améliorations possibles. Les deux interventions ne se situent pas au même niveau.
Je suis cependant persuadé que l'évaluation est une dimension indispensable, y compris dans le contexte que je viens de décrire. L'ERC a d'ailleurs mis en place une évaluation ex post, qui s'apparente au travail effectué par le HCÉRES, dans la mesure où il est demandé à des évaluateurs d'examiner les projets deux ans après la fin des cinq années de financement. L'objet n'est pas de dire aux équipes qu'elles ont bien ou mal fait, mais de disposer d'une évaluation globale du programme. Dans ce contexte, les résultats des quatre évaluations déjà menées se sont avérés très satisfaisants, puisque sur les quatre notes possibles dont disposaient les évaluateurs : A pour des percées exceptionnelles, B pour des contributions scientifiques majeures, C pour des contributions incrémentales et D pour des travaux n'ayant pas donné de résultats, 20 % environ des projets évalués ont été notés A et 50 à 60 % B. Très peu de projets ont finalement été considérés comme des échecs. Nous avons essayé de comprendre les raisons de ces bons résultats et il est apparu que le fait d'octroyer cinq ans aux lauréats pour mener leurs travaux leur permettait éventuellement, s'ils se rendaient compte en chemin que la direction prise n'était pas la bonne, d'infléchir leur projet.
Nous avons constaté, grâce à cette évaluation ex post, que les projets pluridisciplinaires étaient ceux dont l'impact scientifique était le plus important. Nous ne nous attendions pas du tout à un tel résultat, aussi stable, à cette échelle. Ceci mérite d'être médité et a joué un rôle dans la motivation du conseil scientifique à créer des projets Synergy, afin de s'assurer de ne pas passer à côté de projets pluridisciplinaires novateurs.
Je précise que l'ERC couvre tous les champs disciplinaires, y compris les sciences humaines et sociales, auxquelles quelque 460 millions d'euros ont été alloués en 2019, faisant de ce programme le plus important au monde en la matière. On compte malheureusement très peu de candidatures françaises, ce qui est problématique. On dénombre, par exemple, quatre fois plus de lauréats et lauréates de l'ERC en sciences humaines et sociales aux Pays-Bas qu'en France, alors même que la population y est quatre fois moins nombreuse, si bien que le rapport est de 1 à 16. Il y a là quelque chose à comprendre.