. – Je suis professeur de biologie cellulaire à l'Université de Strasbourg et directeur de l'Institut de biologie moléculaire et cellulaire du CNRS. J'y dirige une unité de recherche qui travaille sur l'immunité des insectes. Ces travaux assez fondamentaux trouvent des applications pour toutes les maladies infectieuses transmises par les moustiques.
Compte tenu de l'impact de l'homme sur l'environnement, des barrières tombent. De nouveaux pathogènes émergents vont continuer à arriver. Beaucoup sont viraux. Il faut réfléchir à la surveillance des viromes présents dans les espèces animales qui peuvent passer à l'homme. Nous y réfléchissons pour ce qui concerne les insectes. Cela dit, je ne suis pas sûr que ce thème soit mûr pour des discussions au niveau politique.
Le thème du déclin des insectes, qui rendent un nombre important de services aux écosystèmes, me semble plus mûr. L'année dernière, l'Académie des sciences a organisé la première grande conférence sur le thème des insectes, intitulée : « Insectes : amis, ennemis et modèles ». Dans la foulée, le groupe G-science Academies, qui réunit les académies des sciences des pays du G7, a consacré l'une de ses trois déclarations annuelles au déclin global des insectes. Nous y avons travaillé. Cette note est assez intéressante. Elle a été rédigée par les Américains, la réunion ayant eu lieu cette année à Washington, puis elle a été envoyée aux différentes académies, qui constituent des groupes de travail. Nous avons demandé, notamment, que les néonicotinoïdes et les OGM soient mentionnés, mais cela n'a pas été retenu. Nous sommes en train de finaliser un article qui reflète davantage la perception européenne, notamment française, de la situation. Cet article sortira dans les comptes rendus de l'Académie des sciences. Sur cette base, nous pourrons faire quelque chose.
Le déclin des insectes existe-t-il vraiment ? Des articles assez catastrophistes sont parus dans la presse, mais certains étaient des méta-analyses, avec un biais très fort. Il est pertinent d'en parler maintenant, des études vraiment sérieuses étant parues sur le sujet au cours des trois dernières années. Le déclin est réel, mais il doit être nuancé par le fait que beaucoup de ces études ont été réalisées par des équipes européennes et portent sur l'Europe du Nord et de l'Ouest, où la marque anthropique est très forte. Elles ne reflètent pas, par exemple, ce qui se passe sous les tropiques.