Intervention de Raja Chatila

Réunion du jeudi 10 septembre 2020 à 10h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Raja Chatila :

. – Je vous remercie de m'avoir invité à faire partie du conseil scientifique placé auprès de l'Office. Je tiens d'emblée à faire une petite mise à jour de mon CV. Depuis quelques jours, je suis professeur émérite, ce qui signifie que je suis à la retraite. Toute ma carrière, j'ai fait de la recherche dans le domaine de la robotique et de l'intelligence artificielle, d'abord au CNRS puis à l'université Pierre et Marie Curie.

Je me suis plus préoccupé des problèmes de prise de décision et d'apprentissage, en lien avec la perception de l'environnement. Le problème majeur, c'est que le robot interagit avec le monde physique, qui est complexe et incertain. C'est différent de l'intelligence artificielle, qui utilise seulement des données pour les traiter et essayer d'en faire sens.

Depuis peu a été lancée une initiative mondiale, à la suite du rapport de Cédric Villani, qui s'appelle Global Partnership on AI. Je suis co‑responsable de l'un des quatre groupes de cette initiative internationale sur l'intelligence artificielle responsable.

J'ai pensé à plusieurs sujets intéressants pour vos travaux.

Il vient d'être dit que la France était à la cinquième place mondiale en matière de recherche robotique. Je précise qu'elle était à la troisième il n'y a pas si longtemps. Que s'est‑il passé, surtout par rapport à l'Allemagne, qui a pris de l'avance ? Pourquoi ? Il convient d'analyser la place de la France au sein de l'Europe, compte tenu des contraintes communes et des capacités d'échange. Il faut aussi nous comparer à la Suisse, qui a une stratégie différente.

Le deuxième sujet que je souhaite évoquer, c'est la souveraineté numérique, qui est un sujet fondamental. Nous en avons eu un exemple récent avec les applications de traçage numérique dans le cadre de la crise du covid. Il est à noter que chaque pays européen y est allé de son application. Résultat : l'application allemande a été chargée 18 millions de fois ; l'application française 2,8 millions de fois ; l'application suisse 2,3 millions de fois ; en Italie, c'est 14 % de la population, et, au Royaume Uni, c'est l'échec total.

Toutes ces applications s'appuient sur les smartphones, avec deux systèmes d'exploitation différents, Android et iOS, gérés respectivement par Google et Apple. C'est grâce à ces technologies que les smartphones fonctionnent. Non seulement ces deux géants du numérique imposent le système de fonctionnement, mais ils viennent en plus de sortir leur propre application supranationale de traçage. Or, comme l'a dit M. Vallancien tout à l'heure, celui qui contrôle l'implant contrôle le système.

On pourrait élargir le débat aux liens entre neurosciences et numérique.

En troisième lieu, je pense qu'il nous faut réfléchir à la question de la réglementation de l'intelligence artificielle, comme l'Europe a d'ailleurs commencé à le faire. Cela renvoie à la problématique de l'éthique du numérique, de sa robustesse, de sa transparence. C'est un sujet également évoqué par le rapport de Cédric Villani. Où en est‑on aujourd'hui en France et en Europe ?

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