Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 29 octobre 2020 à 8h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, député, président de l'Office :

. – Quand on écoute les épidémiologistes ou les médecins, ceux-ci considèrent souvent qu'une réponse plus forte au redémarrage de l'épidémie aurait dû être apportée plus tôt. Le conseil scientifique lui-même a alerté le 22 septembre en disant que la situation était hors de contrôle. Dès le 10 septembre, le groupe de Samuel Alizon a dit que la situation serait « insoutenable » à partir de fin octobre, début novembre. Hier, Carlos Moreno a dévoilé une note qu'il avait transmise aux plus hautes autorités – j'imagine à l'Élysée – où il avait anticipé lui aussi qu'avec l'arrivée de températures plus basses et par comparaison avec d'autres pays, la fin du mois d'octobre et le début du mois de novembre allaient être un moment de rupture. Parmi les épidémiologistes qui se sont exprimés sur les ondes, Catherine Hill montrait le 20 septembre, dans une émission grand public, que l'on se dirigeait vers un reconfinement à l'horizon d'un mois. Dans le même temps, il y avait des contradicteurs invités ici et là, sur les plateaux, qui disaient : « non, il n'y a pas de deuxième vague, restez tranquilles ». L'ensemble du discours était extraordinairement confus, mais les épidémiologistes que nous avons pu consulter sont en colère. Les uns disent que le gouvernement aurait dû réagir plus tôt, les autres disent que le débat a été noyé par ces lénifiants « rassureurs » – qu'on appelle parfois « rassuristes » –, qui ont tout embrouillé et ont empêché un débat démocratique sain. C'est effectivement extrêmement compliqué au plan politique, au plan sociologique, parce qu'une partie de la population – même si ce n'est que quelques pourcents, cela fait beaucoup de bruit dans les manifestations – est persuadée que tout ça est un complot, qu'il y a un mensonge organisé, que l'on n'aurait pas dû reconfiner, etc. ; bien sûr, le monde de l'entreprise ne pouvait pas non plus envisager le reconfinement (le Medef s'est encore exprimé récemment en regrettant que l'on en arrive là) et certaines professions, comme les restaurateurs ou le monde de la culture, sont catastrophées. Les autorités se retrouvent sous un double feu de critiques : les critiques du monde médical disant qu'il aurait fallu agir plus tôt et les critiques d'une partie de la population disant que l'on est en train d'agir trop fort.

Il est vrai que les retards en matière de restitution des résultats des tests ont été importants ; j'ai le sentiment que la situation s'améliore. L'Office avait très tôt identifié la complexité administrative du dispositif de traçage, qui faisait intervenir une mosaïque d'acteurs, et il avait exprimé son inquiétude. Le président du conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, estimait que la durée de restitution était une faiblesse et qu'il fallait que les résultats arrivent en 48 heures au maximum. Un dessin humoristique d'un caricaturiste acerbe avait montré un patient en train de mourir sur son lit d'hôpital et sa femme lui disant : « Bonne nouvelle, il y a 15 jours, tu n'étais pas contaminé ! »

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