Intervention de Patrick Berche

Réunion du jeudi 19 novembre 2020 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Patrick Berche :

Je vais vous parler des vaccins contre la Covid-19. Vous pouvez voir à l'écran la représentation schématique du SARS-CoV-2, virus à ARN, et de la protéine Spike qui hérisse le virus et constitue la cible principale de la plupart des vaccins développés.

La Covid-19 naît d'un virus qui donne 85 % de cas bénins, qui guérissent spontanément. 15 % des personnes atteintes sont hospitalisées en raison de troubles respiratoires et 3 % des patients doivent être admis en réanimation, avec un taux de mortalité qui s'est nettement amélioré, passant de 50 % à 25 % environ, grâce aux nouveaux traitements anticoagulants et anti-inflammatoires. La létalité globale en France est de 0,7 %. De nombreuses personnes contaminées sont par ailleurs asymptomatiques. On peut finalement dire qu'il s'agit probablement d'une maladie immunologique déclenchée par un virus. En effet, lors de l'orage cytokinique du septième jour, les patients n'ont souvent plus de virus. On observe aussi des formes de « Covid long », dans lesquelles des cas bénins ou graves entraînent des séquelles pendant des mois : il s'agit d'un problème majeur pour l'avenir.

Le virus peut entrer dans les cellules grâce à une interaction entre la protéine Spike et un récepteur spécifique, l'ACE2 (Angiotensin-Converting Enzyme 2). Les vaccins vont ainsi tendre à empêcher l'entrée du virus dans les cellules.

Quel est le processus conduisant à l'immunité contre le SARS-CoV-2 ? Le virus se multiplie dans les voies respiratoires et déclenche une réponse immunitaire cellulaire et humorale, avec des cellules CD4 qui vont susciter une production d'anticorps par les lymphocytes B, et une réponse avec les cellules CD8, qui donnent une cytotoxicité détruisant les cellules infectées. La protection obtenue dépend des IgM et des IgG, qui empêchent la pénétration du virus. La réponse est focalisée essentiellement sur la protéine Spike, mais d'autres protéines sont également en jeu. Il existe pour l'instant de très rares cas documentés de réinfections symptomatiques. Ainsi, les personnes qui survivent à l'infection semblent apparemment protégées pendant au moins quelques mois.

Concernant les voies d'administration possibles du vaccin, il faut garder à l'esprit que lors d'une infection naturelle, on observe dans le tractus respiratoire supérieur une production locale d'anticorps dits « IgA », qui protègent contre la propagation du virus, et une forte production d'IgG ailleurs dans l'organisme. Une vaccination consistant en des injections intramusculaires ou sous-cutanées se traduira par une forte production d'anticorps IgG, mais une faible production d'IgA dans les voies respiratoires supérieures ; le problème de la propagation du virus par des individus vaccinés, de la barrière, se posera donc. C'est la raison pour laquelle certains souhaiteraient privilégier une vaccination intranasale, se traduisant par une forte production d'IgA, contrecarrant la propagation du virus, mais une protection moindre de l'individu lui-même. Il faut toutefois savoir qu'aucun vaccin de ce type n'est actuellement en essai de phase 3.

Quelles sont les phases de développement d'un vaccin ? Le calendrier traditionnel s'étale généralement sur dix ou quinze ans. Il comporte une première phase de recherche de la cible, une autre de test chez l'animal, où l'on observe notamment la fabrication d'anticorps et l'éventuelle toxicité. Ces étapes prennent entre deux et quatre ans dans les modèles traditionnels. Des essais dits « de phase 1 » sont ensuite mis en œuvre sur quelques dizaines de volontaires, généralement des adultes jeunes : ceci prend généralement entre un et deux ans. On teste durant cette période l'efficacité du vaccin, sa toxicité, la durée de la protection induite, etc. La phase 2 s'attache à répondre aux mêmes questions, mais sur un échantillon de quelques centaines de personnes. La phase 3, cruciale, s'effectue sur 30 000 personnes exposées au virus dans la population au cours d'une épidémie. Il convient ensuite d'obtenir une série d'autorisations, avant de lancer la fabrication du vaccin, puis de mettre en œuvre une vaccination de masse.

L'élaboration de vaccins contre la Covid-19 s'est effectuée dans le cadre d'un calendrier accéléré. Les différentes étapes ont ainsi été raccourcies, dans la mesure où l'on disposait déjà d'une expérience pour un vaccin SARS notamment. On a pu faire en sorte que les différentes phases se chevauchent, si bien que, le virus ayant été isolé en janvier 2020, on disposera certainement, de façon assez incroyable, d'un vaccin en janvier 2021, avec quelques bémols toutefois, sur lesquels nous reviendrons.

Quelles sont les différentes techniques utilisables pour produire un vaccin ? On peut notamment utiliser un virus inactivé : c'est la technique utilisée pour produire le vaccin contre la grippe. On prend le virus, on le cultive, on l'inactive avec un antiseptique, puis on l'injecte en sous-cutané ou en intramusculaire, avec un adjuvant comme l'hydroxyde d'alumine par exemple.

On peut aussi utiliser la protéine purifiée, des vecteurs viraux, des virus atténués (c'est-à-dire rendus moins virulents), des particules ressemblant au virus ou encore élaborer des vaccins à ADN ou ARN, qui sont actuellement l'objet de toutes les attentions et suscitent beaucoup d'espoir.

Les vaccins utilisant des virus inactivés consistent en une culture puis une inactivation chimique du virus. La protection obtenue dans le cas d'un vaccin grippal est généralement de l'ordre de 60 à 70 %, parfois 30 ou 40 % les mauvaises années. Sachant qu'une protection supérieure à 50 ou 60 % permettrait de contrôler la circulation du coronavirus, ces vaccins ne doivent pas être négligés. Deux vaccins chinois, pour lesquels nous ne disposons ni de résultat ni de publication, et un vaccin indien ont été mis au point sur ce modèle. Il faut savoir que toute l'armée chinoise a d'ores et déjà été vaccinée et que la population est en cours de vaccination.

Concernant l'élaboration d'un vaccin sur la base d'un virus vivant atténué par manipulation, rien n'a avancé pour l'instant.

Une autre approche est basée sur l'introduction du gène de la protéine Spike dans un vecteur viral non pathogène (adénovirus, coronavirus bénins, rétrovirus, virus de la rougeole, etc.). Le vaccin élaboré par l'Institut Pasteur selon cette méthode me semble particulièrement intéressant : il s'agit d'un vaccin anti-rougeoleux utilisé depuis des décennies, dans lequel a été introduit le gène codant la protéine Spike. Ce vaccin à vecteur viral vivant atténué est actuellement en phases d'essai 1 et 2. Il serait injecté par voie sous-cutanée ou intramusculaire. Le fait qu'il se réplique laisse supposer un effet assez puissant.

Une autre technique, actuellement développée par Sanofi et par l'américain Novavax, consiste à utiliser une protéine Spike purifiée, produite en masse sur un baculovirus, c'est-à-dire un virus d'insecte. Sanofi indique que son vaccin sera disponible en juin 2021. Le vaccin américain Novavax est quant à lui en essai de phase 3 actuellement.

Enfin, aucun vaccin basé sur l'utilisation de particules ressemblant au virus n'est en développement en ce moment.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.