Intervention de Patrick Berche

Réunion du jeudi 19 novembre 2020 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Patrick Berche :

La bonne nouvelle est donc que ce virus est relativement stable et que l'on peut ainsi espérer un vaccin.

Qu'en est-il des vaccins ADN et ARN ?

Le vaccin ADN consiste à introduire le gène de la protéine Spike à l'intérieur d'un plasmide par exemple, sous contrôle d'un promoteur de mammifère, dans l'espoir d'obtenir une production d'anticorps. Plusieurs vaccins sont actuellement développés sur ce modèle : le vaccin chinois Cansino, le vaccin Gamaleya en Russie, qui utilise semble-t-il deux adénovirus, le vaccin américano-belge mis au point par Johnson & Johnson et Janssen et enfin le vaccin américano-britannique AstraZeneca-Université d'Oxford.

Les vaccins ARN, qui semblent actuellement les plus avancés, utilisent une technologie tout à fait novatrice, consistant à injecter l'ARN à l'intérieur de nanoparticules lipidiques, qui vont être absorbées par les cellules et déclencher une réponse immunitaire. Ceci expliquerait peut-être les taux de protection exceptionnels annoncés, de l'ordre de 90 %. Ces vaccins sont développés d'une part par le laboratoire Pfizer et la start-up allemande BioNTech, d'autre part par la société Moderna, avec une technologie développée à Cambridge (Massachusetts). Les deux vaccins sont en test de phase 3 et pourront vraisemblablement être proposés à l'utilisation à partir de début janvier 2021. Il s'agit d'une nouvelle génération de vaccins, qui fonctionnent bien chez l'animal depuis des années mais n'ont encore jamais été mis en œuvre chez l'homme.

Depuis la découverte du virus en janvier 2020, la science a produit plusieurs dizaines de milliers de publications et effectué des avancées incroyables, qui ont permis d'obtenir un vaccin au bout d'un an.

Il convient néanmoins de rester prudent et vigilant, dans la mesure où certaines questions ne sont pas encore résolues.

Ceci concerne notamment l'efficacité de ces vaccins chez les personnes de plus de 65 ans et les patients atteints de comorbidités, élément sur lequel nous n'avons à ce jour aucune notion, ainsi que le problème du nombre d'injections nécessaires (une ou deux), qui soulève des difficultés logistiques considérables.

L'un des points de vigilance concerne aussi les effets secondaires, dont l'article publié par Pfizer dans Nature indique qu'ils sont compris entre 25 % et 50 % (ce dernier taux ayant été observé après la première injection avec des doses assez fortes, de l'ordre de 100mg d'acide nucléique). Ils se caractérisent par des fièvres, des rougeurs, des myalgies, des arthralgies et ne sont donc pas négligeables. Lors des essais de phases 1 et 2, la deuxième injection n'a d'ailleurs pas été effectuée, car il se produisait trop d'effets secondaires.

La durée de la protection est encore inconnue ; on peut espérer qu'elle soit de plusieurs mois.

La question de l'immunité locale et de la transmissibilité du coronavirus est également en suspens : on ignore si les personnes vaccinées transmettront ou pas le virus.

Quid des anciens porteurs sains ? Sont-ils protégés ? Faut-il les vacciner ? Faut-il pratiquer une sérologie pré-vaccinale ? Nous l'ignorons.

La voie d'administration (intramusculaire, intradermique, intranasale) reste enfin à définir.

Quelle stratégie vaccinale adopter ? Elle est assez simple. L'ordre des vaccinations dépend des pays, mais inclut les personnes fragiles, et notamment les résidents des EHPAD et des Maisons d'accueil spécialisées, les patients présentant des comorbidités, les personnels de soin et les professionnels travaillant au contact du public. La vaccination concernera enfin la population générale : ceci devra passer à mon sens par une forte incitation, mais surtout pas par une obligation vaccinale.

J'insiste sur l'importance de la logistique. Il faut retenir les leçons de 2009 et éviter que les médecins généralistes, les pharmaciens d'officine, les infirmiers libéraux et toutes les personnes susceptibles de procéder à des vaccinations ne soient tenus à l'écart. L'une des difficultés tient en outre au fait que deux inoculations sont nécessaires et que les vaccins à ARN demandent une conservation à -80°C pour le vaccin Pfizer et -20°C pour le vaccin Moderna, avec une tolérance à +4°C pendant 24 heures. La gestion administrative représente aussi un élément capital, avec un nécessaire relevé et suivi des effets secondaires. Il faudra en effet lutter contre la désinformation et les fake news. Je me souviens m'être trouvé en 2009 sur un plateau de télévision face à quelqu'un qui affirmait que, depuis le début de la campagne de vaccination trois semaines plus tôt, on déplorait déjà 15 ou 20 morts en Europe. Or il s'est avéré que ce chiffre incluait l'ensemble des personnes ayant trouvé la mort après avoir été vaccinées, y compris celles décédées dans des accidents de la route. L'importance d'une communication régulière sur les effets indésirables et les difficultés rencontrées est donc un élément majeur. Il est en effet probable que le lobby des complotistes se déchaîne. Je suis pour ma part opposé à la vaccination obligatoire. On sait en effet que si l'on procède à une vaccination de masse, un cas de sclérose en plaques va nécessairement apparaître au sein de toute population de 100 000 personnes ; si ce cas survient quinze jours après la vaccination, cette dernière sera tenue pour responsable. Toutes les maladies rares qui vont apparaître dans la population seront immanquablement imputées à la vaccination. Il faut donc se montrer extrêmement prudent et inciter fortement les gens à se faire vacciner plutôt que les y obliger. Une telle démarche me paraîtrait plus sage.

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