Je vais commencer par dire quelques mots sur Transport et environnement. C'est une fédération d'ONG basée à Bruxelles, qui réunit environ soixante membres à travers l'Europe, dont quatre en France, par exemple le Réseau action climat ou France nature environnement. Nous avons six bureaux nationaux à travers l'Europe, dont un vient d'ouvrir à Paris. Notre rôle, au niveau européen et international, est de s'assurer que les politiques de transport permettent de réduire les émissions de CO2 du secteur, et plus généralement l'impact environnemental de ce dernier.
En guise d'introduction, je voulais mentionner que notre priorité est de mettre en place des mesures pour réduire la demande en énergie du secteur. Cela passe, par exemple, par le transfert modal, le soutien aux mobilités douces, etc. En ce qui concerne l'hydrogène, le sujet d'aujourd'hui, nous pensons vraiment que cette technologie zéro émission aura un rôle à jouer dans ce secteur.
Pendant ma présentation, je vais regarder plus en détail trois questions principales : le mode de production d'hydrogène, mentionné précédemment, la question de l'efficacité énergétique et la disponibilité d'autres technologies zéro émission dans les différents segments du transport, pour voir in fine quel rôle l'hydrogène aura à jouer dans ceux-ci.
En ce qui concerne le mode de production, la majorité de l'hydrogène est actuellement produit à partir de ressources fossiles, de gaz naturel plus précisément. Le graphique que je vous présente précise le niveau des émissions de CO2 selon différents modes de production d'hydrogène. Vous y voyezla première option, qui est celle de la production à partir de gaz fossile, la plus émettrice. La deuxième option est l'utilisation du gaz combinée à la technologie de capture et de séquestration du CO2. La troisième option, avec des émissions de CO2 qui restent significatives, est l'électrolyse utilisant le mix électrique européen moyen qui n'est pas encore totalement décarboné. La dernière option est la production à partir d'électricité renouvelable additionnelle. C'est clairement l'option qui permet de réduire les émissions de CO2 de la manière la plus nette.
Il y a beaucoup de discussions au niveau européen sur l'hydrogène dit bleu – c'est-à-dire la deuxième option. Mais nous voyons qu'elle ne réduit pas autant les émissions de CO2 que l'option électricité renouvelable. Or sur le long terme, l'objectif est bien de réduire la dépendance aux ressources fossiles. En continuant à soutenir le gaz fossile à travers l'hydrogène, nous irions clairement dans la direction opposée.
La stratégie de l'Union européenne laisse la porte ouverte à différents modes de production d'hydrogène, mais je pense qu'il est important de rappeler que sa priorité est de développer l'hydrogène renouvelable. Tous les objectifs chiffrés sont en fait des objectifs liés à l'hydrogène renouvelable seulement.
Sur la base de ces constats, notre ONG recommande de soutenir uniquement la filière renouvelable. Au niveau européen, nous travaillons aussi afin de nous assurer qu'il y ait des critères de durabilité, pour que l'hydrogène renouvelable soit le plus propre possible, qu'il soit produit dans l'Union européenne ou importé.
La question de l'efficacité énergétique est très importante quand on parle de l'hydrogène. Il faut deux fois plus d'électricité pour produire l'hydrogène à travers l'électrolyse puis l'utiliser dans un véhicule à piles à combustible qu'avec un véhicule électrique. À gauche dans cet autre graphique, les deux premières colonnes représentent différents scénarios, selon que l'on considère une décarbonation complète du secteur des camions avec l'électrification ou avec l'hydrogène. Vous voyez qu'il y a un doublement de la quantité d'électricité nécessaire dans le scénario hydrogène, de par des rendements plus faibles, à cause de toutes les étapes de conversion supplémentaires par rapport à l'utilisation directe d'électricité.
Ce qui est intéressant, c'est que la stratégie hydrogène a été publiée en juillet, en parallèle d'une stratégie sur l'intégration des systèmes énergétiques. Cette stratégie préconise l'électrification directe accrue des secteurs et mentionne que les carburants renouvelables comme l'hydrogène devraient être utilisés seulement là où l'électrification n'est pas efficace, pas possible ou trop coûteuse.
Sur la base de ces constats, nous recommandons vraiment à l'Union européenne et aux États membres de favoriser l'électrification directe, partout où cela est possible dans le secteur du transport.
Ces éléments étant posés, regardons les différents types de transport et voyons quelles alternatives existent et quel est le rôle de l'hydrogène dans tous ces segments.
Pour les voitures individuelles, les vans et les bus urbains, le véhicule électrique est déjà le choix le plus efficace énergétiquement, comme je viens de le montrer, mais aussi le plus rentable économiquement. Il y a d'ailleurs, à l'heure actuelle, beaucoup plus de modèles électriques que de modèles à hydrogène pour toutes ces catégories de véhicules. En ce qui concerne les camions de 16 tonnes et moins, nous faisons le même constat, surtout pour les livraisons locales. Pour les camions de plus de 16 tonnes, la question reste ouverte. Un camion à hydrogène a un coût de propriété total, c'est-à-dire un coût d'achat et d'utilisation, plus élevé que celui d'un véhicule électrique, parce que le carburant hydrogène est plus cher. En revanche, les temps de recharge sont plus rapides pour un camion à hydrogène, ce qui permet une plus grande autonomie. Sur le segment des camions de plus de 16 tonnes, il faudra laisser l'industrie décider quelle est l'option la plus favorable pour le marché.
Le règlement de l'Union européenne sur les émissions de CO2 des camions va être revu dans les prochaines années. Il est vraiment essentiel que soit fixé un objectif zéro émission pour les camions d'ici à 2030, afin d'avoir à la fois des camions électriques et des camions à hydrogène. Nous verrons in fine quel est le choix favorisé par le marché.
Pour le secteur aérien, il n'y a pas encore de solution technologique zéro émission disponible aujourd'hui sur le marché. Il faut donc réfléchir à la façon de changer les carburants utilisés par les avions actuels. Il y a de nombreuses discussions au niveau européen sur l'utilisation de biocarburants, notamment produits à partir de déchets et de résidus. Nous nous sommes penchés sur la question : il est clair qu'il n'y a pas assez de biocarburants pour assurer que le secteur aérien puisse réduire ses émissions de CO2. Cela crée une opportunité pour l'hydrogène, à travers la production de ce qu'on appelle des carburants synthétiques. Ce sont des carburants produits à partir d'hydrogène renouvelable auquel on associe du CO2, ce qui donne un carburant synthétique qui peut être utilisé dans les avions actuels. Sur ce point, l'Union européenne va développer une initiative qui va être publiée en début d'année prochaine. Nous demandons à ce qu'il y ait un vrai signal, un objectif incitatif, pour que le secteur aérien commence à utiliser ces carburants synthétiques et que l'hydrogène puisse jouer un rôle par ce biais-là.
En matière de transport fluvial ou maritime, il faut rappeler que des mesures d'efficacité énergétique permettraient de réduire de 30 % les émissions de gaz à effet de serre. C'est vraiment une priorité au niveau européen.
Pour les courtes distances, l'électrique a beaucoup à offrir. On voit déjà beaucoup d'initiatives autour de ferries électriques, de barges électriques, de navettes fluviales. En revanche, pour le transport à plus longue distance, l'hydrogène renouvelable et l'ammoniac produit à partir d'hydrogène renouvelable auront un rôle à jouer. Ce sont les seules solutions pour arriver à zéro émission dans le transport de marchandises par la mer. Une réglementation de l'Union européenne est en discussion, avec une proposition attendue en début d'année prochaine. Nous espérons vraiment qu'il y aura des outils incitatifs pour faire en sorte que le secteur non seulement mette en œuvre des mesures d'efficacité énergétique, mais aussi se prépare à adopter beaucoup plus d'hydrogène et d'ammoniac.
Les trois principales recommandations sont donc de : soutenir uniquement l'hydrogène renouvelable au niveau européen et par les pays membres, favoriser l'électrification directe partout où c'est possible, puisque c'est l'option la plus efficace, et s'assurer que l'aviation et le transport maritime deviennent des marchés clés pour l'hydrogène. C'est au niveau européen que des initiatives doivent être prises pour s'assurer d'une demande de ces secteurs.