Intervention de Sonia de La Provôté

Réunion du mardi 15 décembre 2020 à 13h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Sonia de La Provôté, sénatrice, rapporteure :

. – De nombreuses personnalités sont présentes dans ces différentes structures – parfois dans plusieurs simultanément. Tout cela forme en définitive une comitologie très complexe. De plus, les prises de parole n'étant pas toujours coordonnées, le message a parfois été brouillé – même si chacun reste dans son rôle, les aspects scientifiques différant des aspects logistiques. Enfin, les relations établies entre toutes ces structures ne sont pas claires.

Dans la période qui s'ouvre, une parole forte, cohérente et compréhensible par tous sera indispensable. Cette remarque vaut pour l'ensemble des politiques sanitaires, mais plus encore dans la crise que nous vivons. Le Gouvernement doit donc se préoccuper de répondre à plusieurs questions : qui va communiquer ? Quelles sont les missions de chacun ? Les membres des différentes structures ont-ils travaillé pour un laboratoire pharmaceutique, ou dans tel ou tel champ de recherche ?

S'agissant de la stratégie vaccinale elle-même, plusieurs paramètres dépendent directement des choix du gouvernement.

Tout d'abord, la quantité de doses disponibles. Les territoires seront livrés progressivement, et le cabinet du ministre nous a indiqué qu'il serait sans doute nécessaire d'établir des priorités à un niveau très fin, au risque de devoir expliquer à un EHPAD qu'il ne sera pas livré alors que le sera un autre établissement situé sur le même territoire.

Ensuite, la communication. Celle-ci doit être progressive, s'adapter aux événements et ne pas s'en tenir à une « bande-annonce » immuable. D'ailleurs, les dates annoncées par le gouvernement pour la phase 1 et pour la phase 2 pourraient évoluer.

Quant au caractère facultatif de la vaccination, il existe un consensus d'autant plus justifié qu'il demeure des incertitudes sur le caractère bloquant, neutralisant, des anticorps et sur les éventuels effets secondaires – rares – qui pourraient apparaître lors de la vaccination d'un grand nombre de personnes.

Un consensus existe également sur la priorité donnée aux personnes âgées vulnérables. Cette priorité n'est contestée que par ceux qui y voient une volonté de « tester » le vaccin sur les plus âgés avant de prendre des risques pour les autres. En réalité, l'objectif de cette première phase n'est pas de stopper la propagation de l'épidémie, mais bien de protéger les plus vulnérables afin de soulager les services hospitaliers dans l'hypothèse où ceux-ci devraient faire face à une nouvelle vague. En effet, si la durée d'immunité procurée par le vaccin n'est pas bien connue, elle sera en tout état de cause suffisante dans ce cas de figure et les personnes âgées seront protégées si une troisième vague devait survenir.

La priorité donnée à la vaccination dans les EHPAD et les structures équivalentes est justifiée car ce sont fréquemment des foyers épidémiques. Le virus s'y diffuse très vite et y a parfois touché jusqu'à 60 % des résidents.

Le caractère volontaire de la vaccination ne doit pour le moment pas être remis en cause, même s'il pose des difficultés juridiques et pratiques. Par ailleurs, si le médecin traitant n'est pas convaincu de l'utilité de la vaccination, il lui sera difficile de convaincre son patient. Il faut donc se mettre en mesure de vacciner largement les professionnels de santé qui le souhaitent. Un certain nombre de professionnels souhaitent le faire, notamment dans les EHPAD, afin d'entraîner leurs patients dans cette dynamique.

La bonne performance de la chaîne logistique dans la première phase est une condition de réussite de la stratégie vaccinale : en cas d'échec, il serait difficile d'élargir la vaccination à toutes les personnes âgées. À partir du moment où la vaccination ne concernera plus seulement les EHPAD – qu'il est aisé de localiser et où il est facile de compter les volontaires –, sa diffusion territoriale causera une grande complexité. Par ailleurs, le vaccin à ARN de Pfizer-BioNtech est très fragile. Il doit en effet être conservé à -70 °C et ne peut pas être transporté pendant plus de douze heures au total, cette durée incluant l'acheminement du lieu de centralisation des vaccins vers la pharmacie référente. Une fois la dose livrée, elle doit être utilisée dans un délai de cinq jours. Le conditionnement étant multidose, une fois le flacon ouvert, on dispose en fait de six heures pour utiliser toutes les doses. C'est une contrainte logistique très forte qui nécessite un enchaînement linéaire et fluide.

Pendant la première phase, une attention toute particulière devra être prêtée au recueil du consentement du résident, qui doit être éclairé et explicite. Lorsque le patient n'est pas capable de le délivrer, on passe par un tiers de confiance. Il faut clarifier rapidement le caractère oral ou écrit du consentement. Il nous a été dit que le consentement serait oral, mais les professionnels pourraient exiger plutôt un consentement écrit pour se protéger.

La vaccination doit s'appuyer sur les professionnels de santé de ville. Ce n'est pas ce qui avait été fait lors de l'épidémie de grippe H1N1 car des vaccinodromes avaient été mis en place. Aujourd'hui, compte tenu de la situation – nouveau vaccin, nouveau virus – l'intervention du médecin traitant, dans sa relation singulière avec le patient, est essentielle pour convaincre les indécis et faire réussir la stratégie vaccinale. La réussite passe aussi par une pharmacovigilance renforcée, claire et explicite pour chacun.

Les professionnels de santé n'ont pour l'heure pas reçu d'informations précises sur la vaccination. Si le calendrier est respecté, ils seront amenés, dès le 4 janvier, à recueillir les consentements et à réaliser les injections. Ils souhaitent obtenir des clarifications quant aux possibilités de mise en cause de leur responsabilité, sachant qu'a été insérée dans les contrats européens une clause d'irresponsabilité des laboratoires. Participant à une mission de santé publique d'intérêt national, ils attendent donc qu'un arrêté ministériel les protège afin que de potentiels accidents de vaccination ne leur soient pas imputés. Ils comprennent l'importance de la vaccination mais demandent à être protégés.

Après l'audition du directeur-adjoint du cabinet du ministre des solidarités et de la santé que nous avons organisée hier soir, il reste à clarifier la « logistique du dernier kilomètre ». Le moindre hiatus dans la chaîne d'approvisionnement risquerait de rendre le vaccin inefficace. Pour éviter cela, il faut des procédures écrites, précises et territorialisées. Par ailleurs, les maires semblent peu informés alors que nous avons la conviction qu'ils sont des vecteurs très importants d'adhésion. Ils doivent donc faire partie de la boucle d'information et de communication.

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