.‑ Le juge de paix est finalement le nombre de doses disponibles, qui est pour l'instant insuffisant. Si l'on avait suffisamment de doses pour couvrir 100 % de la population, nous n'aurions pas à établir des priorités. Il est légitime de donner la priorité aux personnes à risques pour éviter une saturation des services de réanimation. Pour le reste – les lieux de vaccination, la formation des professionnels etc. –, nous pouvons y arriver.
Cette priorité est d'autant plus légitime que la perspective d'une troisième vague, avec un variant beaucoup plus contagieux, ne peut plus être exclue. Il convient donc de s'assurer qu'il reste des lits, du personnel et du matériel dans les services de réanimation.
Amener le vaccin aux personnes plutôt que l'inverse a beaucoup de sens pour les personnes en EHPAD ou en unité de soin de longue durée (USLD) : on connaît le lieu et le nombre de personnes, et on peut estimer le taux de refus. Il ne faut pas surestimer la difficulté logistique : le nombre total d'établissements n'est pas si grand.
Ce ne sont pas les personnes âgées qui diffusent le plus le virus, car elles n'ont pas la vie sociale la plus extensive. Ce sont les jeunes, comme le montre la deuxième vague, marquée par la reprise universitaire, les bars, les fêtes étudiantes, etc. Les personnes âgées ont un besoin vital d'interaction avec leurs amis et leur famille. Il faut que le minimum affectif dont on les prive actuellement soit pris en compte. On ne peut pas se contenter de l'isolement, générateur de détresse et de carence affective.
S'agissant des régions, les Länder allemands semblent s'être mis sur les rangs pour commander des doses supplémentaires. Si tel est le cas, les régions françaises devraient pouvoir le faire aussi, sauf si la répartition des compétences et l'organisation nationale ne sont pas les mêmes.
Quant à la durée de protection et à l'immunité collective, peut-être aura-t-on de bonnes nouvelles avec le vaccin Moderna, qui est peut-être stérilisant, mais on manque encore de doses. Il faut voir ce que permet chacun des vaccins, entre protection individuelle et protection collective. Avec les doses commandées, nous ne sommes pas en mesure de vacciner plus de 60 % de la population, taux au-delà duquel on considère que l'on maîtrise la propagation du virus.
Il faut se poser la question de la contribution de la médecine du travail en entreprise. Des journées complètes sont consacrées à la vaccination contre la grippe et l'on vaccine beaucoup de monde. Le réseau des médecins du travail est un bon outil pour vacciner la population générale : il sait faire, il intervient dans des lieux identifiés, en nombre limité, et en termes de logistique on a là un bon moyen de rationaliser la vaccination.
Enfin, il faut dire les choses clairement : nous n'étions pas prêts à commencer la vaccination le 28 décembre. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu de travail fait. Mais ce n'était pas fluide – c'est un euphémisme. Il y avait déjà des doutes sur la capacité à assurer un déroulement fluide et linéaire à la date du 4 janvier. Les problèmes peuvent être réglés pendant la semaine qui vient ou vers le milieu de la semaine prochaine, et l'on pourra alors « dérouler », avec notamment un rattrapage massif dans les EHPAD. Je m'inquiète cependant que certains EHPAD ne soient livrés que dans 15 jours, pour des raisons logistiques dont la justification paraît fragile.