Intervention de Laurent Delobel

Réunion du jeudi 18 février 2021 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Laurent Delobel, docteur vétérinaire, directeur du groupement de défense sanitaire de Loire-Atlantique :

. Je suis vétérinaire depuis un peu moins de 20 ans, dont 15 ans en activité libérale rurale avec une spécialité bovine-porcine principalement. Je dirige depuis cinq ans le groupement de défense sanitaire (GDS) de Loire-Atlantique. Le GDS est une association d'éleveurs créée dans les années 1950 sous impulsion gouvernementale. Elle est présente dans chaque département avec des fédérations régionales et une fédération nationale à Paris. Son objectif majeur est l'amélioration sanitaire des élevages. Par nos interventions, nous faisons uniquement de la médecine de troupeau et de territoire. Dans ce cadre, nous avons centralisé un certain nombre d'informations sur le sujet des champs électromagnétiques provenant des éleveurs comme des vétérinaires libéraux.

Je souhaite partager quelques prérequis utiles à l'appréciation du sujet. Les espèces bovines et aviaires sont intrinsèquement beaucoup plus sensibles aux champs électromagnétiques que les porcs et encore davantage que les humains. La sensibilité est également propre à chaque membre du troupeau. Il y a également des spécificités liées aux types d'exploitations : certaines comportent beaucoup d'éléments métalliques et électriques, telles que les exploitations laitières (robots de traite, cornadis, logettes, etc.). La situation diffère si les animaux sont sur une litière accumulée (fumier, compost) ou s'ils sont sur caillebotis avec des fosses de récupération des jus et déjections d'élevage. Un compartiment liquidien en‑dessous d'animaux déjà sensibles à un environnement électrique induit forcément une situation délicate. Le contrôle de l'équipotentialité des équipements d'élevage est une priorité absolue.

La saisonnalité influence également la sensibilité électrique des animaux. En hiver, les animaux sont beaucoup plus présents en bâtiment et les équipements électriques davantage en activité. Les risques sont moindres au printemps et à l'automne. Un second pic de risque accru apparait l'été, notamment dans les départements secs. Lorsque vous avez une prise de terre enfoncée dans un sol complètement sec, la fonction de la prise de terre disparaît complètement.

Pour revenir sur l'aspect animalier, je m'appuie sur des expériences bien connues du professeur de médecine Henri Laborit.

Dans le premier cas d'étude, un rat est placé dans une cage à deux compartiments communicants dont l'un est électrifiable. Dès que le stimulus électrique est mis en place, le rat présent dans la partie électrifiée s'extrait de la perturbation et passe dans le compartiment sécurisé. Dans ce cas, à la fin de l'expérimentation, les conclusions de l'autopsie ne révèlent aucune perturbation.

Dans le deuxième cas d'étude, la cloison n'est plus communicante. L'animal qui reçoit la perturbation électrique ne peut plus fuir. Il finit par se prostrer, ne plus s'alimenter et subir. L'autopsie révèle un animal complètement dégénéré aussi bien en termes d'équilibres hormonaux qu'en termes de dégénérescence organique avec l'apparition de troubles infectieux ou tumoraux erratiques.

Dans le troisième cas de figure, l'espace est toujours non communicant, mais il y a deux rats. À chaque fois que cette expérience est menée, les animaux finissent par se battre. À l'autopsie, les lésions de dégénérescence sont nettement moins marquées.

Quand l'inconfort devient chronique, non géré et non gérable, il se transforme en stress. Pour le premier cas de figure, avec une fuite possible, c'est ce qui a été évoqué tout à l'heure : des zones d'élevage sont complètement abandonnées par les animaux. Les animaux préfèrent se coucher dans des couloirs de circulation plutôt que dans les travées de logettes où l'environnement métallique est marqué, ou encore dans des aires paillées, pourtant dépourvues d'éléments métalliques. Dans ces zones paillées, on constate parfois des montées de température inexplicables puisque les vaches n'y séjournent pas. La possibilité de fuite permet de s'extraire de la perturbation.

Lorsque l'animal ne peut pas fuir – selon des niveaux électromagnétiques encore à définir par les organismes techniques – il finit par se prostrer, ce qui s'accompagne de l'apparition d'un certain nombre de conséquences cliniques, zootechniques ou sur la production. Une baisse des comportements grégaires est observée. Elle est accompagnée d'une fatigabilité et d'une fragilité accrues. Les équilibres hormonaux sont largement perturbés notamment en matière de dosage excessif de cortisol, avec l'apparition de signes cliniques (baisse de l'ingéré, des performances de reproduction – résorption embryonnaire précoce, mauvaise ovulation et transformation en kystes –et de la qualité du lait, boiteries et pathologies exacerbées). L'animal ne parvient plus à gérer les germes classiques et développe des infections.

Bien évidemment, ces signes sont accentués par l'environnement métallique. Lorsqu'une exploitation présente des défauts de mise à la terre au niveau du cornadis, la phase d'ingestion est très raccourcie, inefficace et pas sereine. Il en est de même pour les abreuvoirs et les quais de traite. Lorsqu'une vache, qui est censée boire environ 80 litres d'eau par jour, lape comme un chat, il est évident qu'elle n'est plus capable de s'hydrater correctement.

Si l'on fait le parallèle entre le dernier cas d'étude d'Henri Laborit et l'élevage, c'est tout un troupeau qui va se comporter différemment. Chez le porc, en Bretagne, des cas de cannibalisme ont été décrits. Chez les bovins, on constate des chevauchements inhabituels, de l'agressivité entre congénères ou avec le trayeur et des chutes. Lorsqu'une vache fatiguée tombe violemment par terre, elle se casse le bassin ou le col du fémur et ne se relève pas.

Chacun de ces signes est un indicateur, mais malheureusement un indicateur non pathognomonique. Ces symptômes peuvent se retrouver dans d'autres infections et ne sont pas spécifiques d'un désordre électrique, électromagnétique ou magnétique. Il faut donc établir un diagnostic différentiel pour tenter de trouver l'origine de la perturbation. Il est d'autant plus complexe à réaliser qu'il est réalisé tardivement, après l'apparition depuis un certain temps des troubles.

Pour conclure, je voudrais souligner que la première et la meilleure sentinelle, c'est l'éleveur et son vétérinaire. Si un éleveur constate que son troupeau commence à boire en lapant, c'est souvent un des premiers signes qui peut nous amener à penser à des perturbations électriques violentes.

Le diagnostic différentiel doit débuter par un diagnostic sanitaire, zootechnique et électrique avec une approche assez simple de vérification de l'équipotentialité de l'ensemble des équipements. Lorsque cela ne donne pas la solution, des perturbations électromagnétiques, voire magnétiques sont alors envisagées comme source des troubles et il est souvent fait appel à des géobiologues. Les résultats sont parfois très positifs, comme le souligne le rapport du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux.

Il arrive que les troubles dans les élevages démarrent dès les travaux d'affouillement ou de terrassement des futurs chantiers d'ouvrages producteurs ou transporteurs d'énergie, soit bien avant la mise sous tension desdits ouvrages. Le bétonnage et le ferraillage peuvent donc entraîner des troubles manifestes.

La question de la santé et du bien‑être des animaux se pose, mais également celle des éleveurs. Au‑delà des éventuels signes cliniques, il est particulièrement éprouvant pour un éleveur de voir son troupeau partir en déliquescence sans pouvoir y remédier. Depuis quelques années, la problématique est bien connue et l'épidémie de la Covid‑19 nous la rappelle : il y a une seule santé qu'elle soit animale, humaine ou même environnementale.

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