. – Je souhaite tout de suite insister sur un point. Nous savons mesurer et traiter les courants parasites, mais nous sommes effectivement parfois confrontés à des cas incompréhensibles.
Le GPSE a été créé en 1999 par le ministère de l'agriculture. C'était la première fois que le problème des courants parasites en élevage se posait. Il a fonctionné sous forme de groupe de travail informel pendant une dizaine d'années, en application d'un protocole conclu entre l'État et EdF, puis RTE et Enedis. Pendant cette période, un travail important de documentation sur les courants parasites a été réalisé, notamment sur les seuils de perception des animaux et sur la méthodologie d'intervention du GPSE.
À la fin des années 1990, lorsque la question du renouvellement des conventions entre l'État et les distributeurs d'électricité s'est posée, le ministère de l'agriculture a considéré que le sujet était l'affaire des professions. Il a, je cite, « préconisé la création d'un protocole d'échange entre les représentants de la profession agricole et les distributeurs d'électricité, le rôle du ministère de l'agriculture se limitant à la facilitation du dialogue. ». Le rapport de l'OPECST, que vous avez mentionné en début de réunion, qui préconisait la poursuite de l'engagement du ministère n'a ainsi pas été suivi d'effet.
En 2014, RTE, Enedis et les Chambres d'agriculture ont décidé de créer une association pour examiner ces problématiques. Se sont joints à l'association le syndicat des énergies renouvelables, France énergie éolienne et les ministères concernés. Cette association entièrement privée a conservé le nom de GPSE. Cette association sans mission de service public propose son expertise aux éleveurs confrontés à une suspicion de courants parasites liés à un équipement électrique extérieur à l'exploitation. Nous n'intervenons pas sur des troublés supposés liés aux antennes relais.
Notre travail se fait dans le cadre d'une démarche amiable, entièrement financée par les entreprises d'électricité et avec l'accompagnement systématique des chambres d'agriculture qui assurent le suivi de proximité. Nous intervenons avec notre propre réseau d'experts et toujours avec les conseillers (vétérinaires, techniciens, etc.) de l'exploitation qui n'ont pas trouvé la solution. Lorsque nous intervenons, beaucoup d'experts sont déjà passés sans trouver de solution.
Nous avons deux types d'intervention. Nous pouvons intervenir ponctuellement, à la demande d'éleveurs qui veulent avoir un diagnostic électrique approfondi et indépendant de leur exploitation. Nous avons créé à cette fin un fonds mutualisé, financé par l'ensemble des membres du conseil d'administration, distributeurs d'électricité et professions agricoles.
Nos principales interventions sont de plus longue durée. Elles visent à établir un diagnostic complet de l'exploitation confrontée à un problème complexe dans le cadre d'un protocole incluant l'éleveur, le GPSE, l'opérateur électrique qui a accepté de financer les expertises, la chambre d'agriculture et le GDS.
Notre approche est globale. Elle porte d'abord sur les aspects électriques, mais elle se traduit toujours également par un bilan sanitaire complet et par une expertise zootechnique de l'exploitation. En effet, il n'y a pas de symptômes spécifiques liés à un problème électrique. C'est une des difficultés du sujet, qui donne lieu à controverses.
Sur les cinq dernières années, nous avons reçu 72 sollicitations, dont 22 auxquelles nous n'avons pas donné suite. Nous avons conduit une cinquantaine d'interventions en élevage, pour une moitié ponctuelles, et pour l'autre moitié au long cours.
Quelles sont les principaux enseignements que nous pouvons tirer de ces interventions ? Dans toutes les exploitations où nous sommes intervenus, l'installation électrique nécessitait des travaux correctifs de mise aux normes afin d'éviter l'apparition des courants parasites. Cependant, la résolution des problèmes de courants parasites n'entraîne pas forcément la résolution des problèmes de l'exploitation et, souvent, les tensions que nous mesurons ne permettent pas d'expliquer les troubles constatés.
Concernant les vaches laitières, le seuil de perception établi par le GPSE est de 500 millivolts. Il est rare de mesurer dans les exploitations des tensions de pas qui atteignent 500 millivolts. Quand on trouve 200 millivolts ou 300 millivolts, c'est déjà trop et on apporte des corrections sur les installations électriques. Plus de 90 % des budgets d'intervention du GPSE sont consacrés aux problèmes sanitaires, quelles que soient leurs origines. Nous intervenons également sur l'amélioration de la situation zootechnique en modifiant l'alimentation, l'abreuvement ou les conditions de logement de l'animal. Lorsque nous intervenons sur une exploitation qui est en difficulté depuis plusieurs années, nous sommes confrontés à une multitude de problèmes, notamment financiers et humains.
Quand il s'agit bien d'un problème de courant parasite en élevage, les interventions que nous faisons permettent de rétablir la situation ou au moins de remettre l'exploitation sur une trajectoire favorable. En revanche, nous sommes confrontés à un certain nombre de cas où nous ne pouvons pas diagnostiquer les problèmes et où ils ne sont pas résolus. Sur les 18 protocoles mis en place en 2015-2016 et actuellement clôturés, nous considérons aujourd'hui que nous avons cinq cas non résolus pour lesquels personne ne peut agir. Parmi ces cinq cas, il y a celui du parc éolien décrit précédemment par la mission CGAAER-CGEDD. Dans les autres cas, nous avons toujours trouvé, concomitamment au début des troubles, une modification d'étable, qui entraîne un changement du sol et du sous‑sol sur lesquels évoluent les animaux. C'est pour cette raison que nous suspectons l'influence de la composition du sous‑sol. Cependant, nous n'avons trouvé aucun expert – et notamment aucun géobiologue – en mesure de trouver une solution à ce problème. Personne n'est en mesure de savoir combien d'élevages sont concernés par des perturbations inexplicables.
Je suis tout à fait d'accord avec la proposition présentée par la mission CGAAER-CGEDD de mettre en place un observatoire pour recenser et décrire les élevages concernés. Dans certains cas, il n'y a pas d'ouvrage électrique à proximité – antennes, éoliennes, lignes à haute tension –, et pourtant, des troubles sont observés chez les animaux. Nous sommes devant des difficultés que nous ne connaissons pas. Nous appelons donc à la mise en place d'un travail de recherche et d'amélioration des connaissances autour de deux axes déterminés avec l'ensemble des experts. Le premier concerne les courants parasites en élevage, les seuils de perception et les effets sur le comportement animal. Les références dont on dispose mériteraient d'être actualisées alors que non seulement les élevages, mais également l'environnement électrique ont changé. Tout à l'heure, la question des courants continus dans les élevages a été évoquée. Or, les connaissances scientifiques sur ce sujet sont inexistantes. De même, un travail important sur l'harmonisation et l'interprétation des mesures réalisées en élevage devrait être mené. Nous disposons des experts et des scientifiques mais il nous manque le financement. Les expérimentations devraient être menées en relation étroite avec l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), notamment afin de tenir compte des règles éthiques sur le bien‑être des animaux. Le second axe de travail est celui de la circulation des courants dans le sol et dans le sous‑sol, de l'influence de la géologie. Il nous faut comprendre le lien entre la composition du sous‑sol, les circulations électriques dans l'eau et les animaux, ainsi que les interférences des équipements électriques sur le bien‑être animal. Ce travail nécessite une aide du ministère de l'agriculture.
Enfin, il faut que la problématique électrique soit complètement prise en compte par les réseaux de conseil et de développement agricoles. On n'a pas porté assez d'attention à l'installation électrique des exploitations, alors que c'est un facteur important pour le bon fonctionnement de l'exploitation et de l'élevage, en particulier avec le développement des équipements électriques et la robotisation.