Intervention de Pierre Ouzoulias

Réunion du jeudi 4 mars 2021 à 10h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Pierre Ouzoulias, sénateur, rapporteur :

. – Je remercie l'Office et ses deux présidents pour leur confiance et pour nous avoir donné les moyens de réaliser ce rapport qui n'aurait pas pu aboutir sans l'implication des fonctionnaires de l'Office et de nos collaboratrices.

L'intégrité scientifique et l'Office entretiennent des relations anciennes puisque le président Bruno Sido avait identifié ce problème dès 2014 et avait orienté l'Office sur plusieurs réflexions sur le sujet. En 2018, l'Office avait entendu les présidents de l'OFIS et du Hcéres, MM. Olivier Le Gall et Michel Cosnard. Je rappelle également les travaux du sénateur Claude Huriet et du député Jean-Yves Le Déaut, qui avaient conduit à l'organisation d'un colloque à Nancy en 2017 intitulé « L'intégrité scientifique en action ».

Nous avons donc poursuivi une tradition ancienne avec ce rapport qui constitue une étape supplémentaire et importante. En effet, sur la base du pré-rapport validé en juillet 2020 par l'Office, les parlementaires des deux chambres, et notamment de l'Office, se sont mobilisés afin que la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, adoptée le 24 décembre dernier, qui ne contenait initialement aucune disposition relative à l'intégrité scientifique, dote finalement la France d'un dispositif unique au monde. À l'Assemblée nationale, ce sont Pierre Henriet et le président Cédric Villani, et au Sénat, Laure Darcos, rapporteure du texte, et tous membres de l'OPECST, qui ont travaillé en ce sens et dans la même direction. Je salue également notre collègue Sonia de La Provôté qui, en tant que représentante du Sénat au sein du Hcéres, sera la garante des nouvelles missions que confie la LPR à cet organisme.

L'article 16 de la LPR a en effet confié au Hcéres une mission forte : « la définition d'une politique nationale de l'intégrité scientifique ». La loi lui a demandé de favoriser l'harmonisation et la mutualisation des pratiques, et par ailleurs, de veiller à ce que l'intégrité scientifique soit effectivement prise en compte dans le processus d'évaluation des opérateurs, en théorie comme en pratique. Évaluation et intégrité scientifique sont intimement liées, et à défaut d'une telle prise en compte, des biais dans l'évaluation sont susceptibles de provoquer des contraintes en matière d'intégrité scientifique, voire des incitations aux méconduites.

La loi propose aussi une définition : « l'intégrité scientifique contribue à garantir l'impartialité des recherches et l'objectivité de leurs résultats ». On ne peut pas faire plus simple. Bien sûr, chaque discipline scientifique a ses propres pratiques, méthodologiques et déontologiques, et il n'appartient pas au législateur de les définir au-delà des objectifs généraux : chacun comprend bien que l'intégrité scientifique d'un mathématicien n'est pas celle d'un archéologue. Toutefois, je tiens à préciser que si les parlementaires sont intervenus dans ce débat, c'est bien à la demande des scientifiques eux-mêmes : au fil de nos auditions, tous ont fait le constat que les mécanismes d'autorégulation ne fonctionnaient plus, et en ont appelé au soutien du législateur. Il y a une véritable prise de conscience par les scientifiques de la réalité d'un phénomène qui les dépasse, et qu'ils n'arrivent plus à contrôler.

Parmi les dispositions du code de la recherche introduites par la LPR, il en est une qui nous intéresse particulièrement : l'obligation faite aux chercheurs publics de déclarer leurs potentiels conflits d'intérêts lorsqu'ils participent à une mission pour les pouvoirs publics ou le Parlement. De fait, j'ai été frappé de constater que la déontologie qui s'impose aux parlementaires, notamment en matière d'obligation de déport, est beaucoup plus sévère que celle qui s'impose aux scientifiques : à cet égard, la loi ne fait qu'appliquer aux chercheurs les règles que nous nous appliquons ici au Parlement.

Nous avons eu de nombreuses discussions sur le statut qu'il convenait de donner à l'Office français pour l'intégrité scientifique (OFIS). Nous avions pensé en faire une autorité administrative indépendante (AAI), une solution qui n'a pas pu aboutir, faute de temps et d'un arbitrage interministériel en ce sens. Il reste donc au sein du Hcéres, mais il faudra veiller, à l'avenir, à garantir son indépendance. Il est en effet essentiel que l'OFIS puisse se prononcer sur les méthodes d'évaluation du Hcéres.

Au Sénat, nous avions envisagé de confier à l'Institut de France la mission d'héberger l'OFIS dans ses locaux, ce qui aurait pu constituer une manière élégante de lui conférer une sorte d'indépendance de fait. Cette piste n'a pas abouti, même si l'Institut n'y était pas opposé. C'est une idée qu'il faut garder en tête.

Je terminerai en évoquant l'Europe, à la suite de ce qu'a dit Pierre Henriet : sur la base du travail que nous avons fait en France, nous devrions aller porter la bonne parole afin de faire de l'Europe un pôle d'excellence en matière d'intégrité scientifique et, par là, de conforter les bonnes pratiques à l'échelle internationale et de lutter contre certaines pratiques à l'Ouest aussi bien qu'à l'Est – en Asie et plus particulièrement en Chine, pour le dire clairement. Il va falloir regarder certaines pratiques, le rôle des revues prédatrices, ou encore la capacité de certaines officines à offrir thèses et articles clé en main, avec un niveau d'excellence scientifique dépendant du montant du chèque.

J'ai d'ailleurs le plaisir de vous annoncer que la commission de la culture du Sénat va officiellement saisir l'OPECST d'une mission sur la science ouverte, un champ très large qui permettra de s'interroger sur les revues, sur les coûts de la publication scientifique, sur la place du livre et des éditeurs privés, etc. Je serai le cas échéant disponible pour continuer ce travail. Nous avions d'ailleurs commencé à aborder le sujet avec Pierre Henriet, mais cela nous menait trop loin et nous avons finalement choisi de retirer les développements en question du rapport.

Je vous remercie une fois de plus pour la confiance que vous nous avez témoignée tout au long de cette aventure de presque deux ans.

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