. – Je vais commencer mes réponses par l'un des sujets majeurs liés à l'intégrité scientifique mais qui en déborde le cadre strict, à savoir les questions liées au harcèlement et, plus généralement, au lien entre les responsables de recherche et les chercheurs qu'ils encadrent. C'est évidemment un sujet essentiel, déjà borné sur un plan pénal ; il est bien évoqué dans le rapport, mais il mériterait un développement entier car il dépasse l'intégrité scientifique. Il est intéressant de relever que pour le comité d'éthique du CNRS comme pour celui de l'ANR, ce sujet ne relève pas de la déontologie ou de l'éthique, mais bien de l'intégrité scientifique. Cette dernière offre donc des perspectives plus larges que les données, les méthodes et les publications scientifiques, puisqu'elle concerne aussi la construction des programmes de recherche, les liens sociaux entre les scientifiques et, enfin, les rapports hiérarchiques qui peuvent exister dans le monde de la recherche et qui s'accompagnent parfois d'abus.
Pour aborder d'autres questions posées, il y a une vraie difficulté aujourd'hui à pouvoir disposer des données nationales sur ce que sont les manquements à l'intégrité scientifique. Peu de données publiques sont en fait disponibles, elles sont surtout internationales ou américaines, et nous avons eu beaucoup de mal à avoir un spectre large de ce que pouvaient être qualitativement et quantitativement les différents manquements. C'est une vraie question, sur laquelle il faudra revenir, notamment avec le Hcéres, par exemple lors du suivi que nous devrons faire des avancées législatives obtenues en matière d'intégrité scientifique et qui devront se traduire concrètement dans l'ensemble de la communauté scientifique.
Le mauvais tutorat des directeurs est un sujet à aborder en lien avec l'extension aux HDR de la formation à l'intégrité scientifique. Je pense que c'est l'un des enjeux fondamentaux de court terme. En effet, quand on voit le bénéfice qu'elle peut apporter dans le public des doctorants, rien ne s'oppose à ce que la formation à l'intégrité scientifique soit étendue à l'ensemble des directeurs de thèse et des formateurs, de manière à ce qu'elle puisse diffuser au quotidien dans chacun des organismes de recherche.
En matière de méconduites, je précise que le manque de chiffres induit des difficultés pour traiter les cas spécifiques de manquement, parce que ces derniers sont souvent singuliers et très différents les uns des autres. Parfois les cas concernent les « sommets » de la science et peuvent poser des questions de conflits d'intérêts qui dépassent le monde scientifique lui-même. C'est pour cela qu'il est fondamental de parvenir à une harmonisation des saisines : il faut que les acteurs, en particulier les référents intégrité scientifique, puissent disposer d'une base de données et d'un code à appliquer en pratique, de sorte qu'ils puissent mener à bien leur mission le plus aisément possible – c'est une demande qu'ils nous ont faite maintes fois. Ils nous ont aussi très régulièrement indiqué qu'ils se sentent seuls face à des situations qui sont souvent disproportionnées par rapport à leur propre emploi au sein des établissements. Par exemple, quand une méconduite concerne un membre du conseil d'administration d'une université, le risque est que le référent intégrité scientifique ne bouge pas d'une oreille et il faudrait donc avoir d'autres canaux de saisine, à travers l'OFIS et plus généralement le Hcéres. Ce sont à notre sens de bons canaux pour éviter de passer à côté de certains manquements à l'intégrité scientifique.