Intervention de Gilles Pijaudier-Cabot

Réunion du jeudi 25 mars 2021 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Gilles Pijaudier-Cabot, président de la CNE2 :

Nous sommes ici aujourd'hui pour vous présenter le bilan provisoire, daté de fin 2020, des travaux conduits par la Commission sur l'impact de la crise de la Covid-19 sur les études et recherches portant sur la gestion des matières et déchets radioactifs.

Je vais tout d'abord vous présenter un bref rappel du contexte, de la méthode de travail et des calendriers que nous avons adoptés. Je vous ferai part de nos premiers constats et conclurai sur les points qui selon nous mériteraient a minima un suivi et éventuellement une analyse complémentaire.

Lorsque nous vous avions présenté notre rapport annuel n° 14, en juillet 2020, entre deux confinements, la CNE2 avait attiré l'attention de l'Office sur les conséquences probables de la crise sanitaire. En effet, nous avions d'ores et déjà anticipé le fait que l'épidémie que nous connaissions depuis plusieurs mois aurait des répercussions à court et moyen terme sur les activités de la recherche et développement (R&D). L'Office nous a par la suite saisis de ce sujet, le 6 août 2020.

Nous avons dans un premier temps réalisé des entretiens avec la direction générale de l'énergie et du climat, ainsi qu'avec l'Autorité de sûreté nucléaire, de façon à recueillir leurs diagnostics. Nous avons ensuite organisé des auditions privées, que nous avons veillé à placer aussi tard que possible dans l'année, de façon à laisser à chacun le temps d'analyser la situation et d'en tirer les conséquences les plus pertinentes. Nous avons ainsi entendu successivement, le 9 décembre 2020, des représentants du CEA, de l'ANDRA, du CNRS, d'EDF, du Groupement des industriels français de l'énergie nucléaire (GIFEN) et d'Orano. Nous avons ensuite procédé à quelques entretiens complémentaires, orientés principalement vers les problématiques d'assainissement et démantèlement (A&D) et focalisés sur les relations entre les grands donneurs d'ordres et les prestataires ; il s'agissait de voir comment la filière avait résisté et quelles difficultés elle avait pu rencontrer pendant cette période. Nous avons ainsi échangé avec des entreprises engagées sur les chantiers, mais aussi avec le pôle de compétitivité Nuclear Valley, qui fédère un grand nombre de PME et d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) : c'était un bon moyen d'accéder aux informations concernant ces entreprises.

Nous avons tout d'abord observé que le confinement décidé en mars 2020 a été très rapidement mis en œuvre par les acteurs. Les activités essentielles ont été préservées, conformément aux instructions gouvernementales. Ceci signifie que l'ensemble des activités expérimentales menées dans les laboratoires et les activités jugées non essentielles pour le développement des projets ont été conduites autant que possible en télétravail. Dès l'été, un retour d'expérience a été réalisé sur cet arrêt particulièrement brutal et les conséquences qu'il a pu avoir. Des plans de continuité d'activité plus gradués ont été conçus dès le mois de juillet et mis en place conformément aux directives nationales, afin de minimiser les conséquences des restrictions. Les activités de R&D se sont donc poursuivies, avec un retour progressif à un rythme normal, grâce au déploiement du télétravail.

Tous les acteurs de la filière s'accordaient à dire, en décembre 2020, que les conséquences de cette période en termes de résultats financiers, de coûts à terminaison des projets et de valorisation des fonds dédiés étaient très modérées. Ces données restent bien entendu à consolider.

Au plan calendaire, certains projets de recherche ont été suspendus. Les retards pris sont toutefois généralement de l'ordre d'un à deux mois, pouvant parfois aller jusqu'à six mois, hors aléas non imputables à la crise sanitaire. Ces retards sont donc très modérés, surtout au regard de projets dont le déroulement s'effectue à une échelle de dix ans et pour lesquels chacun s'accorde à penser qu'un délai, même de six mois, n'est pas trop grave. La seule interrogation qui subsiste est relative à un projet de R&D sur le multirecyclage en réacteur à eau sous pression (REP), qui nécessite l'irradiation d'un combustible MOX, initialement prévue pour se dérouler en Russie. Or il n'est pas sûr, du fait du retard pris, que l'aiguille puisse être irradiée en Russie, car le réacteur nécessaire risque de fermer. Des mesures de correction ont été prises par EDF et insérées dans le plan correspondant. Les conséquences calendaires sont donc finalement limitées.

Nous avions toutefois souligné dans notre rapport n° 14 que le calendrier de déploiement des projets venant en soutien de la politique pluriannuelle de l'énergie était déjà particulièrement serré, si bien que le peu de marge disponible aura été consommé en partie par la crise sanitaire. Il est important d'avoir ceci à l'esprit.

Selon l'Autorité de sûreté nucléaire, la plupart des retards ne sont en outre pas nécessairement imputables à la crise sanitaire. Certains, en particulier dans le domaine de l'assainissement et du démantèlement, sont liés à la vie des projets eux-mêmes. Il importe néanmoins de garder un œil attentif sur l'enchaînement calendaire des projets de R&D prévus en appui à la PPE.

S'agissant de la filière, les grands donneurs d'ordres ont besoin de prestataires. Dès le printemps 2020, ils ont donc agi auprès de ces derniers pour les accompagner, y compris en matière de trésorerie. La plupart des acteurs se sont engagés dans ce type de soutien, en organisant des réunions et en informant le mieux possible les sous-traitants.

Les chantiers de démantèlement ont été interrompus, dans la mesure où ils ne faisaient pas partie des activités jugées essentielles. Ceci a produit un décalage préjudiciable aux interventions des prestataires, qu'il sera difficile de compenser. Compte tenu des précautions sanitaires en vigueur actuellement, il n'est en effet pas imaginable de mettre davantage de personnes sur un chantier. Il ressort de notre analyse que le secteur de l'assainissement et démantèlement est relativement fragile. Sa rentabilité n'est pas prouvée et la situation est d'autant moins favorable du fait des décalages et retards constatés. Nous observons, indépendamment de la crise sanitaire, que certains prestataires sont en train de se dégager de ce marché ou envisagent de le faire. Deux ont déjà pris cette décision. Un autre s'interroge sur sa position dans le marché de l'assainissement et démantèlement, qu'il pourrait quitter, se plaçant ainsi en situation de ne plus être en mesure de répondre aux besoins des donneurs d'ordres.

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