Intervention de Maurice Leroy

Réunion du jeudi 25 mars 2021 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaurice Leroy, membre de la CNE2 :

Je vais tenter d'être clair. La question est vaste. J'insiste tout d'abord sur le fait que nous savons aujourd'hui que l'entreposage à longue durée va dégrader la gaine du combustible, que nous ne serons pas capables de reprendre. C'est là l'un des éléments scientifiques qui doit être pris en compte pour d'éventuelles décisions.

Concernant les réacteurs de génération IV et les réacteurs à neutrons rapides, je pense important de rappeler un calcul qui figure, me semble-t-il, dans l'un de nos rapports. Nous avions imaginé une situation dans laquelle l'électricité nucléaire ne serait produite que par des RNR et calculé les quantités de matière nécessaires. Ceci aboutissait au chiffre de 1 000 tonnes de plutonium, réparties globalement en trois segments : 300 tonnes dans les réacteurs sous forme de combustible, 300 tonnes dans les combustibles usés qu'il faudrait retraiter et 300 tonnes en retraitement. Je rappelle que l'une des propriétés des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium est que le plutonium introduit dans le réacteur est consommé, mais se régénère. À partir du moment où l'on dispose d'une flotte de RNR en fonctionnement, ces 1 000 tonnes de plutonium suffisent, puisqu'elles se régénèrent.

Les déchets produits seront des actinides mineurs et des MA-VL. Les quantités seront fonction de la mise en place ou non d'une transmutation. Il faudra dans tous les cas gérer les produits de fission : toutes les études démontrent en effet que la transmutation des produits de fission serait extrêmement compliquée, voire potentiellement impossible. En revanche, il a été démontré, au moins sur des cibles, que ceci était possible pour les actinides mineurs. Il faut garder en tête que la mise en œuvre d'une transmutation avec les moyens que nous connaissons ou anticipons aujourd'hui conduira à utiliser par exemple de l'américium et à l'irradier. Ceci s'effectuera en plusieurs fois, en reprenant la cible et en la retraitant. Le restant de l'américium sera alors placé dans une nouvelle cible. Ceci prendra quatre ou cinq cycles. Ce processus n'est donc pas une opération immédiate, quelle que soit la méthode utilisée, qu'il s'agisse de systèmes mettant en œuvre un accélérateur, de réacteurs à sels fondus ou du dispositif proposé par Gérard Mourou, à base d'un laser et d'un réacteur à sels fondus. On en revient ainsi à une gestion des déchets qui s'apparente fortement à celle qui nous incombe aujourd'hui, sauf à avoir transmuté et s'être ainsi débarrassé des actinides mineurs. Dans tous les cas, sont produits des déchets ultimes, dont il faut disposer.

Les RNR utilisent du plutonium et de l'uranium appauvri. Le problème est que nous disposons aujourd'hui de quelque 330 000 ou 350 000 tonnes de cet uranium et qu'il faudrait des millénaires pour les utiliser dans les RNR. En revanche, cet uranium appauvri pourrait parfaitement repasser dans l'usine d'enrichissement et être appauvri encore une fois. Ceci est tout à fait concevable et permettrait d'économiser des importations d'uranium naturel. Cet uranium peut aussi être une denrée à vendre le cas échéant à l'étranger, lorsque l'énergie nucléaire se développera, ce que je crois tout à fait plausible dans le siècle à venir.

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