Intervention de Olivier Lefort

Réunion du jeudi 6 mai 2021 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Olivier Lefort, directeur de la Flotte océanographique française, Ifremer :

. – Mon propos portera sur l'activité de la Flotte océanographique française qui intervient en complémentarité de ce que font l'État et l'IPEV. La Flotte océanographique ne réalise pas d'opérations logistiques mais est quasi exclusivement dédiée à la recherche marine.

La Flotte océanographique française est une flotte unifiée depuis 2018. Elle est l'une des trois premières flottes océanographiques en Europe et figure parmi les cinq premières flottes mondiales. Cette flotte est au service de l'ensemble de la communauté scientifique française.

La Flotte océanographique française donne accès à quatre navires hauturiers. Le premier d'entre eux est le Marion Dufresne qui est la propriété des TAAF et que nous sous‑affrétons 217 jours par an. Il permet de réaliser des activités de recherche marine, principalement dans l'océan Indien, mais aussi des activités de paléoclimatologie en mer de Chine ou au large du Brésil. Le deuxième navire de la flotte hauturière est le Pourquoi Pas ?, qui est un navire plurifonctionnel, cofinancé par la Marine nationale mais qui réalise des activités d'hydrographie. Il travaille principalement en Méditerranée et dans l'océan Atlantique, voire dans l'océan Indien. Le troisième navire est L'Atalante, qui est un navire très polyvalent en termes d'activités scientifiques. Il nous permet de déployer des programmes de recherche dans le Pacifique tous les quatre ans. Le dernier navire hauturier est le Thalassa, qui réalise des campagnes de recherche mais aussi d'appui aux politiques publiques, notamment pour l'évaluation des stocks halieutiques.

Deux navires semi‑hauturiers d'une quarantaine de mètres de long sont déployés en outre‑mer : le navire Alis qui se situe en Nouvelle‑Calédonie et qui réalise des missions côtières depuis la Polynésie jusqu'au Vietnam et le navire Antéa qui travaille davantage sur la zone intertropicale et dans les outre‑mer français. Antéa remplacera Alis en Nouvelle‑Calédonie en 2023.

Le dispositif regroupe également cinq navires côtiers et sept navires de station qui offrent des moyens aux équipes de recherche nationale autour de la métropole.

Enfin, la flotte est aussi l'opérateur de l'ensemble des moyens sous‑marins qui permettent d'intervenir sur le fonds, dans la colonne d'eau avec des drones sous‑marins ou des engins d'intervention plus profonds comme le sous‑marin habité Nautile ou le robot Victor qui peuvent descendre à plus de 6 000 mètres de profondeur.

La deuxième particularité de la flotte française est d'être multifonctionnelle. Elle est au service de la recherche scientifique et au service des missions d'intérêt public, mais elle travaille aussi en partenariat avec l'industrie, essentiellement dans le domaine des ressources minérales et énergétiques. Nous répondons aux besoins d'une communauté d'environ 3 000 chercheurs. Tous les ans, nous embarquons 1 500 personnes sur nos navires. Ces moyens permettent la publication de plus de 300 articles scientifiques de rang 1 par an.

Quels sont les moyens dont dispose l'Europe pour accéder aux zones polaires ?

Un rapport de 2019 indique qu'il existe huit brise‑glaces en Europe : trois brise‑glaces majeurs permettant de percer des profondeurs de glace très significatives (le Polarstern pour l'Allemagne, l' Oden pour la Suède et le Kronprins Haakon pour la Norvège), trois brise‑glaces permettant de briser des hauteurs de glace significatives (le Sir David Attenborough pour le Royaume‑Uni, le Laura Bassi pour l'Italie et L'Astrolabe pour la France) et deux autres navires qui peuvent franchir des glaces d'épaisseurs plus faibles. L'Astrolabe, contrairement aux autres navires, n'a pas d'activité de recherche marine en zone polaire.

En Arctique, à part quelques campagnes d'été vers le Groenland et le Spitzberg, la flotte française ne dispose pas de moyens et n'a pas réalisé beaucoup de campagnes. Un partenariat est cependant en cours de finalisation entre l'Ifremer et l'université Laval au Canada sous la forme d'un échange de temps de navire. Les Canadiens étaient à la recherche de grands navires océanographiques en Atlantique Nord et la communauté scientifique française recherchait un accès à des brise‑glaces. Nous espérons que les discussions en cours finiront par la signature d'un accord avec l'université Laval qui opère le brise‑glace Amundsen. Si cet accord est trouvé, la communauté scientifique française pourrait avoir accès à ce navire deux à trois semaines par an. Un autre partenariat – le partenariat OFEG (Ocean Fleet Exchange Group) – repose également sur un échange de temps de navire et nous permet en théorie d'accéder à un navire brise‑glace léger allemand, le Maria Sybilla Mérian et potentiellement au navire norvégien Kronprins Haakon. Cependant, ce dispositif est de portée limitée compte tenu du faible volume de jours historiquement échangé avec ces deux pays.

En Antarctique, la flotte océanographique est présente principalement au nord de l'océan Austral avec la présence du Marion Dufresne. Les solutions pour donner un accès à la recherche marine en Antarctique sont très limitées. La société Ponant construit un brise‑glace de croisière mais il n'offre pas la possibilité de réaliser des missions scientifiques significatives. Par ailleurs, le temps de L'Astrolabe dévolu actuellement à l'IPEV ne permet pas de réaliser des campagnes de recherche marine. Quant au Polar Pod, qui est en projet, il s'agit d'un flotteur dérivant et non d'un navire permettant de répondre à des besoins de recherche marine.

Je terminerai mon intervention par quelques perspectives. À court et moyen termes, en Arctique, une réponse pourra être apportée à travers le partenariat avec l'université Laval. La capacité de réponse soutenable financièrement est limitée à ce jour. En Antarctique, nous pensons que deux partenaires pourraient être approchés : l'Institut allemand Alfred Wegener et l' Australian Antarctic Division. Il existe une réelle proximité opérationnelle entre l'IPEV, l'Ifremer et ces deux organismes, mais accéder à leurs navires, ne serait‑ce qu'un mois par an, représenterait déjà un budget d'affrètement de 2 à 3 millions d'euros, dont ne dispose pas l'Ifremer. À plus long terme, la Flotte océanographique française doit se renouveler à l'horizon 2030. Si un brise‑glace doit s'insérer dans la flotte, cette réflexion devra être menée dans le cadre du Plan Moyen Terme (PMT) dont la réflexion commencera aux alentours de 2025 et qui sera élaboré en concertation avec les TAAF et la Marine nationale.

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