Intervention de Kim Ellis

Réunion du jeudi 6 mai 2021 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Kim Ellis, directeur de l'Australian Antarctic Division (AAD) :

. – Merci beaucoup de me donner l'occasion de prendre la parole et d'évoquer la longue collaboration entre la France et l'Australie ainsi qu'entre l'AAD et l'IPEV.

Au tournant du XIXe et du XXe siècle, l'Australie a entrepris une activité d'exploration très importante en Antarctique, suivie par l'implantation de bases et le développement d'activités de recherche. La stratégie australienne en Antarctique, déclinée dans un plan d'action établi en 2016 pour une période de 20 ans, pose le constat de l'intérêt stratégique de l'Antarctique pour l'Australie et réaffirme qu'il s'agit d'une frontière au sud importante pour notre pays. Il est donc prévu d'augmenter considérablement notre rôle et nos investissements alors même que nous souhaitons renforcer le Traité sur l'Antarctique et son effectivité. Nous voulons également continuer à conduire une recherche scientifique parmi les plus renommées au monde, mais aussi intensifier nos efforts dans la protection de l'environnement de l'Antarctique compte tenu de l'impact direct de toute modification de l'écosystème antarctique sur les activités et la vie en Australie. Il nous faut également développer et protéger nos opportunités économiques à long terme dans l'océan Austral. Cette stratégie nous a conduits à mettre en place un programme de leadership et de modernisation pour renforcer notre rôle au sein du Traité sur l'Antarctique et développer notre recherche scientifique en investissant dans de nouvelles infrastructures et en renforçant la place de Hobart comme l'un des ports majeurs vers l'Antarctique.

Nous maintenons un lien étroit avec le territoire australien antarctique à travers nos bases de Mawson, Casey et Davis ainsi que notre aérodrome à Wilkins. La proximité entre Casey et les bases Dumont d'Urville et Concordia crée un lien fort entre la France et l'Australie en termes de collaborations scientifiques mais aussi en termes de collaborations logistiques. Au‑delà de ces collaborations, l'Australie a été à la tête d'un programme d'inspection très important jusqu'aux recoins les plus reculés de l'Antarctique oriental.

Les engagements financiers de l'Australie sont conséquents, à hauteur de 1,8 milliard d'euros supplémentaires sur vingt ans pour permettre l'entretien de nos installations et infrastructures mais aussi pour conduire de nouvelles missions scientifiques (70 millions d'euros sont prévus) et mener à bien notre projet d'aérodrome à Davis.

C'est du port d'Hobart ‑ où se trouve le siège de l'ADD ‑ que partent toutes nos opérations, qu'il s'agisse des expéditions navales ou aéroportées. Pour l'aérien, nous y opérons un réseau qui part de Hobart pour rejoindre l'aérodrome de Wilkins avec des avions qui peuvent ensuite rejoindre les installations de Casey et Davis mais aussi celles de Mawson. Pour ce qui est des opérations navales, celles‑ci partent de Hobart avant de traverser l'océan Austral pour rallier ensuite nos différentes bases. Dans une année classique, nos opérations commencent en octobre avec le déploiement aéroporté vers l'aérodrome de Wilkins, avant de poursuivre nos expéditions avec nos navires polaires. Sur une campagne annuelle, nous organisons quatre voyages de notre navire de recherche – le Nuyina –, 20 vols d'A319 et 6 vols de C17A pour le fret. Nous déployons environ 500 membres d'expédition vers nos différentes stations de recherche et réalisons une vingtaine de projets de recherche. En termes de logistique, cela représente la livraison de 3 millions de litres de fioul et de plus de 1 500 tonnes de fret. Ce niveau n'a pas pu être atteint en 2020 compte tenu de la pandémie mais nous espérons revenir à ces niveaux dans les années à venir.

Nos programmes de recherche scientifique en Antarctique portent sur trois domaines : la conservation marine, la protection de l'environnement et le climat.

La recherche sur la conservation marine se concentre sur l'océan Austral. Notre objectif est ici de de développer une recherche claire et diversifiée sur la vie sauvage, sur les ressources halieutiques et de cartographier la biologie de l'Antarctique. Nous menons aussi un programme de protection environnementale très robuste qui se décline autour de la conservation de la biodiversité et de l'évaluation des risques écologiques, en particulier liés à l'activité humaine en Antarctique. Il comprend des programmes de remédiation et de restauration environnementale. Enfin, nos recherches sur le climat couvrent la science atmosphérique, l'analyse des glaces et le niveau des mers et des banquises. Dans les années à venir, le carottage sera essentiel pour développer une connaissance du climat et identifier des moyens de résilience et d'adaptation.

Le développement de tous nos projets repose sur notre navire brise‑glace de recherche Nuyina. Actuellement localisé en mer du Nord pour réaliser des tests, nous espérons son arrivée à Hobart en octobre 2021. Ce navire représente un changement d'échelle dans le développement de nos projets scientifiques en Antarctique. Long de 116 mètres, il peut briser des épaisseurs de glace de deux mètres à une vitesse constante de 3 nœuds, ce qui en fait le brise‑glace de recherche et de logistique le plus puissant de l'hémisphère Sud. Il peut accueillir 117 passagers et transporter 1,9 million de tonnes de fioul et 20 000 tonnes de fret pour les besoins des stations. Il sera équipé d'instruments scientifiques particulièrement performants qui permettront de réaliser une recherche ambitieuse.

Nous avons par ailleurs le projet de développer un nouvel aérodrome à Davis. C'est un projet ambitieux puisque nous y envisageons la construction d'une piste en dur à proximité de la station. Cette nouvelle piste nous permettrait un accès permanent à l'Antarctique tout au long de l'année, ce qui facilitera nos opérations. Ainsi, nous pourrons organiser l'évacuation des personnels pendant toute l'année et développer des programmes de recherche supplémentaires. Depuis cette base, il sera aussi possible d'utiliser des drones et des ROV (remotely operated underwater vehicle) pour de nouvelles expéditions. Ce projet de nouvel aérodrome doit faire l'objet d'une approbation officielle en 2022.

Notre plan d'action inclut également de nouveaux moyens terrestres (dameuses, traîneaux). Notre coopération avec l'IPEV nous a permis de développer nos compétences dans la gestion des convois d'expéditions terrestres. Nous espérons pouvoir tester ces nouvelles capacités pour la saison 2021‑2022 avant de les déployer plus largement. Nous sommes en train de développer une route commune avec l'IPEV pour rejoindre le dôme C.

Avant de conclure mon propos, je souhaite insister sur la collaboration de longue date et couronnée de succès qui existe entre la France et l'Australie. Nous devons à nos deux pays la mise en place du Protocole sur la protection environnementale du Traité sur l'Antarctique sous l'impulsion de Michel Rocard et Robert Hawke. Nous devons aussi à nos deux pays la mise en place de la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l'Antarctique. Plus récemment, nous avons travaillé sur le développement de zones marines protégées. À la suite des récentes annonces des Américains visant à soutenir cette initiative, nous espérons pouvoir faire aboutir notre projet en octobre prochain. Nous avons aussi mis en place un accord de soutien mutuel en matière de logistique et, depuis deux ans, nous nous entraidons pour ravitailler Dumont d'Urville et l'île Macquarie. Notre collaboration scientifique a également été renforcée, notamment dans le cadre du projet de carottage d'une glace de plus d'un million d'années. Nous avons par ailleurs accueilli un ingénieur français à Kingston et Hobart pendant six mois pour développer nos compétences en matière de carottage. Enfin, nous avons pu faciliter le transit d'expéditions françaises en toute sécurité depuis Hobart, en dépit de la pandémie. Cette collaboration est basée sur des valeurs partagées sur ce que représente l'Antarctique et sur des valeurs culturelles communes. Nous voulons donc continuer à faire prospérer nos collaborations avec l'IPEV pour lequel j'éprouve un profond respect.

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