Intervention de Thierry Coulhon

Réunion du jeudi 20 mai 2021 à 11h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Thierry Coulhon, président du Hcéres :

. – Pour répondre à la sénatrice Laure Darcos, le Hcéres n'est pas prescripteur mais il se doit de suivre les grandes évolutions de la société et de prêter une attention particulière aux questions qui se posent. Sur la place des femmes, il s'agit de traiter la gestion des ressources humaines avec une plus grande attention et de manière plus concrète. Les futurs référentiels du Hcéres seront adoptés en octobre par le collège auquel appartient la sénatrice Sonia de La Provôté, donc je ne veux pas parler de ce qui n'est pas adopté. Néanmoins, nous avons prévu un point d'étape le 31 mai au cours duquel nous donnerons les grandes orientations. Par exemple, s'agissant des unités de recherche, trois domaines seront utilisés en référence : les produits, ressources et organisation des unités, l'attractivité de l'unité, et la production sortante. La référence 3 du premier domaine dit que « le fonctionnement de l'unité est conforme aux règlementations en matière de gestion des ressources humaines, de sécurité et d'environnement durable » ; l'item A de cette référence stipule que « l'unité témoigne d'une gestion des ressources humaines non discriminatoire en matière de formation, de mobilité interne et d'évolution des carrières de ses personnels ». Le critère concret à évaluer est le bilan social, lequel évoque évidemment la question de la parité. J'ai d'ores et déjà vu dans les rapports des intentions sur cette question. Le référentiel sur les établissements comporte des questions analogues.

Sur la science ouverte, je pourrais citer les items qui explicitement demandent à l'unité de recherche des références à ce sujet. Une position extrême consisterait à dire que nous ne devrions prendre en compte que les publications déposées sur une base de données ouverte. Il s'agirait alors d'une science ouverte « radicale ». L'évolution des communautés et des disciplines n'est cependant pas uniforme, et nous devons avoir une démarche incitative. Nous porterons donc probablement cet objectif de manière plus forte. Une réunion aura lieu prochainement avec l'ensemble des directeurs du Hcéres concernés et les porteurs au sein du ministère du plan national sur la science ouverte. Le Hcéres doit non seulement suivre mais être un peu en avance des grandes évolutions, qu'il s'agisse de parité, de science ouverte ou d'intégrité scientifique.

La simplification est un vaste sujet. Le projet de référentiel des unités de recherche comprend quatre domaines, avec trois fois plus de référents, items et critères. Il existe une tension entre la volonté de tenir compte de l'égalité femmes-hommes, des questions de développement durable et d'autres questions de responsabilité sociétale, et la nécessité de rester simple. Je répondrai au sénateur Stéphane Piednoir de deux manières. Il existe une « simplification macro » liée à la galaxie des agences d'évaluation. Le problème a trait au fait que les chercheurs sont évalués par leur communauté, leurs établissements, l'Agence nationale de la recherche (ANR), les organismes de recherche, les universités, le Hcéres. Une école de management est évaluée par la Commission d'évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG), voire par le Hcéres et à l'international. Il relève de la responsabilité du Hcéres, de la Conférence des présidents d'université (CPU) et de la CEFDG de travailler ensemble, avec le ministère, afin que ce soit plus simple du point de vue des évalués. Ce dossier est prioritaire et a bien avancé car les autres instances d'évaluation ont un état d'esprit extrêmement positif. Sur la question du bachelor, nous allons mener une action coordonnée avec la CPU et le CEFDG dans un cadre commun tenant compte des spécificités de chacun et permettant aux évalués de disposer d'un discours présentant une certaine unité.

Il existe aussi une « simplification micro ». J'aimerais voir le jour où la saisie se fera en ligne et où les données fournies par les établissements seront exploitables et exploitées de manière pratique. Les établissements n'en peuvent plus de nous fournir des données dont ils ont la vague impression que nous ne les exploitons pas. D'une certaine manière, ils ont raison.

Sur la nécessité d'observer l'actualité scientifique, nous avons évidemment un rôle incitatif dans un certain nombre de directions. Nous sommes évaluateurs mais nous devons également être observateurs sur des questions concrètes, raison pour laquelle j'ai évoqué l'idée d'un observatoire de l'enseignement supérieur qui pourrait, à l'échelle nationale, utiliser les données que nous recueillons pour avoir une vision quantitative de la situation. Nous parlions de la réforme des études de santé : si nous voulons faire une allocation des moyens rationnelle, si nous voulons apporter de l'équité entre les territoires, nous devons savoir quelles sont les vraies trajectoires des étudiants, quels sont leurs souhaits. Nous n'avons pas aujourd'hui une vision objective des flux étudiants et je souhaiterais que le Hcéres se donne davantage ce rôle d'observatoire.

Vous avez posé un ensemble de questions sur l'articulation public/privé. Nous avons évidemment des attitudes un peu différentes vis-à-vis des établissements publics et privés mais notre vision consiste d'abord à mettre en œuvre une mission de service public, avec des acteurs de nature différente. S'agissant de la sphère privée, je note que l'ESCP souhaitait être évaluée par le Hcéres, de la même manière que l'EM Lyon. De telles évaluations peuvent être payantes. Dans tous les cas, je suis attaché à regarder l'enseignement supérieur dans sa diversité et dans son unité. Il est donc souhaitable d'évaluer tous les établissements qui remplissent une mission de service public, d'autant que la frontière entre public et privé est moins étanche qu'elle n'a été.

Sommes‑nous bien armés pour évaluer l'innovation et la valorisation de la recherche ? Je pense qu'il n'y a pas de barrière culturelle mais que nous pouvons progresser. La question est présente dans les référentiels et les comités mais il nous faut veiller à regarder les sujets relatifs au transfert technologique.

Vous avez ensuite évoqué le sujet du biomédical et de l'éthique que la recherche doit instaurer. Ces questions nous intéressent et nous essayons de remplir notre mission, sans promettre au-delà de ce que nous pouvons. Nous avons établi un rapport sur l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), autour duquel nous tiendrons dans quelques jours une conférence de presse avec son président-directeur général et la présidente du comité d'évaluation. Le biomédical fait donc partie de notre sphère d'intérêt mais je ne peux pas vous dire que nous allons réguler l'éthique de la recherche car cela ne relève pas de notre mission et nous n'en avons pas les moyens.

Cédric Villani nous a interrogé sur l'euphémisation, sur le fait que nous sommes parfois loin d'un regard franc et lucide, que nous ne voulons pas nous fâcher avec les collègues et que nous voulons dire du bien d'eux. Lorsque nous rédigeons des rapports sur des établissements, nous les synthétisons de manière à avoir un tableau qu'un parlementaire, par exemple, ait le temps de lire. Je vais citer le cas d'un laboratoire que je connais bien, qui s'est amélioré mais qui partait de loin. Le rapport d'évaluation indiquait que ce laboratoire était au meilleur niveau mondial. Or il aurait fallu dire que ce laboratoire avait progressé. Il s'agit d'un changement culturel, d'une hygiène d'emploi des mots. Ces synthèses comportent, pour les trois principaux domaines que sont les sciences humaines et sociales, les sciences de la vie et de la terre, et les sciences et techniques, des focus indiquant ce qui est de niveau mondial, ce qui a un impact national ou local. Il reste du chemin à faire mais ce chemin n'est pas si long. J'ai constaté dans les derniers rapports que nous évoluons en termes d'exigence. Quand il est question d'euphémisation ou de caractère discriminant, tout le monde pense à la recherche. Or c'est le domaine où ce problème est le moins important. N'oublions pas les établissements et les formations : le département des formations entreprend des efforts considérables, celui des établissements aussi.

Le processus d'évaluation comprend le rapport d'auto-évaluation, la nomination d'un comité qui travaille à la fois sur des documents et sur des visites – nous voulons justement faire évoluer les visites car en termes de développement durable, il n'est peut-être pas nécessaire d'envoyer plusieurs experts passer deux jours à discuter avec des collègues. Nous disposons d'un cadre assez solide qu'il faut faire vivre en rappelant une éthique minimale.

S'agissant de l'OFIS, nous n'allons pas en changer la philosophie. Il s'agit simplement de faire concrètement notre travail. Le CoFIS voyait clair en lançant des groupes de travail, mais il n'avait pas les moyens de les suivre. Ce n'est pas le conseil d'orientation qui suit les groupes de travail, qui va sur le terrain, etc. Le mot magique derrière l'OFIS, ce sont les moyens. Il était évidemment difficile de fonctionner avec un CoFIS incomplet et un OFIS sans directrice, mais Stéphanie Ruphy aura des moyens et elle sera soutenue par le Hcéres. En retour, elle aura une influence sur la manière dont nous écrivons nos référentiels et dont les départements d'évaluation fonctionnent.

Nous nous racontions que le Hcéres était une autorité administrative indépendante alors que ce n'était pas réellement le cas. Nous allons désormais rapidement devenir autorité publique indépendante, mais encore faut-il la mettre en place. S'agissant de l'OFIS, mon obsession tient au fait qu'il fonctionne et qu'il ait une action concrète, et je crois que nous sommes en train de nous en donner les moyens. Le statut institutionnel suivra, et c'est vous qui en déciderez, mais dans l'intervalle, deux questions subsistent. Tout d'abord, le Hcéres va-t-il empêcher l'OFIS de s'exprimer et peser sur ses jugements ? En fait, la question ne se pose pas en ces termes : l'OFIS doit pouvoir communiquer d'une manière qui lui est propre, tout en rappelant qu'il s'inscrit dans une maison plus large qui amène les uns et les autres à avoir une éthique minimale. Une question plus profonde se pose : le Hcéres devant évaluer, n'existe-t-il pas une sorte de conflit d'intérêt entre les deux instances ? En effet derrière l'idée d'évaluation se trouve nécessairement l'idée de la bibliométrie et de la performance. Or la bibliométrie et la performance poussent au vice, donc l'évaluation pousse au vice et l'institution qui pousse au vice ne saurait héberger celle qui pousse à la vertu. Cette vision est en réalité très manichéenne et j'espère vous avoir convaincu en actes que ce n'est pas l'évaluation de la recherche qui pousse au vice en matière d'intégrité scientifique. Les mécanismes en sont bien différents, et nous ne sommes pas favorables à la bibliométrie intensive et extensive car nous sommes une agence d'évaluation par les pairs. L'intégrité scientifique est plus une exigence qui nous guide qu'une contrainte qui nous gêne. Il est vrai que l'on pourrait imaginer une autre configuration institutionnelle, mais la première étape consiste à faire fonctionner l'OFIS. Tout sera possible ensuite.

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