Intervention de Yazdan Yazdanpanah

Réunion du jeudi 3 juin 2021 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Yazdan Yazdanpanah, chef de service des maladies infectieuses de l'hôpital Bichat, directeur de l'ANRS‑MIE et membre du Conseil scientifique Covid-19 auprès du gouvernement :

. ‑ Nous allons vous présenter le travail que nous avons chacun réalisé depuis le début de la pandémie. En ce qui me concerne, je vais plutôt présenter l'organisation de la recherche, en découpant mon propos en trois temps : ce qui s'est passé du début de l'épidémie jusqu'à la première vague, puis ce qui s'est passé jusqu'à la création de l'agence ANRS‑MIE, enfin ce qui a suivi et l'avenir.

En France, avant le début de l'épidémie, l'INSERM avait mis en place le consortium REACTing dans le but de coordonner la recherche en temps d'épidémie. Dès les premiers cas de Covid-19 en Chine puis en France, le 24 janvier 2020, le consortium a engagé une réflexion portant sur la mise en place des essais cliniques à l'hôpital et en ville, en thérapeutique et en prophylaxie. Les essais cliniques conduits à l'hôpital ont mené à l'étude Discovery qui sera présentée par Florence Ader. L'idée était de mettre en place, dès le départ, une action sur le plan européen. Quant aux essais cliniques réalisés en médecine de ville, ils ont donné l'étude Coverage qui sera présentée par le Dr Anglaret.

Dès la première vague épidémique, nous avons mis en oeuvre un certain nombre d'actions. Nous nous sommes tout d'abord efforcés de mettre en place des essais cliniques à l'échelle nationale, voire européenne. En outre, alors qu'en règle générale, la recherche sur les traitements ne débute pas immédiatement sur l'homme, un grand nombre d'études ont été menées directement à ce niveau car concernant des traitements susceptibles d'être repositionnés. Normalement, il est très important d'évaluer les traitements in vitro et in vivo, sur des modèles animaux. Nous avons donc mis en place un modèle animal afin de procéder à cette évaluation. Cette démarche a d'abord été conduite au sein de l'équipe de Roger Legrand au CEA.

REACTing, qui ne comptait que quelques personnes à l'époque, n'était pas une agence de financement. Dans ces conditions, nous avons cherché à sensibiliser le ministère de la Recherche et celui de la Santé à l'importance de créer rapidement des financements autour de projets de recherche et d'essais cliniques.

Enfin, l'aspect réglementaire est un problème récurrent dans le domaine de la recherche clinique en période d'urgence. Ainsi, nous avons cherché à obtenir rapidement les autorisations nécessaires pour mener à bien nos essais.

REACTing étant, comme je l'ai dit, une petite structure qui n'avait pas vocation à fournir des financements, elle n'a pas été en mesure de coordonner les divers travaux de recherche. De ce fait, de très nombreux projets de recherche clinique ont été lancés dès le mois de mars 2020, sans priorisation des traitements ou des méthodologies, sans coordination ou coopération entre les équipes concernées.

Au‑delà de ce premier problème, de grandes lacunes sur le plan de la recherche préclinique ont été identifiées. Aucun groupe de recherche n'a réalisé d'essai préalable sur des modèles animaux avant de tester les traitements chez l'homme. Ce changement par rapport aux protocoles habituels a probablement entraîné une grande perte de temps en étudiant des traitements qui n'auraient peut-être pas dû être évalués. Il ne s'agit cependant pas d'un problème propre à la France, mais international.

Après la première vague, une réflexion a été lancée pour tenter de résoudre ces difficultés, notamment quant à la coordination de la recherche clinique. REACTing a cherché à mettre en place des groupes de priorisation et d'évaluation des traitements. Il a constitué des groupes de travail sur l'évaluation des anticorps monoclonaux et sur la recherche préclinique. De leur côté, afin d'améliorer la coordination et les modalités de financement, les ministères chargés de la recherche et de la santé ont mis en place CAPNET (Comité ad hoc de pilotage national des essais thérapeutiques et autres recherches sur le Covid‑19). Dans ce cadre, REACTing (puis l'ANRS‑MIE) devait évaluer les projets, puis la décision de financement était prise par les deux ministères. REACTing a ainsi évalué 129 projets de recherche clinique à partir du mois d'octobre 2020, dont certains étaient déjà financés. Sur cet échantillon, 38 ont reçu un avis favorable de REACTing. Cette deuxième phase a, certes, connu un certain nombre de succès mais certaines difficultés ont persisté, notamment d'un point de vue financier et réglementaire.

Afin de préparer l'avenir, il faut avoir conscience que la mise en place d'une recherche thérapeutique en période d'urgence nécessite une préparation. Or certains domaines tels que la recherche thérapeutique fondamentale présentaient d'importantes lacunes. Il convient désormais d'entamer un travail de fond afin d'y remédier. La France dispose de l'expertise nécessaire en la matière et a montré qu'elle avait les bonnes idées dès le début. Cependant, la recherche est confrontée à des difficultés de financement ainsi qu'à des problèmes réglementaires et structurels. Une plus grande prise de risque s'avère sans doute nécessaire.Ce sont toutes ces raisons qui ont conduit à la création d'une nouvelle agence traitant des maladies infectieuses émergentes sous tous leurs aspects et faisant de l'innovation et de la recherche thérapeutique un axe fort. Les financements et la structuration de cette agence sont en cours de mise en place.

Enfin, cette crise a permis d'identifier les points d'amélioration prioritaires : la continuité de la recherche, l'articulation entre la recherche et l'innovation et la problématique du financement de la recherche.

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