Intervention de Xavier Anglaret

Réunion du jeudi 3 juin 2021 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Xavier Anglaret, médecin interniste, coordinateur de l'essai clinique Coverage, membre du groupe de travail de l'ANRS‑MIE sur la recherche clinique en ville :

. ‑ Je suis directeur de recherche à l'INSERM où je dirige une équipe qui conduit des travaux de recherche clinique sur les maladies infectieuses. Depuis août 2020, je suis également co-coordinateur du groupe de travail sur la recherche ambulatoire, créé par REACTing. Enfin, je suis co-investigateur principal de l'essai Coverage précédemment évoqué.

La recherche ambulatoire pendant la pandémie de Covid-19 présente un bilan contrasté.

Trois points forts peuvent être soulignés. Tout d'abord, en France, lors de la première vague épidémique, 8 ou 9 équipes ont proposé un essai thérapeutique ambulatoire. Ce nombre est considérable car il ne s'agissait pas d'une priorité reconnue par les acteurs à l'époque. Cela signifie qu'un certain nombre d'équipes cliniques se sont posé les bonnes questions dès le départ et ont conçu des protocoles dans un temps record. La première vague épidémique s'est caractérisée par un enthousiasme fort chez tous les acteurs. Cependant, la première phase étant passée très vite, la plupart de ces essais n'avaient pratiquement pas débuté à son issue. Il faut tout de même retenir cet évènement comme un point positif.

À partir du mois de juillet 2020, les mêmes acteurs, sous l'impulsion de REACTing, se sont réunis dans le groupe de travail national que j'ai coordonné. Celui-ci a tenu très régulièrement des réunions auxquelles ont participé des instigateurs des essais des agences réglementaires (ANSM, DGS, cellule interministérielle de recherche, etc.), avec un grand dynamisme qui ne s'est pas atténué depuis. Le groupe a proposé dès le mois d'août 2020 de fusionner les 8 essais lancés au cours de la première vague pour les transformer en un seul essai de plateforme nationale afin de permettre une optimisation des travaux.

Parmi les points forts, il convient également d'évoquer la forte participation à ce processus du Collège national des généralistes enseignants, qui a apporté sa vision stratégique et a permis de mobiliser les acteurs sur la recherche ambulatoire qui était le parent pauvre de la recherche avant l'épidémie.

Ces points forts ont abouti à l'essai plateforme national Coverage. Celui-ci, avec quelques autres, étudie à ce jour quatre traitements ; il a permis de faire émerger une grande expertise sur les essais ambulatoires, qui présentent certaines spécificités. Un grand nombre d'éléments nouveaux ont ainsi été découverts, qui mériteront d'être valorisés à l'avenir.

Coverage a permis de mettre en place des essais que l'on pourrait qualifier de « pilotes », incluant seulement 500 patients. Cependant, ceux-ci sont insuffisants pour statuer sur l'efficacité des traitements. En effet, pour mener à bien l'ensemble des tests jusqu'au terme de la phase d'évaluation de d'efficacité, il aurait fallu inclure 1 500 personnes pour chaque traitement. De ce point de vue, on ne peut parler de succès.

Les points faibles sont aussi importants, sinon davantage que les points forts déjà évoqués. Il existe trois raisons pour lesquelles il n'a pas été possible d'avancer au-delà de la phase pilote : les ressources humaines, les aspects réglementaires et la question budgétaire.

Le directeur de recherche que je suis partira bientôt à la retraite. Si je suis très satisfait des moyens mis à ma disposition au cours de ma carrière, je suis très inquiet pour mes successeurs dont le statut reste précaire et dont les carrières ne sont pas stabilisées. Les équipes existent, mais elles ne sont pas suffisamment solides sur le plan des personnels essentiels. En effet, elles ne disposent pas de manière pérenne des moyens humains pour monter en puissance face à une urgence comme celle que nous avons connue.

Le deuxième obstacle que j'identifie est réglementaire. Nous nous heurtons en France à un certain nombre de freins administratifs, même si je ne cherche nullement à mettre en cause les interlocuteurs concernés. Par exemple, au mois de février 2021, nous avions décidé d'ouvrir trois sites supplémentaires en France. Les personnels de recherche se sont alors mobilisés et ont été formés. Mais, à ce jour, les contrats d'ouverture de ces sites ne sont toujours pas signés.

De même, pour porter le nombre de patients inclus dans les essais de 500 à 1 500, il aurait fallu mettre en place une plateforme d'appel national permettant de s'adresser directement aux personnes positives à la Covid‑19 et de les informer sur les essais en cours. Ce dispositif a été demandé, mais pour des raisons complexes, il n'a pas pu être mis en place. En revanche, nos homologues anglais ont pu déployer un dispositif similaire, ce qui leur a permis d'inclure un plus grand nombre de patients dans les essais cliniques.

Enfin, le troisième obstacle est budgétaire. En effet, le coût d'un essai ambulatoire est différent de celui d'un essai hospitalier et n'est pas correctement évalué. De tels essais nécessitent notamment la mise en place d'équipes mobiles, ce qui représente un coût élevé. Malheureusement, le budget promis de 5 millions d'euros ne nous aurait pas permis de réaliser correctement les essais qui doivent inclure au minimum 1 500 patients. Nous manquons d'un espace pour discuter de ces sujets et mener une réflexion sur la mise en place du modèle économique qui doit s'appliquer dans ce cadre.

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