Intervention de Samira Guennif

Réunion du jeudi 17 juin 2021 à 10h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Samira Guennif, maître de conférences à l'Université Paris 13 :

. ‑ Il est toujours un peu délicat de présenter des arguments en sept minutes. Je fais bien la distinction entre biosimilaire et générique. J'utilise ce dernier terme par commodité de langage.

Je n'ai jamais dit que seuls des fonds publics comptaient. Aujourd'hui, la situation pandémique autour du Covid-19 montre que les fonds publics ont joué un rôle considérable dans l'arrivée des vaccins sur le marché. Les États-Unis ont injecté une dizaine de milliards de dollars dans la recherche et développement, ce qui explique sans doute pourquoi ils ont été en capacité de porter des produits jusqu'au marché. Je ne dis pas qu'il n'existe que des fonds publics. Je dis simplement que, pendant cette période, des efforts publics importants ont été menés pour le développement de vaccins.

Concernant la recherche et développement, là aussi, il est très difficile de montrer en sept minutes le résultat d'études empiriques, qui témoignent de la phase critique dans laquelle se trouve le secteur de la pharmacie. Certaines études établissent que 12 % environ des nouvelles molécules qui arrivent sur le marché ne sont pas, en réalité, des médicaments innovants. Les rapports publics américains posent la question : le contrat passé entre l'industrie et la société est‑il rempli ? Je suis désolée de confirmer mes dires : l'industrie consiste de plus en plus à exploiter et non à explorer. Il faudra sans doute s'interroger sur l'articulation entre acteurs publics et acteurs privés et le rôle des fonds publics pour réorienter la recherche et la commercialisation de molécules vers des terrains où les besoins sanitaires sont importants, et pas simplement vers des marchés lucratifs portant sur des maladies chroniques. Je vous renvoie à toute la littérature qui porte sur le fait que le brevet peut orienter la recherche dans le secteur pharmaceutique du mauvais côté.

Enfin, la discussion d'aujourd'hui n'est pas simplement sanitaire. Le brevet est au cœur d'enjeux sur la compétitivité des États, ce qui ne fait qu'alimenter l'idée que c'est un outil essentiel pour maintenir l'écart technologique avec les pays du Sud. Aujourd'hui, l'industrie pharmaceutique est principalement située dans les pays du Nord, de même que les multinationales, qui entendent maintenir l'écart technologique avec le Sud. L'un des outils pour cela est le brevet. Durant ma présentation, j'évoquais simplement, au moment où nous discutons, la possibilité d'augmenter la production en impliquant les acteurs du Sud, en l'occurrence les entreprises indiennes, sud-africaines, etc.

Depuis la ratification de l'accord sur les ADPIC où il était justement question de montrer que le brevet serait un élément positif pour les pays du Sud, une industrie pharmaceutique solide n'a pas émergé dans ces pays. Le brevet permet-il des transferts technologiques vers les pays du Sud, autorisant donc ces pays à avoir la main sur des capacités scientifiques, techniques et industrielles, pour qu'ils puissent augmenter leur autosuffisance sanitaire ? Très peu de pays du Sud sont en réalité à la tête d'une industrie pharmaceutique. Ne parlons même pas des biosimilaires. Pour l'instant, ce n'est pas le cas.

Concernant les propos sur les sous-standards, j'entends les soupçons : si les pays du Sud se mettent à produire des biosimilaires, il faut donc s'inquiéter de la qualité. Je suis étonnée de la récurrence de cet argument. C'est ce qui a été opposé à l'industrie indienne quand elle a commencé à produire des antirétroviraux. À nouveau, je vois émerger cet argument, alors qu'il existe des organisations internationales, notamment l'OMS, en capacité aujourd'hui de jouer un rôle important pour garantir la qualité des infrastructures des unités de production et la qualité des produits qui pourraient arriver sur le marché.

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