Je vous souhaite la bienvenue à cette nouvelle réunion de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Notre ordre du jour prévoit en premier lieu une audition qui me réjouit particulièrement en ma qualité de membre de l'Académie des sciences, puisqu'elle va nous permettre d'entendre les auteurs du rapport publié en avril dernier par l'Académie des technologies, sous le titre COVID-19 : Modélisations et données pour la gestion de crises sanitaires.
C'est un sujet qui n'est pas étranger à l'Office : au printemps dernier, j'avais présenté devant lui une note introduisant les principaux concepts, les apports et limites de la modélisation des épidémies. J'ai été très impressionné, à la fois comme scientifique et comme homme politique, de voir à quel point certains concepts essentiels d'épidémiologie ont été intégrés dans le débat public, des notions telles que le coefficient de reproduction s'invitant dans les discours, tant de la Chancelière allemande que du Premier ministre français. C'est la première fois que, dans ma carrière de mathématicien, je vois un paramètre d'un modèle mathématique prendre place dans des discours politiques du plus haut niveau et être présenté comme un enjeu de salut du public, si je puis dire.
J'espère que cela a contribué à redorer le blason des scientifiques dans la crise, dans un contexte où les débats et les discours contradictoires, souvent mis en scène, n'ont pas toujours été bien compris ni par la sphère journalistique ni par les citoyens.
Bien évidemment, le rapport de l'Académie des technologies va beaucoup plus loin que la note qui avait été présentée à l'OPECST. Il se veut un retour d'expérience pragmatique sur la gestion de crise en France, en Europe et dans le monde, avec des clés pour évaluer les stratégies mises en place ici et là et les enseignements à en tirer ; j'imagine que vous nous parlerez de la plateforme Crisis Model Hub.
Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui trois représentants du groupe de travail constitué par l'Académie des technologies pour rédiger le rapport dont j'ai parlé en ouvrant la séance. À titre personnel, j'ai eu l'occasion de côtoyer à bien des reprises dans diverses instances Gérard Roucairol, qui a été président de l'Académie des technologies, membre du Conseil scientifique de l'Office ainsi que directeur scientifique de la recherche du groupe Bull pendant 24 ans, de 1984 à 2008. Il a aussi été président de l'association Teratec, à l'origine de la première technopole en Europe consacrée à la conception et à la simulation numérique à très haute performance, ainsi que d'un salon que j'ai eu le plaisir de fréquenter à plusieurs reprises.
Aux côtés de Gérard Roucairol, interviendra Albert Benveniste, directeur de recherche à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), spécialiste de la modélisation des systèmes physiques. L'une de ses dernières publications s'intitule Fondements mathématiques des langages de modélisation des systèmes physiques, avec beaucoup de mots-clés qui me parlent. Albert Benveniste et moi-même nous sommes retrouvés à plusieurs reprises dans divers conseils scientifiques, notamment celui d'Orange.
Nous accueillons aussi Laurent Gouzènes qui a plus de trois décennies d'expérience professionnelle dans le monde de l'innovation et de la recherche. Il fut directeur technique et scientifique de plusieurs entreprises, notamment pendant 18 ans au sein de la pépite STMicroelectronics où il fut chargé du développement des concepts de pôles de compétitivité et de la mise en œuvre de grands programmes comme le montage des projets de l'usine de Crolles 2 et Rousset 2000. Il a aussi été président du comité de financement de l'innovation du Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Nous avons eu l'occasion de nous croiser, en particulier dans le cadre du MEDEF, et de discuter sur des questions telles que : « comment la science et le monde de l'entreprise peuvent-ils avancer de concert sur les questions d'innovation ? » Depuis plus de six ans, Laurent Gouzènes est associé de la société de conseil KM2 qui met au point des méthodes et outils de productivité pour la gestion de connaissances et de processus. Lui aussi a été membre du conseil scientifique de l'Office voici une quinzaine d'années.