Intervention de Sonia de La Provôté

Réunion du jeudi 1er juillet 2021 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Sonia de La Provôté, sénatrice, vice-présidente de l'Office :

Quelle est la place de l'épidémiologie dite « classique » par rapport à ces évolutions et ces bonds en avant causés par l'intelligence artificielle et la mise en œuvre des nouveaux outils que vous avez décrits ? Avons-nous toujours besoin de nous adosser à l'épidémiologie classique en organisant ponctuellement des suivis de cohorte avec des équipes de chercheurs ad hoc ? La mise en place d'une sorte de surveillance – j'hésite à utiliser le mot car des questions éthiques se posent –, disons plutôt d'une veille pour le fonctionnement d'une éventuelle task force peut-elle nécessiter d'organiser des recherches ad hoc sur des sujets particuliers ou sur des cohortes particulières qui auraient été identifiées ? Vous avez montré clairement que les données concernées sont suffisamment vastes pour faire apparaître des concordances, des corrélations d'évènements, mais il reste néanmoins nécessaire de disposer d'outils de vérification pour établir des faits, notamment en matière de causalité mais aussi au regard des mesures politiques à mettre en œuvre pour la santé publique.

En effet, entre ce qui est identifié et ce que l'on met en œuvre de façon pragmatique s'intercalent notamment les comportements individuels, la part d'irrationnel et les biais que vous avez évoqués. Quelle est la méthode qui permettrait d'éviter de se fourvoyer, de mal interpréter les événements, d'être abusé car les algorithmes ont mis en évidence des évènements qui ne sont pas ceux initialement exprimés mais des événements intercurrents qui sont en fait le véritable évènement ?

Ma deuxième question porte sur le suivi de crise et sur les conséquences que l'on peut en tirer dans la mise en place de protocoles sanitaires. En matière de gestion de crise, les plans blancs et les plans rouges, au moment où le risque de terrorisme biologique a été identifié, ont été mis en place voici quelques années. Ces plans restent extrêmement locaux, alors que les protocoles de crise dont nous parlons interviennent à une échelle populationnelle bien plus massive mais ne débouchent pas toujours sur des choses très opérationnelles sur le terrain. Les plans blancs et rouges ont-ils toujours leur place dans le système ? Sont-ils toujours utiles ou faut-il repenser complètement l'organisation de la prise en charge sanitaire en cas de crise ?

Par ailleurs, quelles conséquences faut-il tirer des éléments que vous avez exposés pour la gestion quotidienne du système de santé, notamment l'organisation hospitalière et les liens avec la médecine de ville ? Comme le disait Florence Lassarade, les plans de déplacement sanitaire du quotidien ne sont toujours pas structurés à l'échelle des agences régionales de santé (ARS) ou, en tout cas, très imparfaitement. Le nouvel outil de politique sanitaire que vous appelez à mettre en place pourrait-il faire franchir un bond d'efficacité et de pragmatisme sur le terrain ? Nous courons après depuis pas mal de temps maintenant et nous courons encore plus après depuis que la crise a mis en lumière une désorganisation criante sur le terrain.

Enfin, ma dernière question concerne la sécurité des données. Il s'agit de données individuelles ; nous brassons de la donnée qui n'est pas individuelle mais qui parle de l'individu quand même et des questions éthiques se posent donc vraiment. Vous avez peu évoqué ce sujet alors qu'en France, il est très sensible et que, par exemple, le Health data hub suscite de nombreuses questions non tranchées quant à la maîtrise de l'individu sur ses données. Avons-nous le droit de suivre de façon massive des données produites par les uns et les autres sans nous demander si cela peut nuire potentiellement à l'individu concerné ?

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