Une question a été posée sur l'avenir du nucléaire. L'IRSN n'est pas chargé de définir les politiques énergétiques, et ceci est très sain. Notre responsabilité, voulue par le Parlement et le Gouvernement, consiste à faire en sorte que si le nucléaire est utilisé, il doit être très sûr. Le travail de l'IRSN est précisément d'évaluer sur les plans scientifique et technique la capacité des projets et des industriels à atteindre l'objectif d'un très haut niveau de sûreté, de protection contre les rayonnements ionisants et de sécurité.
Sur le parc existant, c'est le travail fait au travers des exercices de réexamen déjà évoqués à plusieurs reprises pour les réacteurs de 900 mégawatts et pour ceux de 1 300 mégawatts, sur lesquels nous allons commencer à travailler. Les réacteurs de 1 300 mégawatts ressemblent à ceux de 900 mégawatts mais avec quelques différences, notamment au niveau de l'enceinte de confinement. L'IRSN a d'ores et déjà engagé des travaux sur ce point, notamment des travaux de recherche.
Les SMR sont des réacteurs qui attirent beaucoup l'attention au niveau international puisqu'il en existe plus de 50 concepts dans le monde. Certains sont déjà construits d'ailleurs : la plateforme flottante des Russes porte un SMR.
Il existe différents types de SMR, à eau pressurisée, à sodium, etc. Je parlerai ici des SMR à eau pressurisée, les plus proches des réacteurs français actuels. Dans ce domaine, small is beautiful, c'est-à-dire que j'ai un a priori positif, du fait que ces réacteurs sont de faible puissance et présentent des caractéristiques favorables vis-à-vis de la gestion d'un accident nucléaire. En effet, en cas de création de corium, le rapport entre la surface (grandeur qui dimensionne la capacité d'évacuation de la puissance résiduelle) et le volume (grandeur qui dimensionne la génération de la puissance résiduelle qu'il faut évacuer) est plus favorable que sur des réacteurs de forte puissance.
Les promoteurs de ce type de réacteurs – le NuScale américain ou le Nuward français – mettent beaucoup en avant l'utilisation de systèmes passifs pour assurer la sûreté de ces réacteurs. L'idée est de dire qu'aucune intervention humaine n'est nécessaire pendant plusieurs jours. De tels systèmes existent déjà dans les réacteurs actuels. Par exemple, pour arrêter un réacteur en situation d'urgence, des barres de contrôle tombent et la chute se fait par l'ouverture d'un électroaimant. C'est passif, c'est gravitaire. Il existe aussi un certain nombre de réservoirs sous pression, qui en cas d'accident, déversent de l'eau dans le circuit primaire du simple fait de l'écart de pression entre le réservoir et le circuit primaire. Les recombinants à hydrogène, qui sont des systèmes catalytiques, sont aussi des systèmes passifs.
Les industriels qui promeuvent les SMR veulent accroître l'utilisation de ces dispositifs. L'IRSN considère qu'il est nécessaire d'affiner les connaissances, tout simplement pour vérifier que les phénomènes naturels qui sont censés se produire en fonctionnement normal mais surtout en fonctionnement accidentel, sont bien ceux qui se produiront, que l'on a suffisamment de connaissances pour maîtriser ces phénomènes passifs et être sûrs que le réacteur fonctionnera comme prévu.
Dans ce domaine, l'IRSN travaille sur un projet de recherche dans le cadre du plan de relance. Il consiste à créer une plateforme expérimentale pour étudier des phénomènes thermohydrauliques dans des tuyauteries et dans une piscine. En effet, l'enceinte de confinement des SMR sera métallique, le tout étant immergé dans une piscine pour assurer le refroidissement. Nous voulons vérifier que les phénomènes thermohydrauliques annoncés comme permettant la maîtrise des situations accidentelles sont effectifs. Deux projets sont en cours de discussion, dont un de 9 millions d'euros pour lequel je suis plutôt optimiste. Je pense qu'il aura un certain succès international parce que l'IRSN n'est pas le seul à se poser cette question.
Astrid est un réacteur de génération IV, de la catégorie des réacteurs au sodium qui ont des caractéristiques favorables, notamment une grande inertie thermique et une pression de fonctionnement inférieure à celle des réacteurs à eau pressurisée. Ils ont des inconvénients, dont l'utilisation du sodium qui réagit avec l'eau ou l'air de manière éventuellement violente. Un autre sujet, plus fondamental, est le fait que ce sont des réacteurs dont le suivi en service est beaucoup plus compliqué parce qu'il faut les vidanger. Cette difficulté avait été identifiée à l'époque.
L'IRSN a peu travaillé sur ce sujet puisqu'Astrid a été arrêté. L'un de nos commentaires était qu'un prototype de ce type doit évidemment répondre aux besoins de l'industriel mais aussi aux enjeux de sûreté. L'idée était que ce réacteur soit instrumenté et préparé pour permettre aussi un travail sur les questions de sûreté.
Monsieur Sido a posé une question sur le réchauffement climatique. L'IRSN est tout à fait concerné par ce sujet. Dans le cadre des réexamens de sûreté, l'impact des agressions externes, notamment les inondations ou les canicules, est révisé régulièrement et les industriels doivent intégrer ces évolutions dans la durée.
L'IRSN dispose d'un comité d'orientation des recherches (COR) pour l'éclairer sur les recherches à conduire. Ce comité rassemble des associations, des industriels, des élus, des représentants de l'administration, des experts techniques. Nous avons conduit l'année dernière un travail pour identifier les sujets qu'il fallait approfondir par la recherche en lien avec la sûreté nucléaire et la radioprotection, etc. Le réchauffement climatique en fait partie. Actuellement un groupe de travail du COR réfléchit aux pistes qu'il faudrait explorer pour mieux intégrer les préoccupations liées au réchauffement et au dérèglement climatiques dans nos analyses de sûreté nucléaire et de radioprotection.
Quel rôle joue l'IRSN en matière d'acceptation du nucléaire ? L'IRSN n'est pas là pour dire qu'« il faut » ou qu'« il ne faut pas ». Notre mission est d'assurer que la sûreté est à un bon niveau. Par contre, nous avons clairement un rôle à jouer pour la mise sur la table des enjeux techniques et leur discussion. Par exemple, voici quelques semaines, une rencontre a eu lieu entre les CLI, qui sont des partenaires privilégiés, l'ASN et EDF sur le sujet de la tenue des cuves, qui est soulevé très fréquemment par la société civile, par les CLI. Mettre sur la table des enjeux techniques, expliquer pour quelles raisons l'IRSN répond de la manière dont il répond, c'est typiquement une contribution de l'IRSN au débat.
J'ai expliqué ce que nous pensions de la prolongation de l'étude jusqu'à 50 ans.
Cela renvoie d'ailleurs à la question posée par monsieur Villani sur l'interaction de l'IRSN avec la société civile. Cette interaction vise à permettre aux gens de se faire une opinion éclairée techniquement et scientifiquement, puisqu'il s'agit d'un risque technique et scientifique. L'IRSN doit multiplier les occasions de présenter ses résultats techniques et de répondre aux interrogations qui lui sont adressées. Depuis quelques temps d'ailleurs, en lien avec l'ASN, nous intégrons dans nos avis des réponses à des questions qui peuvent nous être posées par la société civile. Ainsi, nous avons publié récemment un avis sur la densification des piscines de La Hague et nous en avons fait une version commentée, comme nous le faisons régulièrement, pour aider les lecteurs à décrypter cet avis. Nous décryptons donc l'avis adressé à l'ASN, dans lequel avaient été explicitement intégrées des réponses à des questions que posaient des CLI.