Intervention de Jean-Christophe Niel

Réunion du jeudi 1er juillet 2021 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jean-Christophe Niel, directeur général de l'IRSN :

Cela peut être des questions sur la présence de tritium dans une nappe phréatique. Après la publication de l'avis commenté sur la densification des piscines de La Hague, nous avons reçu un questionnement, un très bon questionnement d'ailleurs, sur les combustibles entreposés dans ce qu'Orano appelle des paniers et sur l'un des risques dont il faut se prémunir, l'accident de criticité qui pourrait se produire si la réaction nucléaire s'emballe. Les parois des paniers sont constituées de matériaux neutrophages. L'IRSN a été interrogé sur le vieillissement des paniers et des matériaux neutrophages. En particulier, si un panier bascule, il ne faut pas que le matériau neutrophage se casse.

Les questions sont en général très techniques, mais certaines sont liées à la politique énergétique. Nous répondons évidemment que, même si la question est légitime, elle ne concerne pas l'IRSN, qui n'est pas le bon interlocuteur.

Je verrais d'un bon œil que l'IRSN puisse réaliser des interventions pour les CLI. Cela renvoie à la question du process et des moyens que nous pouvons y consacrer. Les textes prévoient que des organismes comme l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) ont la capacité de répondre à des questions de parties prenantes. J'y suis favorable sur le principe mais cela resterait à organiser.

Une question a été posée sur le radon. C'est un gaz radioactif issu du sous-sol, en général lié à la présence d'uranium, qui se propage par les fissures du sous-sol. Il a deux caractéristiques dont l'une est défavorable : il est radioactif et, parmi ses descendants se trouve le polonium. Si du radon est respiré, du polonium se dépose dans l'organisme, ce qui n'est évidemment pas favorable. En revanche, la durée de vie du radon est courte, de l'ordre de 2,4 jours. Cela signifie que, s'il est piégé quelque temps, il disparaît.

Le sujet « radon » se pose dans beaucoup de pays car ce gaz est reconnu comme cancérogène. L'IRSN reçoit régulièrement des questions en santé environnement, notamment sur les enfants. Aujourd'hui, d'après les études, le radon n'intervient pas dans d'autres pathologies que le cancer du poumon. L'Institut national du cancer (INCa) a rendu publique en 2018 une étude sur les cancers environnementaux, c'est-à-dire sur les cancers liés non à la génétique mais à l'environnement au sens large, l'alcool, le manque d'exercice, les lésions radio-induites, etc. L'étude s'intéressait évidemment aux rayonnements ionisants.

C'est le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) qui a mené l'étude pour l'INCa. Il a conclu qu'environ 140 000 des 300 000 cancers annuels sont attribuables à l'environnement, dont 6 000 cancers pourraient être attribuables aux rayonnements ionisants, dont une bonne moitié serait liée au radon. Cette étude est publique. Les résultats proviennent de calculs : l'on sait bien que les pathologies sont rarement rattachables au stresseur d'origine, à quelques exceptions près. Les calculs montrent donc que 3 000 à 4 000 personnes chaque année ont un cancer lié au radon. C'est un sujet de santé publique.

Pourquoi prendre des actions au niveau local ? L'intérêt est de rendre les gens acteurs de la gestion du risque. Il se trouve que, pour le radon, le problème n'est pas si compliqué. Il faut d'abord l'identifier. La première question est donc : comment détecter la présence du radon ? Il s'agit de faire une mesure. Ensuite, dans la plupart des cas, la remédiation est assez simple : elle consiste à étanchéifier le sol, puisque le radon arrive par les fissures du sous-sol, et à créer une aération.

L'IRSN a fait une expérience dans le centre de la France voici deux ou trois ans. En lien avec les élus locaux, nous avons proposé aux habitants d'une communauté de communes de venir chercher gratuitement des détecteurs de radon et de les installer chez eux. Nous leur avons expliqué comment il fallait faire car la mesure du radon n'est pas très simple et il faut suivre un protocole. Dans cette zone ayant un important potentiel radon, 800 foyers sont venus chercher les détecteurs et les ont déployés. Trois grandes catégories sont alors apparues : à certains endroits, le niveau de radon était inférieur au seuil de référence qui est de 300 becquerels par mètre cube ; dans la deuxième catégorie qui était numériquement la plus importante, le niveau de radon se situait entre 300 et 1 000 becquerels par mètre cube ; la dernière catégorie concernait des endroits où le niveau de radon était encore plus élevé. Dans une deuxième étape, en lien avec les administrations, les élus locaux, la Fédération française du bâtiment (FFB) et des lycées techniques, l'IRSN a agi comme animateur pour proposer des méthodes simples pour remédier à ce problème. Certains foyers l'ont fait, d'autres ont souhaité arrêter l'expérience, tout se déroulant sur la base du volontariat. Le résultat a été plutôt bon ; pour ceux qui acceptaient d'entrer dans la démarche, des mesures de radiations ont été faites et quelques cas ont été suivis de plus près parce que les concentrations en radon étaient très importantes.

Une telle démarche a vertu d'exemple. L'IRSN ne fera pas cela dans toutes les communes de France mais l'expérience démontre que, sur un tel sujet de santé publique, qui concerne tout de même 3 000 à 4 000 cancers du poumon, il est possible de prendre des mesures sans forcément que ce soit dans le cadre d'une intervention étatique.

La dernière question porte sur la recherche participative. J'ai indiqué que l'IRSN dispose d'un comité d'orientation des recherches, un comité de type Grenelle ayant vocation à intégrer les attentes de la société. Au sein du COR se trouvent des élus, des associations et des organisations syndicales ainsi que des experts et des industriels. Par ailleurs, de manière très concrète, nous construisons dans la région de Dunkerque un projet sur l'exposome, sur l'effet des stresseurs cumulés. La région de Dunkerque a été choisie parce qu'il s'y trouve à la fois une grande centrale nucléaire avec six réacteurs, beaucoup d'industries et de l'agriculture. Ce programme de recherche nommé Orchidée porte donc sur l'impact de multi-stresseurs sur l'environnement et sur la santé. Une discussion est en cours avec l'ANR sur ce projet.

Nous avons un autre programme de recherche, nommé Sursaut, qui s'intéresse à la surveillance qu'il faut organiser autour d'un site de stockage de déchets. Dans ce programme, l'IRSN interagit avec les populations. Ce sont deux exemples de recherche participative.

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