. ‑ S'agissant de la place de la France dans le panorama international, elle est vue comme l'un des pays ayant le plus avancé jusqu'à présent. En Finlande, la construction du stockage géologique étant désormais autorisée, elle a commencé, alors qu'en Suède le processus d'autorisation est suspendu en raison des difficultés du gouvernement. En France, les premières décisions sur la gouvernance ont été prises en 1991, avec la mise en place d'un processus de gouvernance dans lequel le rôle du Parlement, en particulier de l'OPECST, était prédominant. Des lois ont été votées en 2006 et 2016, après une large concertation incluant une consultation des milieux scientifiques et aussi des débats publics. J'ai d'ailleurs participé à ces derniers, à l'époque en tant que directeur général de l'Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies (ONDRAF).
La loi de 2016 précise que le stockage est la solution à mettre en place en France. Elle évoque la réversibilité. Personnellement, j'avais compris qu'il s'agissait de la réversibilité du stockage. Je constate que cette notion, qui n'a pas été entièrement clarifiée dans les débats publics, suscite des remises en cause périodiques de la solution légale. Dans notre analyse, nous avons mis en évidence la nécessité de valider complétement chaque étape du processus, notamment du point de vue de la sûreté, par l'autorité de sûreté et ses groupes permanents d'experts. Tel est le cas dans la plupart des pays, en particulier en France où ce processus est parfaitement maîtrisé.
En revanche, dans un grand nombre de pays, il n'existe pas de processus permettant d'entériner les acquis au niveau du « consensus sociétal ». La situation dépend fortement des systèmes politiques en place. En Finlande, une fois que la décision est prise, le décideur, parlement ou gouvernement, étant clairement identifié, elle n'est plus remise en cause. C'est aussi le cas en Suisse avec les votations : une fois que le peuple a décidé, on n'en reparle plus. Dans certains pays, la gouvernance demeure incertaine. Je pense que la situation en France est compliquée de ce point de vue, tant en ce qui concerne les choix en matière de mix énergétique, avec l'objectif de la décarbonisation, que pour la gestion des déchets radioactifs.
Pour une bonne gouvernance, il est important d'établir un consensus solide quant à la nécessité, dans tous les cas, d'un stockage géologique profond. Tel est le cas en Finlande, en Suisse, en Suède et au Canada. Il faut que cette décision soit entérinée et que des mécanismes adaptés soient mis en place au niveau local, les populations d'accueil du stockage étant les plus directement concernées. D'ailleurs, l'expérience récente des États‑Unis et de l'Espagne montre qu'il est aussi difficile d'établir un site d'entreposage centralisé qu'un site de stockage, les questions posées par la population en termes de sûreté étant exactement les mêmes. Je pense en particulier que la France pourrait utilement recourir au domaine de la recherche en sciences humaines et sociales. Je dis cela avec modestie, la Belgique n'étant certainement pas un modèle en la matière.