Intervention de Sébastien TANZILLI

Réunion du jeudi 21 octobre 2021 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Sébastien TANZILLI, directeur de recherche à l'institut de physique de Nice :

. ‑ M. le président, Mesdames et Messieurs les députés et sénateurs, je vous remercie de votre invitation. Je suis directeur de recherche du CNRS à l'Institut de physique de Nice, laboratoire conjoint de l'Université Côté d'Azur (UCA) et du CNRS. Je me propose de vous présenter un point de situation sur la mise en place d'un test bed (banc d'essai) d'un réseau de communication quantique opérationnel à Nice Côte d'Azur nommé Quantum@UCA. J'ai sous-titré ma présentation en indiquant que nous allons de la production d'intrication photonique à l'établissement de clés secrètes de cryptographie. Comment établir des clés secrètes entre partenaires distants pouvant servir à des tâches de cryptographie avec de l'intrication photonique ? L'idée est d'établir un benchmark quantique grâce à des clés privées de cryptographie pour effectuer des tâches de communication que les moyens d'information classiques ne permettent pas de faire ou ne font pas de manière satisfaisante.

Une source génère une paire de photons intriqués, dont l'un est envoyé à Alice et l'autre à Bob. Dans la table ronde précédente, il a été question de superposition cohérente d'états d'un système quantique unique (état 0 et état 1). Ici, on a augmenté la dimension de l'espace de Hilbert des configurations quantiques, puisqu'on dispose d'une paire de qubits qui lorsqu'ils sont produits, sont tous les deux dans une superposition des états 0 et 1. Si ces deux photons sont distribués respectivement à Alice et à Bob, ces derniers peuvent demander à leur photon respectif quelle est sa valeur d'information. Grâce à l'intrication quantique, si Alice obtient la valeur logique 0 sur l'un des deux qubits intriqués, le photon de Bob aura automatiquement la même valeur. Les résultats des mesures chez Alice et Bob, lorsqu'on produit un état intriqué de cette manière, sont parfaitement corrélés.

Comment aller jusqu'à l'établissement de clés secrètes entre ces deux partenaires, éloignés de quelques kilomètres à plusieurs centaines de kilomètres ? Le protocole basé sur l'intrication induit que les résultats chez Alice et Bob sont non seulement parfaitement corrélés, mais aussi purement aléatoires. Le photon parti de la source jusqu'à chez Alice n'a jamais porté seulement l'état 0 puisqu'il était dans une superposition des états 0 et 1. C'est seulement lorsqu'Alice a procédé à sa mesure que ce photon a révélé son état logique. Automatiquement, la même valeur est apparue chez Bob. Des chaînes de bits établies de part et d'autre, chez Alice et Bob, sont donc à la fois parfaitement corrélées et parfaitement aléatoires. Elles peuvent être considérées comme parfaitement secrètes. La sécurité vis-à-vis de ces chaînes de bits établies aléatoirement et parfaitement corrélées est testée grâce à des témoins d'intrication. Plutôt que de faire des analyses dans la base 0 et 1, les analyseurs permettent de tester la qualité de l'intrication et de savoir, en cas d'attaque, si les clés sont bien secrètes.

Le projet Quantum@UCA vise la mise en place d'un réseau quantique opérationnel en champ réel, en partenariat entre l'UCA et Orange. Une convention de coopération a été signée en mai 2019 et a consisté à réserver une paire de fibres noires pouvant relier 3 campus de l'UCA. Il a été nécessaire de déterminer le routage spécifique de ces fibres pour relier ces 3 campus en évitant tous les systèmes classiques incompatibles avec la manipulation d'information quantique. Il a fallu également réaliser des travaux de génie civil pris en charge par Orange afin de concaténer ces fibres noires, d'éviter les répéteurs et d'avoir accès aux fibres optiques dans les bâtiments prévus. La convention crée aussi une collaboration entre les laboratoires d'Orange travaillant sur la cryptographie sécurisée par des moyens quantiques (Quantum Safe Cryptography) et notre équipe, afin de rendre ce réseau fonctionnel à court terme.

L'objectif est de créer un lien de communication quantique avec un benchmark de cryptographie quantique : le premier site (Bob) est dans la salle des machines d'Inria du campus SophiaTech, le deuxième (Alice) est basé à l'Institut de physique de Nice et le troisième (source des paires de photons intriqués) dans un bâtiment de la métropole Nice Côte d'Azur, dans le nouveau campus « Ecovallée de la Plaine du Var » de l'UCA. 15 kilomètres séparent la station centrale d'Alice et 35 kilomètres séparent la station centrale de Bob, soit 50 kilomètres au total. Lorsqu'une paire de photons est produite, l'un est véhiculé vers Alice et l'autre vers Bob. La mise de fonds de ce projet s'est faite via l'Idex UCAJedi, la métropole Nice Côte d'Azur, la société Orange et un projet Horizon 2020.

Les fibres opérationnelles ont été obtenues en janvier 2020, mais la crise sanitaire n'a pas permis de reprendre nos activités de recherche sur le terrain avant novembre 2020. Depuis juillet 2021, les caractéristiques opérationnelles de ce réseau sont les suivantes :

Le réseau Quantum@UCA se veut être un test bed ouvert offrant un environnement propice pour tester divers protocoles et divers états quantiques et diverses technologies de photonique quantique.

Les perspectives à court terme consistent à augmenter le débit : une démonstration de laboratoire a montré que via des stratégies de multiplexage fréquentiel et temporel compatibles avec les réseaux télécoms standards, on pourrait viser des débits de clefs secrètes proche du mégabits par seconde.

Les perspectives à court et moyen terme consistent à utiliser ce lien de cryptographie quantique et faire de la téléportation à base de photons uniques (fournis par Quandela) et d'intrication photonique. Nous développons un étage de conversion de fréquence en optique non linéaire intégrée : il s'agit de convertir la longueur d'onde des photons issus de la boîte quantique vers une longueur d'onde télécom, afin de rendre les sources de photons uniques compatibles avec les standards de télécommunication.

À plus long terme, nous avons obtenu, avec Thales Alenia Space et Sorbonne Université, un contrat avec le CNES pour définir des architectures de communication quantique via le segment spatial. Nous avons également obtenu un soutien de l'Agence de l'innovation de défense pour intégrer des sources de lumière quantique afin qu'elles répondent aux contraintes spatiales et être embarquées sur un satellite.

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