Toutes ces questions sont majeures.
Je ne suis pas pédiatre, mais les enfants présentent effectivement moins de symptômes – on verra si c'est toujours le cas avec les nouveaux variants. L'étude britannique Clocks montre que certains enfants qui ont eu le Covid ont tout de même des symptômes qui persistent. A priori la sémiologie n'est pas tout à fait la même que chez les patients adultes : les céphalées et la fatigue sont prédominantes et l'on observe également des décrochages scolaires. Il reste à savoir si ces événements sont vraiment dus au virus, ou plutôt au contexte, d'où l'importance de faire des études comparatives avec des enfants qui n'ont pas eu le Covid.
Sur le deuxième sujet, il y a effectivement des patients qui sont sous oxygène, et dont les pathologies associées au Covid sont très importantes : on voit ainsi beaucoup de myocardites, d'inflammations du cœur, en consultation. Les symptômes post-Covid ont à l'évidence une part organique, mais comme les symptômes persistent, les troubles fonctionnels s'installent. Ce n'est donc pas dichotomique. Souvenons-nous, dans ce débat, que l'on parle d'une maladie émergente ; on aimerait avoir très vite des réponses tranchées, or la première phase de l'épidémie a montré que cela ne marchait pas comme ça. Il y a des incertitudes, il faut de la nuance, et plusieurs hypothèses physiopathologiques se superposent probablement.
Sur la persistance de l'inflammation et le caractère purement lésionnel, certaines personnes ont pu n'être pas hospitalisées mais avoir des lésions pulmonaires sévères. On sait en effet que les symptômes initiaux des patients Covid sont sous-estimés, pour des raisons que l'on ne connaît pas encore très bien. Ils arrivent à l'hôpital, heureux et hypoxiques : c'est la « happy hypoxia ». Ils ressentent très peu l'absence d'oxygène dans leur sang, ce qui est étonnant pour une pathologie d'apparition brutale et aiguë. Il y a une réelle dissociation entre les symptômes présentés et les marqueurs biologiques de la sévérité. C'est très difficile pour la prise en charge des cas aigus : un soignant sans expérience de cela ne s'attend pas à ce que l'état d'un patient puisse se compliquer si vite et qu'il doive aller en réanimation en l'espace de quelques heures. En réalité, le processus était déjà engagé et les patients étaient déjà dans un état grave mais ne le sentaient pas. Une hypothèse est donc que des patients non hospitalisés ont présenté des formes plus sévères que ce que l'on croit. Des travaux sont en cours, notamment en France, où une équipe s'intéresse à des patients suivis uniquement en ville et qui ont eu besoin d'un peu d'oxygène sans devoir aller à l'hôpital. Il s'agit sans doute d'une population intermédiaire, entre les personnes qui n'ont pas été identifiées comme hypoxiques et d'autres qui sont allées à l'hôpital. Ce sont des choses très importantes à étudier.
S'agissant des conséquences pathologiques à long terme de la grippe espagnole, l'existence de syndromes post-infectieux est bien connue dans l'histoire de la médecine, notamment quand un nouveau virus émerge. Après la grippe espagnole, des épidémies de troubles neurologiques ont été rapportées. À la fin du xixe siècle, il y a eu de grands épisodes de fatigue et de troubles neurologiques à la suite de la grippe russe – qui était probablement un coronavirus et non un virus de grippe. On pense aussi que Mozart est mort d'un syndrome post-infectieux ; il y avait à ce moment-là à Vienne une épidémie de « fièvre spumeuse », c'est-à-dire des œdèmes que l'on peut attribuer à un purpura rhumatoïde et que l'on trouve également en état post-infectieux. Ainsi, le fait qu'il y ait des épidémies avec des conséquences à moyen et à long terme est déjà décrit par le passé, même si c'était moins suivi qu'aujourd'hui.